Les solidaires sont farouchement contre, les péquistes mal à l’aise, les libéraux gênés mais d’accord, les caquistes à la fois embarrassés et résolus.
Ça, ce sont des vues d’ensemble. Plus les groupes parlementaires sont grands, plus il existe des divergences d’opinions en leur sein.
C’est le cas à la CAQ, où des ministres, déjà mieux payés que de «simples députés», ne sont pas nécessairement entichés de cette initiative politiquement risquée, alors que des élus sans trop de grades y sont plus favorables. Mais pas tous, là encore.
La présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, doit craindre que cette affaire pollue pendant un certain temps ses négociations avec les grands syndicats représentant les employés de l’État.
Si le cabinet du premier ministre a néanmoins donné son aval au projet, c’est qu’il sait qu’il existe une vraie attente là-dessus dans son caucus. Sinon, il aurait passé son tour.
Il n’empêche que ce projet de loi n’aurait pas dû être présenté tel quel — ou ne devrait s’appliquer que pour les parlementaires de la prochaine législature.
Non pas parce que les élus actuels ne méritent pas un meilleur revenu.
Il est évident que l’on devrait accorder plus aux parlementaires quand on compare leur rémunération à celle de hauts fonctionnaires — pour prendre ce seul exemple. C’est encore plus vrai pour ceux qui exercent des fonctions de ministre. Et bien plus encore pour celui qui est premier ministre du Québec!
Rapport incomplet
Le projet législatif propose de faire passer l’«indemnité annuelle de base» des parlementaires de l’Assemblée nationale de 101 561$ à 131 766$, une somme à laquelle il faut ajouter une allocation de dépenses qui équivaut à 38 184$ par année.
Par un effet mécanique, la hausse à venir gonflera les autres indemnités qui existent déjà. La plupart des parlementaires bénéficient actuellement d’indemnités dites «additionnelles» pouvant déjà porter leur rémunération totale à plus de 200 000$.
Ce projet de loi n’aurait pas dû être présenté tel quel parce qu’il prend appui sur un rapport bancal, un rapport qui n’a pris en compte qu’un seul aspect des choses, celui de la rémunération de base.
Même les membres du comité l’ayant produit, parmi lesquels les ex-députés Lise Thériault et Martin Ouellet, le disent.
Leur rapport est bien moins complet que celui du groupe piloté en 2013 par l’ex-juge Claire L’Heureux-Dubé, un document qui avait malheureusement été jeté à la poubelle par démagogie.
En contrepartie d’une hausse de rémunération, le groupe de Claire L’Heureux-Dubé préconisait la disparition de toutes sortes d’indemnités et, surtout, la révision du régime de retraite des élus. Il recommandait que les parlementaires y contribuent davantage.
À la CAQ, certains doivent aujourd’hui regretter d’avoir torpillé le rapport de Claire L’Heureux-Dubé il y a 10 ans.
Depuis le rejet de ce rapport, les parlementaires ont malheureusement continué d’être juges et parties, au point de pousser le bouchon très loin en juin 2019.
Avec l’aide du Parti libéral du Québec et du Parti québécois, le gouvernement caquiste a alors adopté une loi haussant l’allocation annuelle de dépenses des parlementaires. Pourquoi? Pour compenser l’impôt fédéral qui s’appliquait désormais aux allocations du genre. Un ajustement salarial voté par les députés pour compenser un impôt!
Au gouvernement, on parle du projet de loi comme d’un «rattrapage». Il faut quand même répéter que la fameuse «indemnité de base» dont on parle aujourd’hui est indexée chaque année.
Résumons-nous: nos parlementaires méritent de meilleurs salaires. Ils sont nos représentants démocratiques et nos fiduciaires. Leur boulot est intense et ne s’arrête à peu près jamais.
Il est cependant déplorable que tous les éléments de leur rémunération n’aient pas été pris en compte dans ce projet de loi.