Chronique|

45, Sainte-Geneviève: le propriétaire brise le silence

Le propriétaire du 45, rue Sainte-Geneviève, donne sa version de ce qui s’est passé le jour de la démolition de son immeuble du Vieux-Québec, le 19 mai dernier.

CHRONIQUE / Le propriétaire du 45, rue Sainte-Geneviève, M. Jean-François Barré, a fait parvenir mercredi soir une lettre au Soleil.


Il y donne sa version de ce qui s’est passé le jour de la démolition de son immeuble du Vieux-Québec, le 19 mai dernier.

Cette version était attendue. Elle permet de compléter la chronologie des faits et de mieux comprendre ce qui s’est passé. M. Barré avait refusé jusqu’à maintenant de commenter la démolition.



Dans cette lettre, il affirme qu’on ne lui a jamais expliqué le danger ce soir-là. Il se dit « catastrophé » de la démolition et estime que la Ville a pris une « décision injustifiée et assurément précipitée ».

M. Barré avait l’intention, dit-il, d’aller habiter cette maison une fois celle-ci rénovée. Il affirme n’avoir jamais souhaité la démolir. Il se dit « profondément bouleversé par cette décision brutale et cette démolition sauvage ».

Le récit de M. Barré ne contredit en rien celui publié il y a quelques jours dans cette chronique.

Il ajoute cependant beaucoup de détails et d’informations pertinentes sur les heures qui ont précédé l’appel au 911 et celles qui ont suivi.



C’est cet appel qui a enclenché la mécanique qui a conduit à la démolition le soir même de l’immeuble inoccupé du 45, avenue Sainte-Geneviève.

La version de M. Barré suggère qu’un ingénieur de la Ville a d’abord conclu qu’il n’y avait pas d’urgence à démolir, avant de se raviser après un échange avec le service des incendies.

M. Barré a envoyé copie de sa lettre au maire Bruno Marchand, à la conseillère du Vieux-Québec Mélissa Coulombe-Leduc et au chef de l’opposition Claude Villeneuve.

Voici la lettre intégrale de Jean-François Barré.

Voici ce qui s’est réellement passé cette journée-là avenue Sainte-Geneviève

Le propriétaire du 45, rue Sainte-Geneviève, Jean-François Barré.

Je suis le propriétaire de l’immeuble du 45, avenue Sainte-Geneviève qui a été démoli de façon soudaine et surprenante.

Je suis résident et commerçant dans le Vieux-Québec depuis plus de 20 ans. Ma famille est installée dans le quartier depuis plus de 40 ans et y exploite toujours des commerces de façon responsable et respectueuse de cet arrondissement unique que nous chérissons.



J’ai acheté l’immeuble avenue Sainte-Geneviève pour le rénover, avec ce même soin dont ma famille et moi faisons preuve envers nos immeubles dans ce quartier patrimonial depuis les années 80. Mon intention était de m’établir dans un des logements de l’immeuble, qui avait l’atout d’être un peu en retrait de l’activité touristique que je côtoie quotidiennement.

La pandémie a perturbé les plans. Comme tant d’autres, nous avons vécu la chute d’activités dans nos commerces, les prix pour les travaux se sont envolés, la main-d’œuvre était rare…

Valait mieux attendre un certain retour à la normale et reprendre son souffle. En faisant l’une de mes visites régulières dans l’immeuble, le vendredi 19 mai dernier, j’ai constaté la présence d’un léger gonflement, un « ventre-de-bœuf », en façade.

Je ne voyais pas de signe d’affaissement, mais j’ai communiqué avec mon ingénieur vers 11h30 ce jour-là pour lui demander de venir examiner cela après le long week-end qui s’amorçait.

Ensuite, j’ai alors cru bon me rendre au bureau d’arrondissement de la Ville pour demander un permis de façon préventive, au cas où des travaux devraient, après inspection, être effectués rapidement. J’ai aussi demandé s’il était possible de faire installer des clôtures en façade de l’immeuble par mesure de prudence.

On m’a alors suggéré de faire la demande en composant le 311, ce que j’ai fait et où on m’a plutôt transféré au 911. Vingt minutes plus tard, un camion du service des incendies de la Ville est arrivé devant ma propriété. On a demandé la présence d’un ingénieur de la Ville qui est venu sur place. L’ingénieur a fait le tour de l’immeuble. Il a pris des photos.

Avant de quitter, il a sollicité un rendez-vous téléphonique en présence de mon ingénieur, lui-même et moi pour le mardi suivant, au retour du congé de la fête des Patriotes, disant vouloir faire le point et voir si des mesures devaient être prises pour assurer la sécurité de lieux. Je ne sentais pas d’urgence dans son ton. Il a ensuite quitté.

Trente minutes après le départ de l’ingénieur de la Ville, une autre équipe du service de pompiers est arrivée sur les lieux. L’officier en charge de cette nouvelle équipe paraît alarmé, contrairement à l’ingénieur qui l’a précédé. Il demande que soit rappelé sur les lieux, l’ingénieur de la Ville qui venait de quitter.



L’ingénieur de la Ville revient donc sur les lieux à la demande de cet officier. Ensemble, ils ont alors eu une discussion d’une dizaine de minutes à laquelle ils ont refusé que je participe ou que j’assiste.

Puis, à 19h40, on m’annonce que l’immeuble allait être détruit sur-le-champ et que la décision était définitive. Au nom de la sécurité publique, je n’avais plus un mot à dire.

J’étais catastrophé.

En quelques heures, j’ai été dépossédé de ma propriété, qui a été rasée. On ne m’a pas expliqué le danger, on ne m’a pas parlé de travaux d’urgence, on ne m’a pas parlé d’autres scénarios.

Pour l’heure, je ne peux que conclure que cette décision était injustifiée et assurément précipitée. Je n’ai jamais souhaité démolir cet immeuble, comme certains l’ont prétendu. Je demeure profondément bouleversé par cette décision brutale et cette démolition sauvage. D’ici à ce que la lumière soit faite sur cette affaire, vous comprendrez que je ne ferai aucun autre commentaire.

Jean-François Barré, propriétaire du 45, Sainte-Geneviève

31 mai 2023