Avant l’heure mauve : une pièce pleine de défis et de lumière

<em>Avant l’heure mauve</em> est présentée au Périscope jusqu’au 7 octobre.

CRITIQUE / Présentée comme huis clos à saveur western et féministe, Avant l’heure mauve avait plusieurs promesses à remplir lors la première mardi soir au Périscope. L’équipe de concepteurs a fait un merveilleux travail avec cette pièce écrite par Maude Bégin-Robitaille et mise en scène par Marie-Hélène Lalande.


Cette production du Théâtre À pleins poumons commence en force grâce à sa facture visuelle alléchante mise en valeur dans le générique du début qui, comme dans un western, permet d’entrevoir chaque personnage.

Le décor conçu par Gabriel Cloutier-Tremblay est très réussi. Avant même d’entrer dans la salle, on sent la grange qu’il a efficacement représentée sur la scène du Périscope en utilisant du foin et des grains, entre autres.

À ce décor déjà excitant viennent s’ajouter les sublimes éclairages orchestrés par Keven Dubois. On admire notamment la lumière qui semble s’infiltrer entre les parois de la grange où se déroule ce huis clos.

En plus de la lumière et du décor, la conceptrice des costumes, Émilie Potvin, a fait un super travaille pour ce western.

Les éclairages sont aussi utilisés pour créer des effets dramatiques et simuler la violence physique, mais pas toujours.

Une scène, où un personnage en bat en autre sans être enveloppé ou découpé par la lumière, apparaît un peu maladroite et longue.

En fait, il y avait quelques longueurs dans cette production d’un peu moins de 100 minutes. La tension n’était pas aussi vive que le promettait ce suspense devant laisser s’exprimer la colère des femmes.

Légitimer la colère

On apprécie particulièrement de voir la colère de ces femmes poussées dans leur dernier retranchement légitimée.

À un moment, quelqu’un mentionne que les six femmes sont une bande « d’hystériques », mais Margot rétorque qu’elles ne sont pas hystériques.

Plus tard, une femme se fait traiter de « folle » parce qu’elle exprime sa colère, mais Margot rétorque qu’elle n’est pas folle.

Ce personnage incarné avec brio par Érika Gagnon est fascinant : il est la force tranquille de cette pièce. Le public prend plaisir à découvrir cette femme rude.

Incarné par Érika Gagnon, le personnage de Margot est fascinant.

Margot Hutson est la propriétaire d’un ranch dans un village qui a été vidé de ses hommes. Ceux-ci sont partis gonfler les rangs de l’armée, volontairement ou non, alors que se meurt leur dernière vache.

C’est dans la grange de Margot qu’Inès (Angélique Patterson), une ancienne habitante du village, arrive avec un otage. Celui-ci n’est nul autre que le général de l’armée (Nicolas Létourneau).

En plus de la sœur et de la fille de Margot (Sophie Dion et Odile Gagné-Roy), la femme du maire (Marie-Hélène Lalande) et la guérisseuse (Catherine Côté) se retrouvent mêlées à cette situation qui leur donne un certain pouvoir sur la guerre en cours.

Les femmes ont trois choix : tuer l’otage, le rendre à l’armée ou le rendre aux rebelles.

Chaque femme porte un secret qui influence sa décision ou son incapacité à prendre une décision.

Ainsi, certaines tenteront de tirer leur épingle du jeu et d’autres de faire valoir leur vision du bien commun. Les révélations sont nombreuses, certaines plus prévisibles que d’autres, mais on dirait que les émotions n’étaient pas toujours au rendez-vous.

Et ce n’est pas faute d’avoir essayé : Odile Gagné-Roy a tout donné pour nous transmettre le bouleversement et la rage d’Anna, la fille de Margot.

Mais d’autres personnages, comme Céleste, étaient trop caricaturaux pour permettre à une réelle tension de s’installer.

La metteuse en scène Marie-Hélène Lalande (au centre) joue aussi le rôle de Simone, la femme du maire.

Les joutes orales, comme les scènes de violence, font partie des défis de cette pièce. Les interprètes doivent faire preuve de précision et de synchronicité quand elles coupent la parole à un autre personnage ou quand elles donnent ou reçoivent un coup. On ne peut qu’assumer que la troupe deviendra de plus en plus précise au fil des représentations.

Ne serait-ce que pour sa facture visuelle, Avant l’heure mauve est définitivement une pièce de théâtre qui vaut la peine qu’on y jette un coup d’œil.


Avant l’heure mauve est présentée au Périscope jusqu’au 7 octobre.