Omerto, un vin de tomates unique au monde

Pascal Miche, fondateur et président des vins de tomate Omerto, produits à Baie-Saint-Paul

Lorsqu’il avait 12 ans, Pascal Miche a fait une promesse à son arrière-grand-père avant que ce dernier pousse son dernier souffle. Pascal lui a promis de réaliser le rêve qu’il caressait : produire un vin de tomates selon la recette familiale.


Cette recette secrète et unique au monde avait été élaborée à l’origine par Omer Miche, l’arrière-grand-père de Pascal, en 1938. Omer, un producteur de tomates belge, avait eu une si belle récolte cette année-là qu’il avait eu l’idée d’en créer un nectar.

Pascal Miche raconte qu’il a pratiquement été élevé par ses arrière-grands-parents.



« Mon arrière-grand-mère était cuisinière pour la famille du Roi Albert 1er, mais elle est revenue à la maison après que le Roi se soit tué en pratiquant l’escalade », relate Pascal Miche, comme quoi la gastronomie est dans l’ADN de sa famille.

L'arrière-grand-mère de Pascal Miche, Angèle Cambier, son père, Jacques Miche, ainsi que son arrière-grand-père, Omer Miche.

Malheureusement, un bon jour, le jeune Pascal est victime d’une vilaine grippe. Son arrière-grand-père succombera, après avoir, lui aussi, contracté le virus.

En homme de parole, Pascal Miche a accompli, près d’une cinquantaine d’années plus tard, ce qu’il avait promis à son aîné alors qu’il était sur son lit de mort. Depuis 2012, il produit du vin de tomates en sol québécois, plus précisément dans le Domaine de la Vallée du Bras, à Baie-Saint-Paul.

« On est dirigés par des légumes »

Toutefois, avant d’arriver à ses premières cuvées, Pascal Miche dit avoir mené un véritable « combat » contre les instances gouvernementales. Entre 2000 et 2008, il affirme avoir déposé un total de six demandes d’obtention de permis de production d’alcool.



La raison du refus systématique de ses demandes? On lui répondait que la loi ne permet pas de produire de l’alcool à partir d’un légume…

« J’ai été obligé de demander une audience au tribunal. Je revois encore le visage de la juge quand je lui ai expliqué pourquoi on me refusait le permis… », rigole Pascal Miche en se remémorant la scène.

Le vin de tomate Omerto sec.

La juge lui aurait ensuite demandé de faire un petit exposé aux avocats qui représentaient le gouvernement, afin de leur expliquer pourquoi, d’un point de vue botanique, la tomate est un fruit.

« C’est pour ça que je dis depuis longtemps qu’on est dirigés par des légumes», lâche-t-il, fidèle à son langage coloré.

Après avoir fait reconnaître la tomate comme un fruit, il a enfin pu produire sa première cuvée d’Omerto, en 2012.

8000 plants de tomates

La demeure de Pascal Miche lui sert aussi d'espace de production et de boutique pour accueillir les visiteurs.

Pour produire son vin unique, Pascal Miche utilise six variétés ancestrales de tomates au taux de sucre élevé. Il cultive le tout à la main, sans aide de machinerie ou de produits chimiques. D’ailleurs, tous ses vins sont certifiés biologiques par Ecocert Canada.



Tout près de sa maison, qui lui sert aussi d’espace de production et de petit magasin pour accueillir les visiteurs, se trouve un petit champ. Lors du passage du Soleil, les tomates n’avaient pas encore été semées pour cette nouvelle saison.

« J’ai encore des milliers de trous à faire cette semaine pour semer. J’aurai 8000 plants en tout », dit Pascal Miche, devant l’air hébété du journaliste, qui s’attendait à voir des champs à perte de vue.

« Ce n’est pas un vignoble! réagit-il. Je suis capable de planter six plants de tomates dans l’espace que prend une seule vigne ».

Le modeste champ de Pascal Miche lui permet de produire plus de 40 000 bouteilles par années.

Même si la production de tomates demande moins d’espace que celle des raisins, elle ne demande pas moins de travail, selon M. Miche. Lui qui approche la soixantaine, il trouve le travail de plus en plus ardu, surtout que la main-d’œuvre se fait rare.

