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Ces amis « à la cenne » qui gâchent les vacances

Certains voyages de groupe se passent mieux que d'autres...

CHRONIQUE / Disons-le, c’est désagréable de participer à des activités le moindrement d’envergure avec des amis qui comptent leurs cennes. Ça gâche le plaisir en plus d’entacher les relations.


Y a-t-il moyen d’éviter ça?

Mes voisins sont revenus de leurs vacances aux États-Unis quelques jours avant la rentrée scolaire. On ne s’était pas parlé depuis, jusqu’à ce que je les voie l’autre jour assis sur leur balcon digérant leur plus récent diagnostic de COVID-19.

Alors, le périple américain?

J’apprends qu’ils y étaient allés avec deux autres familles, des amis. Deux éléments se dégagent de leur récit : durant deux semaines, un des adultes a ennuyé tout le groupe au sujet du partage des dépenses, et le plan de voyage a dû être révisé en cours de route pour satisfaire cette personne obsédée par son budget.

Après une première étape je ne sais où, les trois familles (12 personnes) devaient se rendre jusqu’à la côte est, mais ils se sont arrêtés au milieu de nulle part, dans les Adirondacks, sans jamais voir la mer.

Ça m’a fait penser à une autre histoire. Donc, j’ai deux histoires à vous raconter. Celle des voisins, mais d’abord la mienne.

Je dis « la mienne », mais ce n’est pas tout à fait la mienne, je n’en ai même pas été le témoin direct. Au début des années 2000, une tradition réunissant une demi-douzaine d’amis s’était implantée : le voyage de pêche au lac Gorgotton, vaste plan d’eau situé à quelques dizaines de kilomètres au nord des Escoumins.

Autour du noyau dur s’ajoutaient chaque année d’autres participants occasionnels. J’ai été de toutes les éditions, sauf la première. Chaque séjour donnait lieu à des évènements cocasses qui venaient alimenter les contes et légendes du lac Gorgotton. On rapportait en ville bien plus d’anecdotes que de poissons, l’activité halieutique ne faisait pas le poids par rapport aux niaiseries, ça ne se raconte pas dans le journal, mais on avait du talent pour ça.

Avec le temps, on finit par ne plus savoir exactement quoi s’est produit quand, sauf un chapitre écrit à l’an un, ressassé tous les étés suivants, prenant toujours plus d’ampleur : Josée qui chipote sur la facture de l’épicerie commune.

Josée était débarquée là-bas avec la conviction de se nourrir du fruit de la pêche et de raviolis en cannes, alors que le menu pour ces cinq jours dans un chalet sans électricité se voulait particulièrement élaboré dans les conditions : fondu, lasagne, brochettes, steaks…

Josée a boudé des repas pour négocier sa participation financière à la baisse. Elle faisait la baboune. De guerre lasse, les autres ont fini par plier à son caprice. Elle n’a plus jamais participé à l’expédition par la suite.

L’élément marquant de cette année inaugurale, ce n’était pas la pêche miraculeuse, les milliards de moustiques, le feu d’artifice ou les citadins qui s’embourbent dans les hauts-fonds avec leur chaloupe à moteur. Une gratteuse qui sème l’exaspération dans un huis clos pour économiser 50 piastres, voilà ce qui persiste dans les mémoires 20 ans plus tard.

L’histoire de mes voisins est plus compliquée, mais elle se conclut un peu de la même manière, sur un mauvais souvenir et des amitiés ternies. Quand on part en vacances, ce n’est pas pour s’obstiner continuellement sur le coût de tout et de rien, diviser le moindre achat au quart de cenne et ergoter sur l’appétit de chacun des mioches: « Les miens mangent moins que les tiens. » Misère!

Les trois ménages n’en étaient pas à leurs premières vacances ensemble, et ça s’était toujours bien déroulé auparavant. Léger changement cette année, une participante était fraîchement séparée, elle s’est présentée en « monoparentale ». Pour la première fois, elle devait assumer seule le coût des vacances, pour elle et ses deux enfants. Depuis sa rupture, elle angoisse sur l’argent.

Mes voisins ont aussi deux enfants, l’autre couple en compte trois (gardez ça en tête). Autre détail, ma voisine travaille de façon très intermittente, ses contrats sont séparés par de longs épisodes de « maman au foyer ».

Location de chalet, nourriture, frais de transport, toutes les dépenses étaient communes. Comment répartir la facture? Par le nombre de personnes en incluant les enfants, ou seulement par le nombre d’adultes?

Avant que le groupe se penche sur le problème, la mère anxieuse empoisonnait déjà l’ambiance en remettant en question la liste d’épicerie, quand ce n’était pas le prix du bacon, c’était la pertinence d’acheter des barres tendres. Si on lui avait confié la responsabilité de remplir le frigo, les soupers auraient été austères, et les soudaines fringales, laissées en plan. Ce n’est pas des vacances.

Je ne sais quand au cours du voyage, mais c’est elle qui a fini par imposer une répartition des dépenses au prorata des adultes (divisées en 5 plus plutôt qu’en 12). Les autres parents se retrouvaient ainsi à financer une petite partie des dépenses reliées à ses enfants à elle.

L’approche désavantageait plus particulièrement ceux qui habitent en bas de chez moi, puisque l’autre couple compte trois marmots. Ma voisine se trouvait alors en période de « maman au foyer », son chum a donc casqué plus que tout le monde. C’est un ange ce gars-là, je ne l’ai jamais vu s’emporter.

Comment aurais-je géré la situation, moi spécialiste de finances personnelles? J’aurais probablement pété une coche !

Ça a moins à voir avec l’argent qu’avec les émotions, domaine pour lequel je ne revendique aucune expertise particulière.

Froidement, les parents devraient payer pour eux et leurs enfants. Si une famille n’a pas les moyens de suivre le rythme, elle peut se faire des plans de vacances moins chers de son côté.

On ne doit pas non plus se montrer trop rigide. Quand on s’aime et on apprécie la présence de l’autre, on peut couvrir un peu plus que sa part de la facture si nos moyens sont supérieurs, pour peu que tout le monde soit à l’aise avec ça.

En fait, je dirais qu’il y a deux règles à suivre :

  1. Discuter des plans en groupe, déterminer un budget et le mode de répartition des dépenses AVANT de partir. Chacun des participants doit prévoir une marge de manœuvre financière.
  2. Une fois tout ça convenu, interdiction absolue de gâcher les vacances des autres avec ses nouvelles doléances.

J’oublie sans doute des points importants, j’aimerais bien vous entendre. Vous êtes discrets.