
Le Canada du nord au sud en skis, en canot et à vélo
«C’est une traversée qui n’a jamais été tentée à force humaine dans une seule et même expédition», explique au bout du fil Nicolas Roulx, un enseignant au secondaire amateur d’expéditions en nature, qui a eu l’idée de ce projet lors d’un séjour de 65 jours au Nunavik en 2018.
«Noah Noggasak, un Inuk du village de Nain [au Labrador] nous avait dit que ce serait un rêve pour lui de traverser le Canada dans un axe nord-sud. Il y a une raison pourquoi ça n’a jamais été tenté. En plus de l’investissement de 300 000 $, ça demande un grand engagement physique et au niveau de l’entraînement.»
Trois partenaires
Les deux aventuriers verront trois autres personnes se joindre à eux sur des parties de leur parcours. Jacob Racine les accompagnera pendant trois mois et 1 600 km en skis d’Eureka, sur l’île d’Ellesmere à 500 km d’Alert, jusqu’à la communauté inuite de Gjoa Haven sur l’île du Roi Guillaume.
Philippe Voghel-Robert et Étienne Desbois se joindront ensuite à eux pour le trajet de 2000 km répartis sur deux mois pour atteindre la Première nation Dénésuline de Black Lake, en Saskatchewan. Ils compléteront le périple en duo sur leurs vélos, une «promenade» de 4000 km qui devrait durer 35 jours par la route jusqu’au sud de l’Ontario.

«Les cinq ne font pas tout le trajet, car on a tous des contraintes différentes en matière d’emploi et de famille. Jacob, par exemple, a un enfant en bas âge», explique l’amant de la nature de 27 ans, qui souligne avoir pour sa part une conjointe très compréhensive.
Chez les ours polaires
Nicolas Roulx indique que l’axe nord-sud impose une expédition sur quatre saisons qui mobilise énormément de compétences. «Par exemple, il faut tirer nos canots sur la glace dans la seconde portion et dans la première, on tirera un traîneau de 25 livres contenant 150 livres de nourriture et 125 livres d’équipement», explique celui qui s’est notamment entraîné en tirant des pneus dans la rue.
«Il faudra être prêts à toute éventualité. Durant quatre mois, nous serons dans le territoire de l’ours polaire. Nous devons donc amener avec nous des armes à feu, du répulsif à ours, des clôtures à ours et d’autres articles pour nous protéger. On devra être toujours vigilants», indique Roulx, qui avec son comparse Guillaume Moreau a déjà croisé les ours polaires lors de son expédition sur la côte du Labrador et dans les monts Torngat en 2018.
Les aventuriers qui préparent leurs pérégrinations depuis trois ans ont toutefois été pris par surprise une première fois non pas par un ours polaire, mais bien par la pandémie de Covid-19. «Nous sommes passés à un cheveu de ne pas pouvoir partir. Ça ne fait qu’un mois et demi que le gouvernement du Nunavut nous a permis d’entrer sur le territoire le 15 mars après une quarantaine de deux semaines dans un hôtel d’Ottawa», précise-t-il.
Projets
En plus de campagnes de socio-financement et de recherche de commanditaires, Nicolas et Guillaume ont aussi reçu une bourse de 14 000 $ de la Société de géographie royale canadienne qui leur a décerné le titre d’expédition de l’année. Ils réaliseront aussi deux projets scientifiques en collaboration avec l’Université Laval et l’Université du Québec à Rimouski durant leur périple, le premier pour vérifier l’impact du réchauffement climatique sur la croissance de l’épinette dans les régions nordiques et le second pour analyser comment le corps humain réagit dans des conditions extrêmes.
Avant leur grand départ, Nicolas et Guillaume offriront aussi une conférence en ligne le 11 mars via leur site expeditionakor.com où ils présenteront leur préparation et leurs objectifs. Les internautes pourront aussi les suivre via une carte interactive où leur progression sera transmise à chaque jour via satellite et où des photos du périple seront également diffusées.
«Pour moi, je ne pars pas en voyage, je me prépare plutôt à être nomade durant une demi-année. C’est une réalité que peu de gens connaissent: quand on fait une longue expédition dans des régions isolées, après un mois et demi, tu ne sens plus que tu es en expédition. Ton chez-toi, c’est devenu la nature», conclut Nicolas Roulx.