Son message : innove ou meurs. Oui, Luc Sirois brasse la cage.
C’est toujours la même ritournelle que l’on entend : les entreprises québécoises innovent moins qu’ailleurs au Canada.
Les dernières données recueillies par le Conseil de l’innovation du Québec montrent qu’entre février 2021 et février 2022, 51 % des entreprises québécoises ont réalisé un projet d’innovation. Ces pourcentages sont de 56 % en Ontario et de 60 % en Colombie-Britannique. De la recherche, à peine 6 % des entreprises d’ici en ont fait comparativement à 17 % en Ontario et à 8 % en Colombie-Britannique. Dans ces deux provinces, le tiers des sociétés comptent sur un responsable de l’innovation au sein de leur organisation. Ce pourcentage n’est que 25 % du côté québécois.
L’innovation, pas nécessaire !
Dans sa tournée du Québec, Luc Sirois veut entendre les entrepreneurs. Pourquoi tardent-ils encore à sauter dans le wagon de l’innovation ?
« Ils m’assurent que leurs affaires vont bien et qu’ils n’ont pas vraiment besoin de se lancer dans l’innovation ou la transformation numérique. Ils ont aussi d’autres chats à fouetter. Ils évoquent des manques d’expertise. Ils n’ont personne pour gérer un projet d’innovation ou pour opérer un robot », témoigne l’Innovateur en chef en soulignant que les stratégies traditionnelles (formation et immigration) pour affronter la rareté de main-d’œuvre ne suffisent plus.
« Pourquoi les entreprises ne se regroupent-elles pas pour partager des expertises de pointe ? Favorisons la création de coopératives d’innovation formées de techniciens spécialisés qui pourraient être déployés dans plusieurs entreprises dans leur région. »
— Luc Sirois
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Dans un récent sondage commandé par le Conseil de l’innovation, 51 % des dirigeants d’entreprises consultés ont indiqué que la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée pour développer des innovations et la difficulté de dégager des ressources à l’interne pour les dédier à l’innovation freinaient leur démarche de transformation. Près de 30 % des répondants ont fait état de difficultés liées au financement de la recherche et développement et à la commercialisation de l’innovation.
Un ménage à faire ?
En sillonnant le Québec, l’ingénieur formé à l’Université McGill — qui est passé par Harvard avant de démarrer des entreprises dans le domaine des technologies médicales — est confronté à la réalité. Les entrepreneurs ne connaissent pas l’écosystème de l’innovation au Québec et ceux qui s’y aventurent ont l’impression d’emprunter un tortueux labyrinthe. « Ils sont nombreux à ne pas savoir tout simplement à quelle porte aller frapper. »
Selon le Conseil de l’innovation, 23 % des patrons ne connaissent aucun des organismes pouvant les aider à réaliser et à financer un projet d’innovation tels qu’Investissement Québec, la Banque de développement du Canada, Développement économique Canada pour les régions du Québec ou les Centres collégiaux de transfert de technologie. Rares (27 %) sont ceux qui savent qu’ils peuvent obtenir un coup de pouce du côté des universités.
Sur le terrain, 624 organismes d’aides sont actifs et 179 programmes d’aide financière aux entreprises sont proposés par les gouvernements du Canada et du Québec ainsi que par les paliers régionaux et municipaux.
« Y a-t-il un ménage à faire ? La question mérite d’être posée », suggère l’Innovateur en chef. « Le parcours menant à l’innovation est-il trop compliqué ? À un moment donné, ces questions pourront être débattues », ajoute celui dont l’une de ses missions est de conseiller le gouvernement du Québec.
Le Québec aurait-il avantage à se doter d’un organisme central — comme le fait le gouvernement fédéral avec la Corporation de l’innovation au Canada — qui tirerait toutes les ficelles en matière de transformation des organisations, dont les programmes de financement ? « Ça pourrait être plus simple. Par contre, tu t’éloignes des gens sur le terrain. De ceux et celles qui connaissent les véritables besoins de leur coin de pays. »
Aiguiller les entreprises
Dans le contexte actuel, le Conseil de l’innovation — et son équipe composée d’une quinzaine de conseillers en innovation et d’analystes — s’efforce de jouer son rôle d’« aiguilleur » afin de diriger les entreprises vers les bons organismes et les bons programmes de financement. Il collabore étroitement avec les Espaces régionaux d’accélération et de croissance (ERAC) déployés en 2022 pour former des conseillers en innovation, pour faciliter l’accès à des services d’accompagnement et pour assurer la concertation des nombreux acteurs dans les différents écosystèmes régionaux d’entrepreneuriat.
«Avec notre outil, le Baromètre de l’innovation, nous documentons et mesurons la progression de l’innovation sur le territoire afin d’orienter la prise de décision et le déploiement des plans d’action. Nous obtenons ainsi des données fines sur la situation dans chacune des régions et pour les différents secteurs de l’économie québécoise. Nous pouvons ainsi identifier les régions et les secteurs pour lesquels un sérieux rattrapage s’impose.»
— Luc Sirois
Selon ce dernier, accélérer le mouvement de l’innovation dans la Belle Province, c’est un peu faire une « révolution ».
« Pour la déclencher, cette révolution, et dynamiser l’innovation, tout le monde doit connaître de façon claire et transparente l’état de la situation. Où sommes-nous rendus ? Quelle est notre performance par rapport à nos voisins ? Que reste-t-il à faire ? Nous avons un défi de création de richesse. Et nous accusons un retard en matière de productivité. Alors, il faut innover. »
Rappelons que le Conseil de l’innovation, créé en 2020, est présidé par la rectrice de l’Université Laval, Sophie D’Amours. Parmi les douze « sages » assis autour de la table, on y retrouve deux chefs d’entreprises de la région de Québec, Germain Lamonde (EXFO) et Frantz Saintellemy (LeddarTech).