La marche était haute pour le nouveau tronçon compris entre les côtes de Sillery et Gilmour, mais toutes les promesses ont été tenues et davantage.
Depuis le début juillet, la station de la Plage suscite admiration, plaisir et fierté. Et juste de savoir Montréal un peu jalouse ajoute à notre plaisir et à nos ego.
J’ajoute ma voix au concert des éloges.
La Commission de la capitale nationale du Québec (CCNQ) et les concepteurs de Daoust Lestage ont une fois encore tapé dans le mille.
Ont su saisir le «génie du lieu» pour faire revivre l’effervescence de l’ancienne plage de l’anse au Foulon.
Tout y est. Le spectacle du fleuve, le rythme, l’élégance retrouvée des premières phases de la promenade, magnifiés ici par une offre de services judicieuse : piscine, jeux d’eau, sable, mobilier, toilettes, cabines, douches, zones d’ombre et d’abri, offre de restauration, premiers soins, propreté, sécurité. Tous ces petits et grands détails qui font la réussite d’un espace public.
On y croise une mixité de jeunes familles, de couples, de groupes d’ados, de nouveaux arrivants, de personnes âgées.
Ce lieu rend tout le monde heureux et contribue à atténuer les disparités sociales. Si l’argent public était toujours aussi bien investi, on paierait tous les jours nos impôts l’âme en paix.
Cet énorme succès de la plage a semblé prendre les autorités publiques au dépourvu.
L’enthousiasme du public, la congestion et le chaos dans les stationnements avaient été sous-estimés. Et dire qu’il n’a pas fait beau.
Peut-être y a-t-il dans ce succès un effet de nouveauté et, je dirais aussi, d’attrait de la gratuité.
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La flambée des prix et des hypothèques a rendu les sorties «payantes» et voyages inaccessibles pour plusieurs.
Pouvoir s’offrir la mer en ville, sans prix d’entrée, sans droits de stationnement ni devoir avaler des kilomètres d’essence pour s’y rendre a été providentiel.
Mais pour les difficultés d’accès et la congestion, il est difficile de plaider la surprise.
Lors des consultations du BAPE sur la phase III de la promenade, en 2013, plusieurs groupes et citoyens avaient déploré le peu d’intérêt de la CCNQ pour le transport en commun.
Une «erreur monumentale», avait dénoncé le Conseil régional de l’environnement (CRÉ). Une fois que l’habitude d’accéder à un lieu en auto est prise, il est difficile de s’en départir.
Sans parler de ceux qui n’ont pas d’autos pour s’y rendre et à qui on n’a même pas offert l’autobus les jours de semaine.
Accès transports viables avait plaidé dans le même sens.
«Une vision automobiliste du développement de ce site serait en contradiction avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.»
Le ministre de l’Économie Pierre Fitzgibbon n’aurait pas dit mieux.
La CCNQ disait à l’époque vouloir favoriser le transport collectif. Mais «cette volonté ne se concrétise pas dans les aménagements proposés ni dans la desserte offerte par le Réseau de transport de la capitale», avait noté le BAPE.
Cet avis est resté lettre morte.
Vérification faite, la CCNQ n’a jamais produit d’analyse ou de rapport sur le transport en vue de la phase III de la Promenade.
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Le ministre responsable de la Capitale, Jonatan Julien, a demandé à la CCNQ et au RTC un post mortem à la fin de la saison, en septembre.
La CCNQ voudra améliorer «l’expérience» à la plage et souhaite une «offre plus soutenue de transport en commun», expose la pdg Marie-Claire Ouellet.
Il m’est revenu l’image des trolleys touristiques de stations balnéaires. À Ogunquit, Maine, par exemple. Un lien entre commerces, plages, motels, etc.
Pourrait-on imaginer un transport similaire pour la promenade? Un véhicule typé qui contribuerait à «l’expérience» d’une sortie à la plage. Pas seulement un dernier recours, les jours où le parking déborde.
J’ignore si l’idée tiendrait la route.
Mais ce n’est pas une fréquence d’autobus famélique de fins de semaine et un arrêt caché au fond d’un stationnement qui vont stimuler le transport en commun.
Pour l’heure, un seul scénario est exclu : l’ajout de cases de stationnements. Question d’espace et de choix. Bonne décision.
On ne voudrait pas d’un retour au fleuve pare-chocs à pare-chocs dans une mer d’asphalte.
La CCNQ a aménagé 75 cases à la station de la Plage, 142 à celle de la Voile et 136 au pied de la côte de Sillery.
En incluant le quai des Cageux et les espaces sur rue, cela totalise plus de 600 pour la promenade. La CCNQ n’ira pas plus loin.
Une promenade, c’est aussi fait pour marcher, rappelle avec raison la pdg Ouellet.
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Dans le concert d’éloges, j’ai noté cette critique dans les pages d’opinion de lecteurs.
L’accès au fleuve est un accès visuel, y déplorait le citoyen Michel Beaulieu. «Pour ce qui est d’accéder au fleuve, on repassera.»
Une critique sévère des choix d’aménagement :
«Surélévation, enrochements gigantesques et plantations-obstacles, absence de rampes et d’escaliers, partout la promenade semble avoir été sciemment conçue pour empêcher le contact avec le fleuve, non pour le favoriser.»
Je suis retourné à la promenade. M. Beaulieu n’a pas tout faux. Les accès directs à la grève sont en effet limités (j’en ai compté 7 sur près de 7 km).
Principalement des escaliers avec de hautes marches de pierre difficiles à franchir, sauf pour les accès à l’extrémité est de la station de la Voile.
Un choix esthétique. L’intention n’a jamais été de limiter l’accès à la grève naturelle, assure la pdg Marie-Claire Ouellet. Peut-être, mais le résultat est le même, malgré les rampes de bois qu’on vient d’ajouter à deux des escaliers.
Des marches moins hautes auraient facilité l’accès, mais à la différence du lecteur, je n’y vois pas de scandale. Descendre plus facilement à la grève pour y faire quoi?
S’esquinter sur les pierres gluantes? Peiner dans la boue? S’asseoir dans le varech ou se risquer dans l’eau? Peut-être.
Mais pour la majorité, le plaisir de la promenade est de voir le fleuve, en humer les humeurs, en entendre le vent et les vagues qui se brisent.
On se reparle bientôt de la phase IV de la promenade, du côté de Beauport.
Un potentiel fabuleux avec la proximité de la plage de la Baie et du domaine Maizeret. Mais y aura-t-on la même audace et la même détermination que pour l’anse au Foulon?