Marc Legendre est l’un de ces vacanciers au pied marin. En 2022, ce Québécois originaire de La Tuque s’est offert un voilier usagé Hunter Legion d’une longueur de 11 mètres (37,5 pieds). Depuis, il y passe la majorité de son temps.
« Je vis à temps partiel dans mon bateau, tout l’été, comme dans un chalet. Je reviens chez moi de temps en temps pour faire du lavage et de l’épicerie, mais dès que j’ai l’occasion, je retourne au bateau », raconte le technologue en architecture de 29 ans.
Il rêve d’en faire sa résidence principale, passant l’été à la marina du port de Québec pour ensuite voguer vers le Sud pendant la saison froide. L’an prochain, peut-être.
Comme un grand campeur
D’où vient ce désir de troquer le chalet contre la vie sur les flots? « Je ne recherche pas le confort d’une maison. Je veux marier le camping et la navigation. Au fond, c’est une sorte de minimaison flottante que je me suis achetée. Et j’ai l’avantage de sortir sur le fleuve quand je veux. Je compare ça à un grand campeur. »
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La comparaison plaît à Micheline. Cette professionnelle dans la cinquantaine vit tout l’été à bord de son voilier en compagnie de son conjoint, avec qui elle pratique la voile depuis une vingtaine d’années.
« C’est comme une roulotte pour les maniaques de l’eau! Chaque été, on déménage à la marina, de mai jusqu’à l’Action de grâce. Je reviens à la maison trois ou quatre fois dans l’été. C’est comme un chalet que tu peux déménager! » lance-t-elle en entrevue téléphonique avec Le Soleil, alors qu’elle admirait phoques et bélugas à Tadoussac.
L’espace et le confort
En visite à bord du voilier de Marc Legendre, Le Soleil a constaté de visu que toutes les commodités modernes s’y trouvent : deux chambres pour deux, cuisinière au propane, réfrigérateur et congélateur alimentés par des batteries et un système de panneaux solaires, évier avec réservoir d’eau propre et minisalle de bain complète.
Le bateau est « autonome à 80 % ». Pour le reste, les marinas incluent l’électricité, l’eau potable et parfois une connexion Wi-Fi dans les frais de location de quai.
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C’est évidemment l’espace qui est sacrifié dans ce lieu de 11 mètres (37 pieds) de longueur sur 4 mètres (13 pieds) de largeur. On s’y habitue, paraît-il. Si bien que certains choisissent d’y vivre avec des enfants en bas âge ou même de gros chiens.
« J’ai toutes les commodités. C’est même relativement spacieux pour y vivre seul. Techniquement, sept personnes pourraient y dormir, serrées un peu en se pilant sur les pieds », dit M. Legendre.
Ni vertige ni claustrophobie
L’entretien, lui, peut causer des surprises. « N’importe quel travail prend le double du temps. Pour réparer un bout de tuyau, il faut faire des contorsions pour s’y rendre parce que tout est rangé de façon stratégique pour économiser l’espace », explique M. Legendre.
De plus, il lui faut parfois grimper au mât (16 mètres de hauteur), souvent planifier l’épicerie et toujours faire de minutieux préparatifs avant de sortir en mer. « Tout ça amène une complexité logistique intéressante et des défis qui m’alimentent. On ne s’imaginerait pas acheter un chalet sans y passer la tondeuse! »
Les voisins se font rares
On pourrait croire qu’on trouve dans les marinas une ambiance comparable à celle d’un terrain de camping, où les vacanciers passent journées et soirées à proximité. Apparemment pas. « Dans notre marina d’une couple de centaines de bateaux, seulement une dizaine de personnes y vivent », précise Micheline.
Cela dit, on ne s’ennuie pas pour autant. « C’est agréable et calme. Au lieu d’écouter la télé, on parle, on lit, on écoute de la musique. On a une structure qui nous protège comme un gazebo. Comme si on était sur la galerie d’un chalet! »
En fin de compte, les résidents nautiques ne changeraient rien à leur style de vie, même s’il en surprend plusieurs. « Beaucoup de gens ont de la difficulté à se l’imaginer. Pourtant, la planète mer est un monde parallèle avec des milliers, voire des millions de personnes qui naviguent dessus, lance Micheline. Une chance que tout le monde n’aime pas les mêmes affaires. Si tout le monde faisait du ski, il n’y aurait pas assez de montagnes! »
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Une affaire de riches?
Un bateau aménagé pour y vivre peut coûter quelques dizaines de milliers de dollars sur le marché d’occasion. Jusqu’à quelques centaines de milliers de dollars pour du neuf ou si on a des goûts de luxe.
Ce style de vie est-il de facto réservé aux mieux nantis? « Il est vrai que le prix des bateaux a grimpé. L’inflation joue ici aussi, analyse Micheline. Racheter un bateau comparable à celui qu’on possède depuis 11 ans nous coûterait trois fois plus cher aujourd’hui. »
Cela dit, est-ce vraiment plus coûteux qu’un chalet?
«Ça coûte encore moins cher qu’une belle résidence secondaire au lac Brome. Ça, je ne connais pas beaucoup de monde qui en a les moyens!»
— Micheline
De nombreuses dépenses
Une fois le bateau en sa possession, les dépenses sont toutefois loin d’être terminées. Comme un chalet, au fond. Il faut compter les frais de marina en fonction de la taille du navire, de mise à l’eau, l’entretien, etc. Ici encore, Micheline relativise.
« Si on calcule un voyage de couple vers l’Europe pendant trois semaines, billets d’avion compris, ça va vous coûter plus cher que de rester dans une marina. Vivre dans un bateau n’est pas donné, mais ce n’est pas 25 000 $ par année non plus », affirme celle qui estime à seulement 350 $ de diesel la facture estivale pour nourrir le moteur d’appoint de son voilier. Moins que pour bien des voitures.
« Un bateau peut être coûteux, certes, mais il ne nécessite pas d’être riche. J’ai un appart 3 ½, une petite voiture, un bon salaire dans la moyenne, sans que je me considère riche, considère Marc Legendre. On dépense en conséquence pour un choix de vie qui nous apporte beaucoup de satisfaction. »
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Dodo et mal de mer
« Tout bon marin aura un jour le mal de mer, avertit Marc Legendre. Toutefois, les vagues qui frappent la coque créent un clapotis très naturel, comme un cours d’eau près d’un chalet. Et ça procure un mouvement constant et plaisant. Ce n’est peut-être pas pour tout le monde, mais j’aime dormir sur l’eau, tranquillement bercé par la houle. »
Micheline renchérit : « Les trois dernières nuits ont été tellement calmes que je mettrais quiconque au défi de faire la différence entre un lit sur un plancher de béton et dormir à l’ancre! »