
«Suites perméables» d'Emmanuel Jouthe: doux rapprochements
L’expérience qu’il propose à la Maison pour la danse cette semaine est le fruit d’une longue recherche, faite à travers plusieurs laboratoires qui exploraient la notion de proximité. Une de ces séances de travail s’est déroulée au Musée de la civilisation, pendant l’exposition Corps rebelles, en 2015-2016.
Après plusieurs essais in situ, le chorégraphe montréalais a eu envie de placer les spectateurs sur scène et de restreindre l’espace réservé à la danse. Deux lignes de spectateurs formant un «L» se trouvaient devant un mur. Dans la plus récente mouture, deux rangées de spectateurs se font face et les danseurs évoluent dans un corridor d’environ six pieds (1,80 mètre) de largeur.
«Dans les premiers chapitres [de la création], l’idée n’était pas de rendre le spectateur prisonnier, mais de mettre l’emphase sur l’exclusivité, sur un point de vue unique sur une danse donnée. En changeant la disposition des spectateurs, de nouveaux points de vue devenaient possibles», explique Emmanuel Jouthe.
En enlevant le mur, le regard du spectateur peut observer ce qui se passe devant lui ou ce qui se passe ailleurs dans la salle. Entre eux, les spectateurs s’observent, s’épient, se regardent voir. Une intimité collective, ouverte et respectueuse s’installe.

Un grand amour du spectateur
Les interactions entre danseurs et spectateurs restent minimales, insiste Emmanuel Jouthe. (Vous n’aurez pas à danser.) «Ça peut être déstabilisant, mais pas confrontant. Lorsqu’on est déstabilisé, on doit nécessairement faire un mouvement pour retrouver son équilibre. Tu revois tes repères et tes références, et c’est ce que j’aime dans la proposition de Suites perméables.»
Le créateur laisse beaucoup de place aux interprètes avec qui il travaille. «Je crois que le cœur de ma poésie chorégraphique repose sur les manières d’exacerber la personnalité de celui qui danse», note-t-il. Chez les danseurs, ce type d’expérience enrichit le bagage sensible et l’affect. «Il y a une grande douceur et un grand amour du spectateur.»

Pendant une quarantaine de minutes, six solos seront repris trois fois. Le langage chorégraphique est d’abord plus formel, plus «écrit», puis évolue vers des regards, des contacts, des touchers, des murmures.
Au son de plusieurs pièces de piano et de percussions douces, dont du Nils Frahm et du Arvo Pärt, créer un lien devient plus important que la danse elle-même.
Suites perméables sera présenté les 23 et 24 janvier à 19h et 20h30 à la Maison pour la danse. Info : www.larotonde.qc.ca