Chronique|

Montréal en auberge de jeunesse

Une vue de Montréal, entre deux bâtiment, où on aperçoit un escalier en colimaçon.

CHRONIQUE/Jamais à ce jour une auberge de jeunesse n’a réussi à m’impressionner au Canada. Souvent trop grandes, trop impersonnelles, celles que j’ai visitées me paraissaient figées dans une version dépassée d’elles-mêmes. Devant ce constat, l’Auberge Saintlo de Montréal s’est donné le défi de changer ma perception en un week-end. Défi accepté!


À Montréal, Toronto, Niagara Falls, Québec et Toronto, toutes les auberges où j’ai dormi partageaient les mêmes défauts : trop grandes et trop impersonnelles. Trop chères aussi, parfois, surtout que l’objectif semble généralement de concentrer le plus de lits possible dans un petit espace. Seule exception : celle de Vancouver m’avait surpris en intégrant des ventilateurs dans chaque capsule pour garder les clients au frais. Un morceau de robot.

L’Auberge Saintlo est un collectif bien d’ici qui possède une auberge à Montréal, à Ottawa et à Toronto. Celle d’Ottawa ouvrira sous peu dans une ancienne prison alors que celle de la Ville Reine reprendra du service bientôt. S’ajoutent des auberges partenaires à Gaspé, Sainte-Anne-des-Monts, Rivière-du-Loup, La Malbaie et Québec.

L'Auberge Saintlo, autrefois affiliée à Hostelling International, est un bâtiment blanc sur la rue Mackay à Montréal.

Ce sont en réalité des auberges qui se trouvaient sous la bannière HI, pour Hostelling International, et qui se sont en quelque sorte désaffiliées. La nouvelle marque n’existe que depuis un an. « Nous voyons émerger de nouvelles formes d’auberges et nous nous sommes dit qu’il fallait rester dans le jeu parce que les besoins des voyageurs évoluent. Nous voulions quelque chose qui rappelle le fleuve et il nous semblait logique d’avoir une marque, au Québec, qui nous ressemble », résume Kathleen Murphy, directrice du marketing des auberges Saintlo.

S’affranchir d’une marque internationale, c’était aussi pour avoir la flexibilité de travailler avec des partenaires et des événements locaux. Pour s’assurer que l’objectif n’est pas de faire des profits, mais de réinvestir constamment dans l’entreprise.

Kathleen Murphy promet « un hébergement social » et garantit presque qu’on ressortira d’un séjour avec de nouveaux amis. Du moins, l’objectif, c’est de mettre les conditions en place pour des rencontres. « Notre défi, c’est de rester à l’affût des tendances parce que les voyageurs que nous ciblons auront toujours entre 18 et 35 ans, mais nous, nous vieillissons. »

Drapeau rouge, donc, de constater que je ne figure déjà plus parmi la clientèle cible des auberges de jeunesse. Mais je le jure, en un week-end, j’en ai croisés qui se contentaient de dire qu’ils avaient passé 40 ans. Certains depuis plus longtemps que d’autres.

Création d’expériences

Situé près du centre Bell, à deux pas du boulevard René-Lévesque et de la rue Sainte-Catherine, l’établissement propose des espaces de coworking, un bar, une cuisine et une cinquantaine de chambres, pour un potentiel de 200 invités. Les dortoirs les plus grands, comptant 10 lits, sont divisés en deux. Toutes les chambres ont leur propre salle de bain.

Surtout, l’auberge s’est dotée d’une créatrice d’expérience dont la mission est de favoriser les rencontres. Au menu : repas communautaire, bar à poutine, tournoi de beer pong et balade au mont Royal. Au courant de l’été, des pique-niques au parc, comme le font les Montréalais par beau temps, seront aussi offerts.

Sur le mur de l'auberge, une carte de la ville de Montréal est agrémentée de suggestions de sorties.