« Ce matin, mon seul employé n’est pas rentré. […] Je suis dans la merde jusqu’au cou. Je dois fermer pour la journée je ne peux pas recevoir le public, parce que je dois me concentrer sur la production. Le bonhomme ne peut pas tout faire! » se désole-t-il.

Un cocktail pour Joséphine Baker

L’année dernière, Pascal Miche a lancé deux nouveautés : des cocktails prêts à boire, fait à base de vin de tomates. Le premier, aux notes de gingembre et de concombre, a été nommé Rebelle, en l’honneur du caractère de son auteur. Ce cocktail est rafraichissant et semble parfait pour célébrer une chaude journée estivale.

Le second a été réalisé en l’honneur d’une figure française connue mondialement, et qui est entrée au Panthéon en 2021 : Joséphine Baker. La femme de scène aux origines diverses s’est fait connaître pour son combat pour la cause des noirs, mais également pour son rôle dans la Résistance française.

Le fils de Joséphine Baker, Brian Bouillon-Baker, est un bon ami de Pascal Miche. Le cocktail Audacieux a été réalisé en l'honneur de la femme de scène.

« Joséphine Baker a adopté 12 enfants au cours de sa vie et je connais un de ses fils, Brian, depuis plusieurs années […] Un jour, il m’appelle, et il me dit : “tu dois me faire un cocktail en l’honneur de maman” alors je me pince et je lui réponds : “tu sais ce que tu me demandes?” » raconte-t-il.



Baptisé Audacieux, le cocktail est très tropical, avec d’intenses saveurs fruitées, notamment de mangue et de banane. Le goût est surprenant et original, à la manière de la chanteuse, danseuse et actrice.

La mise en marché de ces deux cocktails n’a pas été de tout repos pour Pascal Miche. Il ne pouvait pas s’occuper seul de l’élaboration d’une nouvelle image de marque, d’un site web, de l’encannage et de toutes les autres opérations qui s’ajoutent à la production.

Il a donc fait appel à l’incubateur AG Biocentre, situé à Lévis, afin de l’aider dans la commercialisation de ses nouveaux produits. Pour ses deux cocktails, ainsi que pour son vin moelleux, Omerto a reçu la médaille d’argent à la dernière Coupe des Nations, qui avait lieu à Québec en mai dernier.

Omerto a remporté trois médailles d'argent à la dernière Coupe des Nations pour ses deux nouveaux cocktails ainsi que son vin moelleux. Sur la photo : Lyne Pelletier, présidente de la Coupe des Nations, Pascal Miche, Joëlle Boutin, députée de Jean-Talon à l'Assemblée nationale, et Frédéric Sanchez, Consul général de France à Québec.

ON Y A GOÛTÉ

Le vin apéritif de tomates Omerto est disponible en quatre variétés distinctes, toutes composées de 15,5 % d’alcool. Prenez garde : il ne faut pas trop chercher les points de comparaison avec les cépages classiques, parce que vous serez déçu. De plus, il ne faut pas s’attendre à goûter la tomate, car « ce n’est pas du V8 », comme aime le dire Pascal Miche.

L’Omerto sec est d’un jaune légèrement doré et il dégage des arômes d’agrumes. Une fois en bouche, il est doté d’une forte acidité compensée ensuite par une belle longueur. Son goût est très certainement unique, et fait davantage penser à un alcool de grains qu’à un cépage classique.

Le vin de tomate Omerto moelleux.

Pascal Miche conseille de le boire avec un poisson fumé, des sushis ou des charcuteries. Ce vin de tomate est également offert dans une version vieillie deux ans en barriques d’acacias, l’Acacia demi-sec, qui dégage des arômes boisés et un bel équilibre de sucre et d’acidité.

De son côté, l’Omerto moelleux dégage des arômes plus floraux, notamment de melon miel et d’abricot. Il est beaucoup plus sucré que l’Omerto sec, et le contraste avec ce dernier est frappant.

Pascal Miche affirme qu’il s’accompagne bien avec un foie gras, des terrines ou un fromage au lait cru. Il est également disponible dans une version vieillie en fût de châtaignier et de cerisier.