En fait, il était question d’IG Gestion de patrimoine, qui commandite un événement qui avait lieu à la Base de plein air de Sainte-Foy, la Marche pour l’alzheimer.
La maladie de l’oubli.
Je suis allée faire un tour, des dizaines de personnes avaient répondu à l’invitation de la Société alzheimer pour parcourir le circuit de cinq kilomètres, pour appuyer la cause, souvent en mémoire de quelqu’un. On calcule que plus de 160 000 Québécois sont atteints de troubles cognitifs, on estime qu’ils seront 300 000 en 2040.
Il faudrait aussi s’inquiéter de notre mémoire collective, qui s’effrite comme une vieille couche de peinture défraichie.
Ça ne s’invente pas, sur le chemin vers la base de plein air, on passe devant ce qui reste de la maison Laberge, construite il y a presque un siècle, bien avant l’autoroute 40 et le Canadian Tire. Elle tombe en ruines, la pauvre, et elle devra attendre encore, la ville a repoussé à 2027-2028 les travaux de 1,2 million $ pour lui redonner son lustre d’antan.
Difficile d’imaginer qu’on y cultivait, jadis, des choux de Siam qui se vendaient jusqu’à New York, qu’on envoyait par le train qui passait juste devant.
Il y a plus loin, la maison Robitaille, qui ne paie pas de mine non plus, qui dépérit doucement derrière des herbes hautes et un lilas en fleurs. Sous les rebords du toit, on voit les ravages de l’eau qui se fraye un chemin dans l’indifférence.
Cette même eau, cette même indifférence qui ont scellé le sort du 45, avenue Sainte-Geneviève dans le Vieux-Québec, devant laquelle les touristes s’arrêtent maintenant pour regarder les gravats laissés par sa démolition subite. Plus d’une semaine plus tard, la pelle mécanique trône toujours sur le tas de ruines, où le temps s’est arrêté.
Je suis allée voir l’ampleur des dégâts, j’ai observé longuement les deux foyers encastrés dans ce qui reste du mur de pierres attenant à l’édifice d’à côté. Triste sort tout de même, d’avoir traversé presque 130 années pour finir accrochés dans le vide. C’est l’histoire qui se répète, un autre bâtiment démoli sous prétexte d’abréger ses souffrances.
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Cette fois, on accuse un ventre-de-bœuf – un gonflement formé sous la brique – comme on accuse de la rage le chien qu’on veut noyer.
On ne saura jamais jusqu’à quel point le bâtiment était à ce point condamné. Sur des sites traitant de maçonnerie, on explique que le ventre-de-bœuf est un signal d’alarme sérieux, mais qu’il y a moyen de le sécuriser et de le réparer, qu’il conduira au pire à l’effondrement du mur.
Du mur, pas de l’immeuble au complet.
La collègue Émilie Pelletier nous a appris que la démolition de cet immeuble aurait dû avoir l’approbation du ministère de la Culture. « Le Ministère n’a reçu aucune demande d’autorisation de démolition pour ce bâtiment et n’était pas au courant de son état structurel », a confirmé par écrit le ministère au Soleil.
La loi est pourtant claire, le ministère doit être consulté pour « la démolition totale d’un bâtiment, à l’érection d’un nouveau bâtiment principal ou à la démolition partielle d’un bâtiment lorsqu’elle est liée à cette érection et à l’excavation du sol. »
Je vois dans le ventre-de-boeuf une métaphore de la gestion de notre patrimoine, un laisser-aller qui échappe aux regards, qu’on tolère jusqu’à ce qu’il crève les yeux et qu’il soit trop tard.
La liste des sacrifiés est longue.
Mais heureusement, dans le lot, il y a parfois de bonnes nouvelles, elles font moins de bruit que le fracas des murs qu’on éventre.
Cette semaine, l’UNESCO a inscrit au registre de la Mémoire du monde les archives de nos Augustines, qui ont documenté pendant trois siècles tout le bien qu’elles ont fait depuis leur arrivée en Nouvelle-France, où elles ont implanté le premier système de santé. Leurs archives vont rejoindre des papyrus, la tapisserie de Bayeux, la pierre de Rosette.
« Cette collection d’archives illustre la place centrale que les femmes ont occupé dans le développement de notre société, notamment par la mise en place de nos systèmes de santé. Depuis 1639, les Augustines ont joué un rôle important dans certains événements majeurs qui ont façonné notre identité en tant que peuple. La sauvegarde de ces archives nous permet de mieux nous comprendre et de savoir comment nous nous sommes perçus en tant que peuple », a réagi Cody Groat, président du Comité consultatif canadien pour la Mémoire du monde, qui a été créée en 1992 et qui compte 494 morceaux de patrimoine documentaire.
Mercredi, 64 nouvelles inscriptions ont été ajoutées. « Le patrimoine documentaire est la mémoire commune de l’humanité. Il doit être protégé pour la recherche et partagé avec le plus grand nombre. C’est une part fondamentale de notre histoire collective », a plaidé Audrey Azoulay, la directrice générale de l’UNESCO.
Tout n’est pas perdu.
Quand je suis partie de la base de plein air de Sainte-Foy, il y avait du Daniel Bélanger qui jouait, une chanson on ne peut plus à propos.
Rêver mieux.