En fait, il faut remonter jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, lorsque le jeune Paul Jalbert, alors âgé de 24 ans, menait un réseau de distribution de quotidiens. Il avait fondé ce réseau de clients — dépanneurs, épiceries et tabagies — d’abord à Trois-Rivières et l’avait étendu à Québec.
«En 1944, notre grand-père va à New York pour y rencontrer des éditeurs. Il voit passer une annonce d’une compagnie, Krispy Kernels, un manufacturier d’arachides et de noix qui cherche des distributeurs. La compagnie en question était basée à Newark, au New Jersey», raconte Renée-Maude Jalbert, directrice du marketing chez Aliments Krispy Kernels.
«Papi voit là une occasion de distribuer les produits au Québec. Il allonge son voyage et il rencontre le propriétaire de l’entreprise. Et il repart avec une entente exclusive de distribution au Canada», ajoute-t-elle.
Il faut croire que le flair de Paul Jalbert porte ses fruits, car les ventes progressent. «Ça fonctionne bien jusqu’en 1951, année où le taux de change avec le dollar américain a baissé subitement. La viabilité de pouvoir importer des produits des États-Unis était grandement affaiblie. C’est cette année-là qu’il a ouvert une première usine, ici à Québec, sur l’avenue Marie-de-l’Incarnation», relate Renée-Maude Jalbert.
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Paul Jalbert s’est alors associé avec Krispy Kernels au New Jersey pour démarrer Krispy Kernels Canada, tout en continuant à distribuer les noix et les arachides.
«Ça allait bien. Deux ans plus tard, il a racheté son partenaire américain à 100 %. C’est souvent les scénarios inverses que l’on voit... Et là, c’était un Québécois qui rachetait une entreprise américaine. Le nom Krispy Kernels avait déjà une notoriété. Papi n’a pas voulu le changer», dit Renée- Maude Jalbert.
Des deux colonels au petit bonhomme
Mais d’où provient le petit bonhomme faisant partie du logo? Selon la directrice du marketing, il a été introduit après le rachat de Krispy Kernels par Paul Jalbert.
«Mon grand-père a décidé de changer le logo parce que c’étaient deux colonels [kernels], explique-t-elle. Il avait un client qui avait une tabagie sur l’avenue Saint-Sacrement et qui était graphiste à ses heures. Il lui avait demandé de dessiner un logo.»
La production est telle que l’entreprise ouvre une nouvelle usine avenue Watt dans les années 1960. C’est là que Le Soleil Affaires a rencontré les deux soeurs Jalbert : Valérie, la présidente, et Renée-Maude. En plus de cette usine, Krispy Kernels a ouvert un centre d’emballage de l’autre côté de la rue. Un bureau de vente se trouve à Longueuil.
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Aliments Krispy Kernels emploie jusqu’à 266 personnes dans toutes ses installations. «Nous avons aussi des distributeurs indépendants avec leurs camions. Un peu comme dans le modèle d’affaires de notre grand-père. Ils livrent nos produits dans les magasins. Avec eux, ça nous donne plus de 350 personnes», explique Valérie Jalbert.
Yum Yum arrive dans le décor
Les projets de la famille Jalbert ne se limitent pas à la production et à la distribution de noix et d’arachides.
«Toujours à l’affût de vouloir bonifier son offre de produits qui était dans les grignotines et les collations, mon grand-père a saisi une occasion, avec son frère Louis. Ils achètent en 1959 une entreprise fondée à Warwick en 1956 par la famille Bergeron. Ils étaient des producteurs de pommes de terre», relate Renée-Maude Jalbert.
Cette acquisition deviendra la marque de croustilles Yum Yum. Aliments Krispy Kernels a maintenu l’usine de production de croustilles à Warwick, là où tout a commencé pour Yum Yum.
Entreprise de troisième génération
Ensuite est arrivée la deuxième génération. Denis Jalbert, le père de Valérie et de Renée-Maude, l’aîné de la famille, devient directeur général en 1970.
Petit à petit, il rachète les parts de son père jusqu’en 1990. Cette année-là, il devient propriétaire à part entière. «Notre père est toujours actionnaire, mais il n’est plus impliqué dans les opérations», précise Valérie Jalbert.
Plus tard, Paul reçoit un diagnostic de tumeur au cerveau. Il vit tout de même jusqu’à l’âge de 94 ans. «À mon avis, avant de partir, il nous a vues aller dans la troisième génération et il n’avait pas de souci...», croit Renée-Maude Jalbert.
Car la troisième génération est impliquée depuis plusieurs années dans l’entreprise. En 1999, Valérie y fait son entrée. Elle en est la présidente depuis 2013, année où son grand-père est décédé. Renée-Maude, la directrice du marketing, est arrivée en 2003.
Et pourtant, rien au départ ne les prédestinait à prendre les rênes de la compagnie. En particulier Valérie, psychologue de formation. «Je ne m’en allais pas nécessairement là [diriger Krispy Kernels]. Mais en même temps, je travaillais ici les étés et j’aimais ça! raconte-t-elle. Il y a eu une ouverture aux ressources humaines. Avec mon bagage, je me suis essayée dans ce domaine. J’y ai mis quand même beaucoup de coeur pour l’entreprise. Et je suis allée faire mon MBA.»
C’était peut-être un peu plus clair pour Renée-Maude. «J’avais une passion pour le marketing, les biens de consommation, les emballages. Tout ça m’attirait. C’est une superbe occasion de pouvoir travailler dans l’entreprise familiale», décrit-elle.
«Il y avait un directeur du marketing à l’époque qui allait quitter l’entreprise. Donc, l’occasion était là. Je me disais que je n’étais pas prête... Après ça, je me suis dit que si je passais à côté de ça, il se pouvait que le nouveau reste 20 ans... J’ai donc sauté sur l’occasion.»
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DES PRODUITS DISTINCTIFS
Krispy Kernels et Yum Yum plaident pour l’innovation dans leur domaine.
«On a des saveurs distinctives et on est assez innovants dans notre dynamique. C’est ce qu’on se fait dire par les consommateurs», énonce Valérie Jalbert, présidente d’Aliments Krispy Kernels. «On se renouvelle, on ne reste pas figés dans le temps.»
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C’est aussi vrai pour les formats des produits. Selon les soeurs Jalbert, Krispy Kernels a été le premier à proposer des petits formats en tubes. Par ailleurs, Yum Yum a été le premier producteur dans le marché canadien à proposer des croustilles aux légumes. En raison des allergies aux arachides et aux noix, Krispy Kernels a développé des croustilles de lin avec le transporteur Air Canada.
«Notre mission, c’est de partager le plaisir. Et quand on demande aux consommateurs ce qu’ils aiment de nous, ils disent que c’est le goût et qu’on est une source de plaisir dans leur quotidien. On vend des collations et le goût est super important. La qualité et la fraîcheur sont importantes aussi», explique Renée-Maude Jalbert, directrice du marketing. «Et cela a toujours été très important pour notre grand-père Paul aussi. Il disait qu’il vendait du fun. Nous, on perpétue cette tradition.»
Krispy Kernels s’approvisionne surtout aux États-Unis : en Californie pour les amandes, au sud des États-Unis pour les arachides. Et au Brésil pour les noix d’acajou. Les pommes de terre proviennent en majorité du Québec.
«On est très sélectifs sur nos matières premières, dans nos grades de qualité et tout. On est assez constants auprès de nos fournisseurs. On fait affaire avec les mêmes fournisseurs depuis longtemps», conclut Valérie Jalbert.