Il fallait voir, en descendant la rue Laval qui mène au centre-ville, le nombre de véhicules de médias stationnés devant l’église Sainte-Agnès, secteur qui a étonnamment été épargné par l’explosion du 6 juillet 2013, même si elle n’est qu’à 200 mètres du lieu du déraillement et qui permet une vue panoramique sur le centre-ville.
Pas mal tous les médias régionaux étaient présents, mais aussi les médias nationaux et plusieurs médias anglophones, canadiens et américains, selon quelques échos. À la blague, avant l’arrivée des dignitaires et de la population à la messe, entre collègues, on se disait qu’il y avait presque plus de journalistes que de gens.
Finalement, l’église s’est très bien remplie, mais c’est là un bon signe de l’ampleur de la tragédie et de l’attention qu’attire un dixième sombre anniversaire. Ça et le nombre de politiciens et politiciennes, également en forte présence.
Les premiers ministres du Canada et du Québec, déjà, puis plusieurs ministres, surtout du côté provincial, en plus de députés de la région. Ajoutons d’ex-élus, des maires et mairesses. Heureusement que tout ce monde-là n’a pas fait de discours, à ce nombre-là, ça aurait duré plus longtemps que la messe et tout le monde aurait fondu sous la canicule.
Si quelques personnes ont été plus discrètes ou fait des départs plus rapides, d’autres ont longtemps discuté avec la population. Je pense entre autres à Geneviève Guilbault qui jasait encore avec des gens alors qu’il n’y avait presque plus personne sur le site. Même les personnalités habituellement plus flamboyantes ont affiché une réserve.
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Cette réserve a servi d’excuse pour ne pas donner d’entrevues et les plus cyniques diront que la sobriété leur permet d’éviter de répondre aux enjeux politiques. Et des enjeux, il n’en manque pas. Si le ministre des Transports du Canada, Omar Alghabra, s’est prêté au jeu des questions des journalistes – in english only, vive le bilinguisme du fédéral –, ainsi que la ministre des Transports du Québec, Geneviève Guilbault, Justin Trudeau et François Legault ont fait une déclaration avant d’assister à la messe.
Que ça les serve bien ou non, cette sobriété, de ne pas monopoliser les micros et de faire des discours interminables, était de mise. C’était cette approche qui cadrait avec le ton de la journée. Les gens étaient là pour se souvenir, pour saluer les victimes. Pas pour entendre des discours ou débattre.
Même le regroupement citoyen plus critique et revendicateur se garde une réserve. Les prises de paroles ont bien rappelé les risques, le manque d’encadrement entourant l’industrie ferroviaire, les liens entre les réseaux canadiens et américains, ont réclamé des changements, mais sans perturber les commémorations pour autant.
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Au fil des discussions, que ce soit avec la population ou des élus, on sent qu’une certaine page se tourne. Peut-être que franchir le cap des 10 ans est une autre étape psychologique importante. Comme les récentes séries télévisées. Ça ne veut pas dire que les émotions ne sont plus là, mais on sent qu’une bonne partie de la population a appris à vivre avec. Dans le classique schéma du deuil qui commence par le choc, Lac-Mégantic est rendu à l’acceptation et à la reconstruction.
Il y a une page qui est prête à être tournée. Mais elle ne pourra probablement pas l’être tant que la voie de contournement ne sera pas réalisée, tant que le train circulera dans le centre-ville. Parce que si le train s’efface lui aussi le 6 juillet, il revient comme d’habitude dès le lendemain. Comme une relique du passé qui empêche de complètement se tourner vers demain.
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