Imaginez-vous en 2038, dans un Québec souverain où le camp du oui, appelé « J’suis down », aurait remporté le troisième référendum mené par nul autre que Robert Nelson du groupe Alaclair Ensemble. La République du Bas-Canada est née.
Or, 37 ans plus tard, dans un monde post-révolution, le peuple bas-canadien ne file pas le parfait bonheur : il fait face à des enjeux qui ont de quoi sonner quelques cloches auprès des Québécois de 2023.
En 2075, dans la République du Bas-Canada, la richesse n’est ainsi répartie qu’entre les membres du club élite du « 1 % », la jeunesse cultive de plus en plus de colère et les travailleurs exténués ont de la difficulté à boucler les fins de mois.
Bref, la tension monte doucement dans bien des sphères de la société… Et rien de bouge pour autant.
« On roule à pleine vitesse sur le neutre » et « le déni est notre contrat social », déplorent Annabelle (Myriam Lenfesty) et son ami Zack (Samuel Bouchard). Deux jeunes qui ont des envies de changement et qui oseront affronter le pouvoir, alias le célèbre rappeur Joey Money (Marc-Antoine Marceau).
Comment le jeune duo fera-t-il face à l’homme le plus riche de tout le Bas-Canada, à celui qui possède toutes les entreprises, dont la populaire « Bas-Canadian Tire »? Avec un ultime rap battle.
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Accompagné à la mise en scène par Emile Beauchemin, l’auteur Dominique Sacy flirte ici avec quelques stéréotypes sans tomber dans les clichés. S’il dessine dans le coin droit un ultra-riche qui se croit supérieur aux autres, il illustre aussi en Annabelle une jeune « hipster -cool » qui est certaine de « savoir ce que veut le peuple ».
Exit le cynisme
Pour apprécier La République hip-hop du Bas-Canada et ses chansons savoureuses, il faut donc accepter la prémisse proposée par l’auteur et se laisser glisser dans ce monde bercé par les codes d’Alaclair Ensemble. Car dans cette comédie musicale, derrière l’humour savoureux et les multiples références aux cultures rap et populaire, se cache une véritable critique sociale.
Malgré quelques dialogues — notamment ceux de Joey Money et de la scène finale — qui auraient pu être resserrés, le texte de Dominique Sacy permet toutefois de faire naître un peu d’espoir.
En soufflant sur les braises de la Révolution tranquille et du mouvement indépendantiste québécois, l’auteur explore ce que signifie une véritable révolution : ce que ça a comme impact sur le collectif, mais également sur le corps, la tête et le cœur de ceux qui la portent à bout de bras.
À l’instar de son collègue, Emile Beauchemin puise lui aussi dans une forme de poésie afin de signer sa magnifique mise en scène. Son travail est notamment marqué par un éclairage fort bien pensé ainsi que par un univers hip-hop qui ne laisse dépasser aucun fil.
Ensemble, Dominique Sacy et Emile Beauchemin nous offrent donc une œuvre qui, certes, trébuche dans quelques petits creux ici et là, mais qui nous transporte surtout dans un monde foisonnant, intelligent et drôle où la résistance s’enflamme passionnément.
La République hip-hop du Bas-Canada est présentée jusqu’au 21 octobre chez Premier Acte.
La pièce, qui n’a pas obtenu d’aide financière de la part Conseil des arts du Canada et du Conseil des arts et des lettres du Québec, a toutefois reçu l’appui financier de quelques partenaires, dont Étienne Grandmont et Sol Zanetti, respectivement députés de Taschereau et de Jean-Lesage sous la bannière de Québec solidaire.