
Un air d'été, avec BGL et Amélie Proulx
On a bien besoin de ce microclimat pour passer à travers les dernières semaines de cette année anxiogène. Surtout que sous ses dehors colorés et festifs, le corpus proposé par BGL amène, comme toujours, plusieurs réflexions sur notre rapport à l’art, les premières impressions trompeuses, la transformation de la matière, la valeur monétaire et symbolique des objets.
Tout a commencé avec Le Troubadour, un personnage botté et muni d’une guitare fait de bâtonnets en bois. Une sculpture qui suscitait l’intérêt, mais qui effrayait un peu les collectionneurs à cause de sa fragilité. Les pros de l’atelier du bronze d’Inverness ont trouvé la solution : des bâtonnets en bronze. Le trio BGL a donc appris à souder à l’argent, dans l’atelier de Ludovic Boney.

Ils ont créé de nombreuses pièces pour la Biennale de sculpture de Trois-Rivières, un des rares évènements culturels à avoir été présenté cet été. Ils avaient alors pleinement exploité la thématique du bricolage, en étalant sur les tables à pique-nique (des socles avec une belle charge émotive, relève Nicolas) ciseaux, retailles et crayons à colorier — ce qui flouait d’autant plus les visiteurs sur la véritable nature des œuvres présentées.

La présentation est plus épurée à la Galerie 3, où les pièces ont été placées pour attirer l’attention de ceux qui passent devant la vitrine. Danseurs, écrans, radio, projecteur, graphique (!)… C’est la fête !

Galvanisé par son nouveau matériau, le collectif a fait ses recherches. Jasmin évoque l’histoire touchante d’un homme malade qui créait des meubles en bâtons de bois dans l’émission Caméra 91. Il explique aussi que les bâtons destinés au bricolage sont des pièces déclassées, qui ne peuvent être utilisées pour tenir un pop sicle ou brasser un café.

Le verso des œuvres a été laissé «brut», peint d’une couleur qui imite les bâtons de bois en bouleau blanc (parce que le bois pâle est plus appétissant). Il faut dire que BGL a beaucoup travaillé avec la forêt, les arbres, les branches… qu’il en arrive à assembler de faux bouts de bois usinés pousse l’exploration à un nouveau niveau.
Les herbes de passage
En observant les plantes mystérieuses qui émergent à des endroits inusités de son grand terrain de Saint-Nicolas, Amélie Proulx s’est mise à s’intéresser à la zoochorie, ce phénomène où les animaux modifient le paysage, en transportant par exemple des semences de végétaux dans leur pelage.

Dans son corpus Les herbes de passage, des fresques faites de centaines de morceaux de céramique fixés au mur, plusieurs saynètes se répondent. Des chauves-souris (principaux pollinisateurs des forêts tropicales) volent parmi des éventails, faits à partir du motif d’un couvercle de plat Tupperware.
Dans le travail d’Amélie Proulx, l’atelier et la nature, deux milieux foisonnants, deviennent intrinsèquement liés.

À l’avant-plan, sur une tablette, des éléments de que ce l’artiste appelle ses «paysages d’atelier» — plats de plastique, cannes en métal — ont été reproduits en céramique et agencés pour former des tours, des colonnes et des édifices qui supportent des fruits qui semblent confits, grâce à la magie de la glaçure.

Ces petites touches de couleur, qu’elle ajoute avec parcimonie à sa palette de blancs, ont commencé à émerger en mars dernier, «alors qu’on était tous dans le flou», note l’artiste. «J’y pense comme si c’était de l’aquarelle, que j’utilise pour saisir une espèce d’impression.»

Les ornements architecturaux inspirés de plantes composent une murale (oiseaux) qui semble bien ordonnée. «Mais quand on porte attention, on s’aperçoit que des composantes ont été croquées ou étirées, comme si les oiseaux étaient en train d’utiliser ces morceaux-là pour leur redonner leur souplesse, les intégrer dans leur nid, les retourner à la nature.»
À l’entrée de la galerie, justement, trône un nid, fait à partir de végétaux inventés et de contenants de pilules. Car Amélie Proulx continue de créer des plantes impossibles, qui deviennent aussi des «coiffes anhydres» sur des crânes, rappelant des vanités, vestiges d’un autre temps d’une provenance indéfinie.

Anhydres signifie qu’il n’y a plus d’eau — ce qui entraîne une absence de vie — ou que l’argile est cuit. «Travailler la céramique, c’est un peu comme accélérer un processus géologique qui prendrait un millier d’années», souligne l’artiste.
Les deux expositions sont présentées jusqu’au 20 décembre au 247, rue Saint-Vallier Est, à Québec. Info : www.lagalerie3.com