Les avantages sont substantiels! Dans certains cas, retarder les prestations de la Sécurité de la vieillesse (PSV) à 70 ans et du Régime de rentes du Québec (RRQ) à 72 ans génère des gains de plus de 40 % sur 30 ans! Ça veut dire autant d’argent de moins à épargner pour vivre selon ses objectifs.
Tout d’un coup, les cibles d’épargne paraissent drôlement plus réalistes. Combien ai-je vu de gens baisser les bras lorsqu’ils prenaient conscience de ce qu’il leur fallait amasser pour conserver 70 % de leurs revenus à la retraite?
L’année dernière, pourtant, 2 % seulement des nouveaux bénéficiaires du RRQ avaient 70 ans (l’âge maximal, qui sera porté à 72 ans l’année prochaine). On doit se situer dans les mêmes eaux pour la PSV. Un « petit » 8 % des Québécois retardent un tant soit peu leur premier versement de RRQ, ce qui veut dire que 92 % le font à 65 ans ou avant.
Pas loin d’un bénéficiaire sur deux (46 %) commence à percevoir sa rente dès 60 ans avec, à la clé, une prestation amputée de 36 % pour la vie. Sept personnes sur 10 touchent ce revenu de pension de façon hâtive, avant d’avoir droit à la pleine pension.
Qu’est-ce qui amène autant de Québécois à se précipiter sur leurs pensions gouvernementales?
Beaucoup de pauvreté, il paraît. C’est vrai qu’après avoir péniblement gagné sa vie, usé au tournant de la soixantaine, sans beaucoup d’épargne, on n’a pas vraiment le choix. On ne peut pas cesser de vivre pour retarder ses rentes.
Est-ce qu’un Québécois sur deux se trouve dans cette situation, vraiment? J’entends encore des histoires de gens dans la soixantaine qui demandent leur RRQ tout en travaillant à temps plein, juste pour se gâter un peu.
De l’autre côté, faut-il conclure que 8 % des retraités ont assez d’argent en banque pour repousser un peu, et que 2 % seulement ont les moyens pour patienter jusqu’à la limite? Vous permettez? Je doute!
Ces maigres chiffres peuvent-ils s’expliquer par la crainte des retraités d’un décès prématuré et d’avoir cotisé pour rien? Dans ses simulations présentées dans l’étude, l’actuaire retraité Daniel Laverdière est sans équivoque : ce n’est pas payant d’attendre si on meurt jeune.
Dans une planification financière où l’âge du décès est fixé à 75 ans (ce n’est pas pour ça, l’aide médicale à mourir), mieux vaut réclamer sa PSV aussitôt que possible (65 ans) et exiger son RRQ assez rapidement aussi, vers 61 ans.
Il faut être sérieusement malade. Ou alors, il faut s’aider un peu, fumer sans filtre, manger de la Crisco à la cuillère et se gaver de Froot Loops arrosés de baboche.
Sinon, c’est une décision qui n’a financièrement aucun sens. Un homme de 65 ans a une chance sur deux de vivre au-delà de 89 ans. Pour une femme, c’est 91 ans. Un monsieur sur quatre va atteindre le cap des 94 ans. Le quart des femmes qui ont aujourd’hui l’âge de la retraite arriveront à 96 ans. Les probabilités de mourir vieux sont meilleures que de gagner 100 $ avec un gratteux.
Alors, sinon, c’est quoi? La crainte de ne rien léguer à sa descendance? On l’entend souvent aussi celle-là. Le report des programmes gouvernementaux requiert en effet un recours intensif à l’épargne durant les premières années de la retraite. C’est nécessaire pour combler le manque à gagner en attendant de toucher la PSV et le RRQ bonifiés.
Effectivement, on risque d’en laisser moins si on meurt avant, ou peu de temps après avoir commencé à percevoir ses revenus de pension des gouvernements. Et puis? Dites-moi, pourquoi faut-il s’inquiéter pour une descendance capable de gagner sa vie alors qu’on risque de se retrouver soi-même à court de ressources, sans la force pour travailler?
Et encore, repousser ses rentes n’est pas toujours si désavantageux pour la génération suivante.
Le rapport publié jeudi expose la situation d’un individu disposant d’un capital REER de 620 000 $ et vivant de revenus de retraite de 40 000 $ par année. S’il touchait ses deux rentes à partir de 65 ans, ce retraité verrait son capital diminuer progressivement jusqu’à épuisement à 95 ans.
En retardant au maximum ses prestations des gouvernements, son coussin diminuerait plus rapidement jusqu’à 72 ans pour reprendre de l’expansion par la suite. Dans une telle situation, plus la personne vit longtemps, plus grosse sera sa succession, en supposant un rendement net de 3,4 %.
Parmi les Québécois qui entrent dans la retraite, combien ont les moyens de repousser au maximum? Est-ce que ce peut être plus que 2 %? Je l’ignore. Combien sont en mesure de retarder un peu? Je ne le sais pas non plus, mais c’est sans doute davantage que les 8 % actuels.
Même si la solution optimale consiste dans la majorité à attendre jusqu’à 70 ans (PSV) et 72 ans (RRQ), les Québécois gagnent à patienter après 65 ans, ne serait-ce juste un peu. Toute demande précipitée a un coût.