Autre solution : prévoir une mort prématurée!
C’est entre autres pour éviter ce genre de pièges que l’Institut québécois de planification financière (IQPF) publie chaque année ses «normes d’hypothèses de projection». Une nouvelle mouture vient de paraître, j’ai vu l’occasion de vous en glisser un mot ou deux. De quoi s’agit-il? En gros, on y précise les paramètres avec lesquels les conseillers doivent travailler lorsqu’ils élaborent un plan à long terme pour leurs clients.
Une planification de retraite peut s’étendre sur plus d’un demi-siècle, en incluant la phase d’accumulation (épargne et investissement) et la période de décaissement (retraits). Sur une aussi longue période, le moindre écart de rendement sur les investissements peut avoir des répercussions considérables.
Outre les gains attendus sur les actifs financiers à court, moyen et long termes, l’IQPF place des balises pour le coût des emprunts, le taux d’inflation et l’évolution du maximum des gains admissibles (MGA — soit la portion du salaire qui sert de base de calcul aux régimes de retraite). Il offre des repères concernant l’espérance de vie. Toutes ces variables sont déterminantes dans la préparation financière de la retraite.
Dans ce domaine, il est toujours préférable de pécher par un léger excès de prudence que par un optimisme exagéré. Ça se reflète dans les normes, où vous ne trouverez pas de promesses déraisonnables.
Les normes sont destinées aux professionnels, qui n’ont pas l’obligation de s’y plier. Si vous cherchiez une raison de vous y familiariser, la voilà. Si un planificateur financier vous présente un scénario dans lequel votre épargne génère des gains annuels de 8 %, après frais, c’est douteux. L’ennui avec ce type de projection n’est pas tant qu’elle soit irréaliste à long terme, mais qu’on y adhère avec enthousiasme. Se faire miroiter de telles performances laisse l’impression qu’on se trouve entre bonnes mains et crée l’illusion d’une retraite plus confortable pour un moindre effort. Ça, c’est séduisant!
Inflation maîtrisée
Les experts ont établi le taux d’inflation à 2,1 % à long terme. Ça semble minime en comparaison des hausses de prix que nous subissions depuis deux ans, mais c’est en ligne avec les attentes des grands fonds de retraite.
Est-ce qu’un écart entre la norme de l’IQPF et l’inflation future aurait un impact catastrophique sur les planifications de retraite? Moins que vous pourriez le penser. Si la croissance des prix se maintenait à un rythme plus rapide, les rendements attendus sur les titres à revenu fixe seraient également plus généreux (les taux d’intérêt resteraient plus élevés), entraînant à la hausse les performances des titres boursiers, qui offrent toujours une prime de risque par rapport aux placements plus sécuritaires.
La question des prix à la consommation se trouve en quelque sorte à la base de toutes les normes d’hypothèses. Le danger dans une planification qui ne tient pas la route, c’est moins les rendements tirés d’un compte de fées que l’écart trop grand entre ces derniers et l’inflation.
L’IQPF table sur une croissance à long terme du MGA (les salaires) de 3,1 %, un point de pourcentage de plus que l’inflation. Je me permets d’insister sur ce point, encore : les revenus croissent plus vite que les prix. Ce n’est pas moi qui le dis…
Les rendements attendus
Pas de flafla ici ni de promesse d’ivrogne. L’IQPF scinde les rendements en cinq catégories :
Court terme : 2,3 %;
Revenu fixe : 3,2 %;
Actions canadiennes : 6,2 %;
Actions étrangères (pays développés) : 6,5 %;
Actions étrangères (pays émergents) : 7,4 %.
Les États-Unis présentent le marché boursier le plus imposant et le plus dynamique de la planète, les actions américaines auraient sans doute mérité une place à part.
L’IQPF précise qu’il a retranché 0,5 % aux prévisions dans les trois catégories constituées d’actions pour tenir compte des risques liés à la séquence de rendements. Pour résumer ce point brièvement (on y reviendra un moment donné), une mauvaise séquence boursière peut avoir des répercussions plus ou moins grandes sur une planification selon le moment où elle se produit dans la vie d’un épargnant. Elle fait toujours plus mal lorsqu’on approche de la retraite.
Certaines personnes seront au contraire favorisées, celles-là auront l’agréable surprise de pouvoir dépenser un peu plus durant leurs vieux jours.
Les frais de gestion
L’IQPF n’établit pas de norme sur la question, mais il rappelle qu’il faut en tenir compte. Le Canada reste un des endroits où les frais de gestions sur les fonds communs de placement sont les plus élevés, autour de 2 %.
Un portefeuille composé à 50 % de titres à revenu fixe (5 % court terme; 45 % long terme) et 50 % d’actions (40 % canadiennes; 10 % étrangères) produirait à long terme un rendement de 4,7 %, avant les frais. Si ces derniers étaient de 1,3 %, une hypothèse des plus plausibles, le rendement net s’établirait à 3,4 %, soit seulement 1,3 % de plus que l’inflation. L’exemple est tiré du document de l’IQPF.
Avec des performances pareilles, on doit épargner plus fort (ou se bercer d’illusion).
Je vous reviens sur les tables de mortalité, vous allez voir que ça, c’est amusant!