Enfant abusé, cerveau (un peu) figé
Les abus subis pendant l’enfance sont connus pour causer toutes sortes de problèmes de santé mentale qui persistent tout au long de l’âge adulte — troubles de personnalité, anxiété, dépression, etc. Et une équipe de l’Université McGill croit avoir découvert un des mécanismes en cause.
«Dans mon labo, on étudie le cerveau humain post-mortem de personnes qui souffraient de troubles mentaux, essentiellement la dépression, et qui se sont suicidées. Et une dimension qui nous intéresse plus particulièrement, c’est l’effet de la maltraitance sur le cerveau», a expliqué mercredi Nahuib Mechawar, chercheur en psychiatrie à l’Institut Douglas, lors d’une conférence au 90e congrès de l’ACFAS.
Lui et son équipe ont comparé les cerveaux de 28 personnes dépressives s’étant enlevé la vie, dont 12 avaient subi des mauvais traitements pendant l’enfance, à ceux de 11 sujets sains. Et ils ont remarqué une différence dans le cortex des gens qui avaient été maltraités : ils montraient en moyenne nettement plus de ce que les psychiatre appellent des «filets périneuronaux» que les sujets sains ET que les autres gens qui s’étaient enlevé la vie, mais sans avoir été abusés pendant leur enfance.
Ces «filets périneuronaux» recouvrent certains types de neurones, en particulier les «interneurones» (qui relient différentes parties du cerveau), et ils se forment au cours de l’enfance et de l’adolescence. Une fois qu’ils apparaissent, cependant, le cerveau perd de sa plasticité — il peut faire de nouvelles connections entre ses différentes parties, mais a tendance à conserver celles qui sont déjà présentes.
Or dans le cerveau des maltraités, l’équipe de M. Mechawar a compté plus de filets périneuronaux par volume, et chacun d’eux recouvraient une plus grande superficie en moyenne, soit près de 100 microns carrés (µm²) que chez les autres (50 à 70 µm²). D’autres indicateurs ont également montré un développement plus fort de ces filets chez les gens qui ont été abusés.
Des travaux antérieurs avaient déjà observé des effets comparables du stress en bas âge chez des animaux, mais il s’agit de la première démonstration chez l’humain.
«Alors notre hypothèse, c’est que puisque ces structures contrôlent le degré de plasticité du cortex cérébral, alors chez les personnes qui subissent de la maltraitance, le cerveau se développerait en établissant des connections mésadaptées [ndlr : expliquant les troubles mentaux] et les filets périneuronaux viendraient ensuite stabiliser ces connections mésadaptées.»
Langue et immigration : un débat qui manque de nuances
«On a l’air de penser qu’en six mois, on peut maîtriser une nouvelle langue, mais c’est faux. (…) Le français, ça ne peut pas devenir la langue principale de quelqu’un du jour au lendemain. Et ça, c’est un point dont il faut tenir compte.»
Pour le démographe de l’Université Laval Jean-Pierre Corbeil, le débat public sur la langue et l’immigration se déroule trop souvent sur mode plus ou moins binaire, où les immigrants doivent obligatoirement être classés soit du côté francophone, soit du côté anglophone. Cela nourrit bien des inquiétudes identitaires, mais cela fait manquer d’importantes nuances qui suggèrent que le français n’est pas aussi menacé que certains chroniqueurs l’affirment.
«Les immigrants ne sont pas juste francophones ou anglophones, ils ont une pluralité de rapports à la langue française. Alors [pour avoir un portrait complet], il faut tenir compte de cette complexité-là et de leur contribution à l’espace francophone, plutôt que de se concentrer uniquement sur s’ils sont francophones ou non», a dit M. Corbeil lors d’une conférence cette semaine.
Par exemple, si l’on regarde la langue maternelle des immigrants, on peut avoir l’impression que le français a fait bien peu de progrès depuis 40 ans : il était celle de 22,5 % des nouveaux arrivants en 1981, et cette proportion dépassait à peine 25 % en 2021. Mais la «langue le plus souvent parlée à la maison», elle, est maintenant le français pour 42,5 % des immigrants alors que c’était environ 25 % en 1981. (Notons que la part de l’anglais a chuté de 32 à 17 % pendant cette période.)
De même, si le français était la «première langue officielle parlée» de seulement 35 % des nouveaux arrivants en 1971, elle l’est maintenant pour près de 63 % d’entre eux — l’anglais a fait le trajet inverse, de 57 à 33 %, au cours de la même période.
Il y a eu, certes, une certaine augmentation du nombre de travailleurs immigrants ne connaissant que l’anglais entre 2016 et 2021, a ajouté M. Corbeil. Cela s’explique par les pays d’origine de ces immigrants récents et leurs professions, les unilingues anglais étant très surreprésentés dans certains métiers comme les professionnels des sciences naturelles et appliquées. «On verra si la tendance se maintient ou si c’est plutôt conjoncturel», dit-il.
Quoi qu’il en soit, M. Corbeil souhaite que le débat public sur cette question fasse plus de place aux nuances et aux faits — à tous les faits. «On associe trop souvent une entité (le locuteur) à une autre (la langue). Or la langue n’est pas une entité, mais un comportement. Une personne peut parler plus d’une langue selon le contexte et le moment, et une personne n’égale pas forcément une seule langue», a-t-il conclu.
Interdire le dégriffage des chats : la bonne décision
Après avoir longtemps fait partie des «soins» de base en médecine vétérinaire, le dégriffage des chats sera interdit à partie du 10 février prochain [http://bitly.ws/EqcI], et c’est une excellente chose si l’on en croit un colloque qui s’est tenu jeudi sur ses conséquences à long terme de cette chirurgie.
«C’est très difficile d’évaluer la douleur chez un chat. Ce sont des animaux solitaires, donc ils n’ont pas besoin d’un répertoire de moyens de communication aussi grand que les animaux sociaux. Mais ça ne veut pas dire que le chat ressent moins, c’est juste qu’il le montre moins», a indiqué la clinicienne-chercheuse en médecine vétérinaire de l’Université de Montréal Dre Aude Castel, spécialiste de la neurologie des animaux.
En partie à cause de cette difficulté, qui a été attestée par plusieurs des conférenciers du colloque, il y a peu d’études sur les effets à long terme ou sur la douleur persistante suivant l’ablation des griffes. Mais le système nerveux des chats ressemble beaucoup à celui des humains, a indiqué Dre Castel, au point où des études sur les chats ont été faites dans les années 1980 parce qu’il n’aurait pas été éthique de les faire sur des personnes.
De là, dit-elle, «on peut a priori faire le chemin inverse» et penser que les chats sont susceptibles de ressentir les mêmes choses que les gens qui se font amputer — douleurs fantômes, douleurs neuropathiques, etc. «Pendant la chirurgie du dégriffage, on ne fait rien pour épargner les nerfs», a-t-elle rappelé, et des nerfs sectionnés peuvent faire des espèces d’excroissances sensibles appelées névromes.
Il se pourrait aussi que le dégriffage amplifie les problèmes d’arthrose que la plupart des chats développent avec l’âge. Lorsqu’ils font leurs griffes, les chats font travailler plusieurs muscles au bas de leur dos. Mais sans griffes, cela devient très difficile, ce qui peut affaiblir ces muscles et, possiblement, empirer des problèmes d’arthrose.