Les Québécois invalides n’ont pas accès à la pleine prestation de retraite du Régime de rentes du Québec (RRQ), ou très difficilement. C’est ennuyeux pour les principaux intéressés, c’est le moins qu’on puisse dire, déjà que le mauvais sort s’acharne sur eux.
Pourrait-on améliorer les choses? Sans doute. Comment? Cernons le problème d’abord, qui n’est pas simple. Servez-vous un café, il y aura des chiffres.
Vous l’ignoriez peut-être, mais le RRQ verse aussi des rentes d’invalidité. Pour y être admissible, il faut avoir cotisé suffisamment au régime (assez peu, en fait). On ne doit plus être en mesure d’occuper un emploi, ou être très limité dans sa capacité de gagner sa vie.
Être invalide, c’est ça les amis : être frappé d’un handicap qui nous écarte définitivement du milieu du travail. Pour atténuer son malheur, mieux vaut se doter d’une bonne assurance privée, avant d’en acheter une pour minou.
Car la rente d’invalidité du RRQ, ce n’est pas le pactole. Le régime verse une prestation de 558 $ par mois, la même pour tout le monde. À partir d’ici, quand vous verrez l’adjectif « uniforme », vous saurez que c’est de ce montant qu’il s’agit. Celui-ci disparaît lorsque le bénéficiaire atteint 65 ans, la pension de la Sécurité de la vieillesse (mensualité de 707 $) prend alors le relais.
À cette somme s’ajoute l’équivalent de 75 % de la rente de retraite calculée sur la moyenne des revenus de carrière (même courte), ce montant varie donc d’un bénéficiaire à l’autre. C’est à celle-ci que je ferai référence quand il sera question dans la suite de la prestation « variable ».
Dès 60 ans, celle-ci cède la place à la rente de retraite du RRQ. Et celle-là, elle représentera 76 % de la pleine pension à laquelle aurait eu droit le bénéficiaire à 65 ans. Vous avez compris, la prestation est réduite de 24 %.
Rappelons qu’une personne en bonne santé qui demande sa rente à 60 ans recevra 64 % de la pleine pension du RRQ. Cet individu-là se trouve donc plus durement pénalisé encore (-36 %).
Jusqu’en 2022, c’était les mêmes réductions qui s’appliquaient aux participants ayant récolté la rente d’invalidité. Donc, ceux-ci profitent d’améliorations depuis l’année dernière (de -36 % à -24 %).
Il fut un temps où c’était mieux. Il faut remonter avant l’année 1997. À cette époque, les invalides recevaient la partie uniforme ainsi que la partie variable (75 %) de leur rente d’invalidité jusqu’à 65 ans. Arrivés là, les bénéficiaires avaient droit à 100 % de leur prestation de retraite.
Le couperet est tombé en 1997. Tous les participants au RRQ y ont goûté pour redresser le régime, lourdement déficitaire : les taux de cotisation ont été accrus et les prestations ont été réduites. La rente de retraite des invalides a alors diminué à 70 %, puis à 64 % en 2013 avant de remonter à 76 % l’année passée.
On peut voir ça de plusieurs façons, je vous en propose une : le RRQ cesse de payer la moitié de sa rente d’invalidité (la partie que j’appelle « variable ») quand le bénéficiaire atteint l’âge de 60 ans et oblige celui-ci à prendre de façon anticipée sa rente de retraite.
Notez qu’ils n’y sont pas formellement contraints. Les gens concernés peuvent recevoir 100 % de leurs rentes du RRQ à 65 ans, mais pour ça ils doivent renoncer pendant cinq ans à leur prestation de retraite et se contenter de 60 à 65 ans de la portion uniforme de 558 $ par mois.
Pour la majorité des personnes en question, c’est impossible. Ce n’est donc pas un choix. Et même si c’était financièrement envisageable, je ne suis pas certain qu’il soit avantageux pour quelqu’un souffrant de problèmes de santé de retarder pendant cinq ans une partie de ses revenus en échange d’une bonification de 24 %.
Bref, l’idéal serait de retourner à la formule qui prévalait avant 1997, donc que les parties uniforme et variable de la rente d’invalidité soient versées jusqu’à 65 ans, pour ensuite être remplacées par 100 % de la prestation de retraite.
L’enjeu demeurait plutôt hors des radars jusqu’à ce que le tribunal administratif du Québec (TAQ) rende en juillet une décision en faveur de quelques bénéficiaires de la rente d’invalidité.
Québec a rapidement annoncé qu’il porterait le jugement en appel. Selon le gouvernement et Retraite Québec, la décision pourrait menacer l’équilibre du régime si elle devait être appliquée à tous les prestataires de la rente d’invalidité.
Ça ne veut pas dire que le RRQ se retrouverait dans le trou demain matin, mais qu’advenant des conditions de marché financier défavorables, bonifier les revenus, même pour une minorité, ne ferait qu’ajouter à la pression sur le bas de laine des Québécois.
Le RRQ, ce n’est pas la SAQ ou Hydro-Québec, il n’a pas pour mission de garnir les coffres du gouvernement, et personne là-bas ne se remplit les poches à coups de bonus à l’apparition de surplus. Il n’y a aucun intérêt, financier ou politique, à accumuler inutilement de l’argent dans la cagnotte.
Je ne pense pas non plus qu’on limite pour le fun les prestations des victimes d’un mauvais karma. Dans le pire des cas, ce qu’on pourrait reprocher, c’est un excès de prudence. Et encore, je n’ai pas les compétences pour en juger.
Toutefois, j’ai une proposition. Une piste. Si on ne veut pas prendre le risque de devoir hausser les cotisations, on pourrait couper ailleurs.
Que diriez-vous qu’on charcute les prestations des conjoints survivants? Il y a des veufs et des veuves, bien vigoureux, dans la force de l’âge, qui gagnent bien leur vie. Ont-ils vraiment besoin des revenus du RRQ?
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