Prenant l’expérience au sérieux, je me suis inscrit à toutes les activités proposées. Le bar à poutine n’a pas connu le succès que j’aurais cru, le beau temps ayant peut-être quelque chose à y voir, même si nous étions une poignée à improviser le mets typique du Québec à l’aide d’ingrédients hétéroclites. Aux frites ordinaires et de patates douces, au fromage obligatoirement squick squick, on pouvait ajouter quelques sacrilèges comme des poivrons rôtis, des saucisses, du guacamole, des champignons, des oignons frits ou les oignons caramélisés au sirop d’érable.

Les étrangers qui se forgeaient une première impression de la poutine avaient accès à un plat décent et suffisamment représentatif.

Un petit groupe de voyageur s'arrête, rue Crescent, devant une murale représentant Leonard Cohen, pour prendre quelques photos.

La poutine aura aussi conclu la marche au mont Royal avec un arrêt chez Patati Patata, boulevard Saint-Laurent, une suggestion de Dalva, la créatrice d’expérience. La marche, toute simple et ponctuée de plusieurs escaliers, aura permis d’admirer la murale de Leonard Cohen, sur Crescent, et de faire une pause au lac aux Castors. L’encadrement minimal laisse place aux discussions. Les plus curieux voudront toutefois peut-être un peu de contexte sur ce qu’il leur est permis de découvrir.

La promenade m’aura néanmoins permis de discuter avec une Vancouvéroise ayant vécu dans presque toutes les provinces canadiennes (la catégorie des 40 ans et plus, c’est elle, notamment) et un Écossais ayant grandi à Oman et arborant une chemise typiquement indienne. La mission sociale de l’auberge s’était concrétisée.

La traditionnelle vue sur le mont Royal demeure un incontournable pour les touristes à Montréal.
Le passage au mont Royal a été ponctué d'une halte au lac aux Castors.

Tournoi de beer pong

Elle s’est poursuivie au bar, au sous-sol, après 20 h, avec un traditionnel tournoi de beer pong. J’en garderai un souvenir impérissable pour y avoir enregistré une première victoire à vie. Malgré toutes les auberges où je me suis assoupi, jamais je n’avais pris part à un tel tournoi. Fait à noter, à l’Auberge Saintlo, les verres étaient remplis d’eau. C’était plus inclusif, provoquait moins de dégât... et on pouvait jouer plus longtemps.

Sur le mur du bar, au sous-sol de l'auberge, une affiche portant la mention « Soupe du jour : bière », est collée sous une grande cloche.

Oui, l’auberge est grande. Oui, les risques de se faire réveiller par des portes qui claquent et des discussions de couloir sont plus grands qu’à l’hôtel. Et oui, les activités, quoiqu’issues d’idées ingénieuses, gagneront à être un peu plus rodées. Mais la saison touristique est jeune.

Ce qui échappera peut-être au voyageur, itou, c’est qu’on offre des bagels au déjeuner. Gratuitement. Et pas n’importe lesquels. Ceux de Fairmount Bagel. On gagnerait peut-être à s’en vanter davantage. Pareil pour les lits superposés, qui sont confectionnés par une entreprise en réinsertion sociale.

À ma deuxième journée, je dois l’avouer, j’ai réussi à regarder Montréal avec les mêmes yeux que je poserais sur une grande ville où j’arriverais pour la première fois : comme un touriste. Je m’étais interdit de passer du temps avec qui que ce soit que je connaissais à Montréal. Je me suis un peu senti en voyage, sans choc culturel.

Enfin, j’ai eu quelques bribes de réponses à cette éternelle question qui me taraudait : ils viennent voir quoi, les étrangers, à Montréal? Ils viennent vivre quoi, surtout? J’y reviendrai.

Ce séjour m’aura un peu réconcilié avec les auberges d’ici. Assez pour redonner une chance à d’autres hébergements du même genre. Parce que j’aime bien m’improviser touriste chez moi, même pour une fin de semaine.

Le journaliste était l’invité d’Auberge Saintlo et de Tourisme Montréal.