Chronique|

Vers une plus grande inclusion interespèce

À travers les échanges qu’on y vit avec les autres citoyens, une balade en métro, dans le respect des règles en vigueur, peut devenir un puissant levier pour contribuer à la socialisation nécessaire au vivre-ensemble.

CHRONIQUE / Elle n’est pas si loin l’époque où, surtout en milieu rural, chiens et chats déambulaient relativement librement dans l’espace public sans pour autant déclencher un tollé de la part de parents inquiets des morsures, de voisins irrités par les déjections, d’amoureux des animaux effrayés des périls du monde extérieur.


Peut-être êtes-vous de ceux qui se souviennent de ces poilus, nez au vent ou embusqués dans les haies de cèdres? Il est vrai de dire qu’en plus de circuler et de vaquer à leurs occupations respectives, un petit nombre faisaient bel et bien peur aux enfants ou aux plus grands, allant parfois jusqu’à la morsure. Les voisins ulcérés, quant à eux, pouvaient sortir la carabine à plombs, histoire de donner une bonne leçon : « Lui, il ne viendra plus sur mon gazon! » Et certains finissaient assurément au menu des prédateurs du coin ou sous les roues d’un rutilant véhicule. Mais c’était une minorité et… c’était « comme ça ». On mouchait les nez, pansait les plaies, punissait les coupables, tenait rancœur au « maudit sans cœur » et pleurait la perte prématurée d’un être cher. Autre temps, autres mœurs! Comprenez-moi bien, il ne s’agit pas ici de soupirer après une vision rendue romantique du passé, mais plutôt de constater les changements qui ont eu cours en quelques décennies seulement au Québec.

Gypsy (retriever de Nouvelle-Écosse) et Monsieur Renaud (berger belge tervueren) sont en « virée canine » sur Montréal. Pour ces p’tits gars d’la campagne, arpenter la ville permet de vivre de nouvelles aventures enrichissantes et stimulantes, en plus de consolider le lien avec leur humaine respective.

À l’heure actuelle, on s’attend des quelques animaux de compagnie rencontrés dans l’espace public qu’ils soient dûment restreints, attachés, contrôlés, sinon carrément muselés. C’est le chemin que, collectivement, nous avons pris; peut-être en réponse à certains des défis de cohabitation rencontrés par le passé (risques de morsures, maladies transmissibles des animaux aux humains, surpopulation féline, etc.). Toutefois, certains signes donnent à croire que le mouvement de balancier, qui nous aura fait visiter les extrêmes du continuum entre liberté et captivité, tende (enfin!) à revenir vers le centre. En atteste l’accès au métro (restreint et conditionnel, mais tout de même), les réflexions politiques autour de l’accès au logement pour les familles interespèces (actuellement ultra-limité vu la crise du logement et le droit des locateurs d’interdire les animaux de compagnie dans leurs immeubles), les projets d’édifices à condos « amis des animaux », la multiplication des parcs à chien, etc. Des nouvelles susceptibles de résonner comme une musique aux oreilles du quelque 52 % de la population vivant avec un chien ou un chat. Il y a de l’avancement dans le « vivre ensemble citoyen interespèce »! Bonne chose, car nos leçons d’histoire nous rappellent qu’ériger des murs hérissés d’interdits entre soi et l’autre (ici, à quatre pattes) ne donne pas de si bons résultats, non? Cette forme de ségrégation, si elle cible d’abord les autres espèces (ce qui est déjà fort triste en soi), impacte aussi, rappelons-le, les 52 % de québécois à l’autre bout du lien!



Le changement entraîne son lot de turbulences et de résistances. C’est que l’humain est plutôt partisan de la stabilité, donc souvent du statu quo. Comment faire alors si l’on fait partie du 52 % (ou que l’on est sympathisant) et que l’on a à cœur la bonne marche de cette petite révolution humanimale québécoise? À chacun ses réponses, bien sûr : Partir en vacances avec son animal, joindre les réseaux (ré-zoos!) sociaux qui informent des lieux permettant l’accès aux poilus, signifier systématiquement (et de manière correcte, évidemment) notre mécontentement lorsque l’accès est interdit, dépasser son propre malaise et sa peur de déranger pour demander si notre poilu peut venir lorsque l’on va faire un tour chez la famille ou les amis, faire de son foyer un lieu « amis des animaux » et passer le mot à l’entourage, fréquenter les cafés ou restos qui acceptent les animaux, etc. Il n’y a pas de petits gestes. Ensemble, il est possible de faire avancer les choses.

Habiter, par exemple avec son chien, l’espace public, et ce, de toutes les façons possibles semble une piste d’action intéressante. Encore faut-il agir avec civisme! Ramasser les besoins, sourire aux gens qui sourient à la vue du poilu, rassurer ceux qui ont un regard inquiet. Un simple « Monsieur Renaud, mon grand chien, assieds-toi et laisse passer la dame, SVP » peut vous valoir un regard reconnaissant et agir sur le discours interne de quelqu’un qui a peur. Le « Qu’est-ce qu’il fait la ce m… chien!? » pourrait alors se transformer en « Au moins, lui il sait vivre! » C’est en se saisissant des mille occasions offertes par ces rencontres dans notre milieu naturel (la place publique, les commerces, l’entourage) pour les mettre au service d’une véritable socialisation, à la fois de l’animal lui-même, mais aussi de soi et des autres citoyens qu’un vivre ensemble harmonieux pourra se déployer.

Alors cet été, pourquoi ne pas les déconfiner, habiter ensemble l’espace public (avec civisme!) et ainsi marcher vers une plus grande inclusion interespèce!?