Vendredi dernier, la ministre du Tourisme, Caroline Proulx, a annoncé avoir exigé que le Centre des congrès de Québec annule la tenue de cet événement réactionnaire qui devait se dérouler entre ses murs. Mme Proulx avait expliqué qu’il ne correspondait pas aux « principes fondamentaux du Québec ».
Dans la foulée, le péquiste Pascal Bérubé avait déclaré qu’il aurait pris la même décision qu’elle. « L’État, à travers le Centre des congrès, n’a pas à accueillir un tel groupe qui fait la promotion de valeurs qui vont à l’encontre de celles de l’État », avait-il dit.
Québec solidaire et le Parti libéral du Québec avaient également salué la décision de la ministre.
Or, le Parti québécois et Québec solidaire la dénoncent désormais. Ils ont fait marche arrière.
Le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, s’est demandé mercredi sur quoi le gouvernement s’appuie pour déterminer qui peut se rassembler et s’exprimer dans notre société. Il l’a sommé d’établir des balises. Tout Québec solidaire l’a suivi par la suite.
Les deux partis invoquent des principes, ceux de la liberté d’expression et de réunion.
Les libéraux, eux, restent sur la même ligne que le gouvernement. Mais le PLQ fait face à des critiques à l’interne. Le militant libéral et fils de Jean Charest, Antoine Dionne Charest, fustige « la dérive autoritaire du gouvernement Legault ».
Le gouvernement persiste et signe : « La décision a été prise à la lumière des valeurs de notre gouvernement », a insisté la ministre responsable de la Condition féminine, Martine Biron.
Voilà pour les faits.
Les libertés fondamentales
À ceux qui invoquent les libertés fondamentales pour tout permettre, il faut rappeler qu’elles sont parfois restreintes dans nos démocraties — et que certains de ceux qui dénoncent aujourd’hui le gouvernement Legault dans cette affaire ont souvent été d’accord pour limiter d’autres libertés prévues par nos chartes des droits.
Dans une certaine mesure, on peut aussi comprendre les ministres Proulx et Biron. Le droit à l’avortement est remis en question aux États-Unis. De réelles et dangereuses menaces planent. Il faut être vigilants. Qui plus est, le libre choix est une valeur fondamentale.
On peut également se dire qu’il n’appartient pas à une entité gouvernementale d’offrir une tribune à des gens opposés au libre choix des femmes. Or, le Centre des congrès de Québec est une société d’État. Le gouvernement du Québec en est l’ultime patron. Et sa décision ne concerne évidemment pas les lieux privés.
Mais une fois que l’on a dit tout cela, il faut surtout dire qu’on ne peut pas agir au cas par cas, sans critère aucun; à la gueule du client, autrement dit. C’est toujours une pente glissante.
C’est ce que rappelle la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Elle a exprimé ce jeudi ses « préoccupations concernant l’intention du gouvernement d’évaluer au cas par cas la tenue de certains événements sur des lieux lui appartenant ».
« La liberté d’expression vise à protéger tant les idées jugées impopulaires et controversées que les idées unanimes (…). Certes, les libertés d’expression et d’opinion ne sont pas absolues. Des limites peuvent être justifiées en fonction de critères clairement établis dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Cependant, en limitant la liberté d’expression en fonction de principes non définis de manière claire et précise, on risque d’ouvrir la porte à des restrictions arbitraires et à une atteinte aux droits fondamentaux des individus et des groupes. »
Voilà, l’essentiel est là.
Le gouvernement a voulu bien faire. Ne mettons pas cet élément de côté. Mais, au final, il s’est trompé. C’est ce que dit la Commission des droits de la personne.