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Mes Sorcières bien-aimées

L’aînée, Joanne (Céline Bonnier), Joe pour les intimes, est journaliste et œuvre en Chine lorsqu’on fait sa connaissance. Elle n’y restera pas longtemps. Une femme déterminée en quête de justice.

CHRONIQUE / Il fallait que TVA croie en Sorcières pour lui confier la case reine des téléromans, celle du lundi à 20h.


La série de 26 épisodes par année, diffusée à partir du 11 septembre, succède à L’Échappée, qui, je l’avoue, m’avait échappé depuis plusieurs saisons, mais ralliait un public vaste et très fidèle. Sorcières émane des mêmes producteurs.

Après avoir vu les deux premiers épisodes, je risque de rester bien accroché à cette histoire de trois demi-sœurs qui ont grandi dans une commune ayant toute l’apparence d’une secte. J’ai déjà 1000 questions en tête.

Ne vous fiez pas à mon titre : la série, très cinématographique dans sa facture visuelle, n’a rien à voir avec la comédie des années 60. Reste que ces sorcières deviendront mes bien-aimées du lundi soir.

Nous sommes à Sainte-Piété, une municipalité des Cantons de l’Est. Tout commence avec la découverte d’un bébé nu au pied d’une chute.

Aucun indice n’est laissé sur place, on n’a pour l’instant qu’un appel étrange au 911, sans pouvoir en identifier sa provenance.

En entendant la nouvelle, nos trois héroïnes ont un choc; cette découverte, dans ce village où elles ont grandi, a visiblement une signification particulière à leurs yeux. Elle leur rappelle de bien mauvais souvenirs.

Nées du même père, les trois femmes ne se sont jamais revues depuis qu’elles se sont sauvées d’une commune il y a 30 ans.

Élisabeth (Marie-Joanne Boucher) est une femme au foyer un peu désœuvrée, qui cherche un sens à sa vie.

L’aînée, Joanne (Céline Bonnier), Joe pour les intimes, est journaliste et œuvre en Chine lorsqu’on fait sa connaissance. Elle n’y restera pas longtemps. Une femme déterminée en quête de justice.

Mère de deux enfants, Élisabeth (Marie-Joanne Boucher) est une femme au foyer un peu désœuvrée, qui cherche un sens à sa vie. Vous n’aimerez pas son mari Phil (Patrick Drolet), chirurgien plastique qui la tient pour acquise, contrôle chacun de ses gestes et semble tout, sauf amoureux d’elle.

Agnès (Noémie O’Farrell), qui n’avait que cinq ans lorsqu’elle a quitté la commune, est devenue une coach de vie ambitieuse et mystique à la fois, cofondatrice d’un centre de croissance personnelle. Elle tente sans succès d’avoir un enfant avec sa blonde Sophie (Lamia Benhacine).

Les trois demi-sœurs, très différentes les unes des autres, sont donc appelées à se revoir à la suite de ce drame qui les relie.

Mais pourquoi et comment? Ça, on l’apprendra au fil des épisodes.

Si vous trouvez le premier épisode un peu lent, persistez. J’ai fini le deuxième avec une envie irrésistible de voir le troisième.

On a affaire ici à une histoire extrêmement accrocheuse, pleine de mystères. Que se passait-il au juste dans cette secte? Ces femmes y ont-elles subi des sévices?

Et pourquoi la découverte du poupon les remue-t-elle autant?

Inutile de dire que les trois actrices principales sont excellentes. Je me réjouis de la présence de Marie-Joanne Boucher, qu’on n’avait pas vue dans un rôle principal depuis la fin de Providence en 2011.

Les habitués de L’Échappée retrouveront Stéphane Gagnon dans un rôle très différent, celui d’un chômeur, licencié de l’usine de pâtes et papier, qui accumule les contrats de rénovations. On comprendra qu’il a lui aussi un lien avec la commune.

Julie Roussel, la Gladys de 5e rang, joue pour sa part la mairesse des lieux, qui met son nez partout.

On suivra bien sûr l’enquête policière, menée par un lieutenant venu de Montréal, joué par Denis Marchand, et un policier de la place, Nicolas (Christophe Payeur), aussi le cousin de la mairesse.

Parce qu’à Sainte-Piété, tout le monde se connaît.

Le projet de Sorcières est né en 2019 dans l’esprit de trois amies actrices, Céline Bonnier, Marie-Joanne Boucher et Noémie O’Farrell, qui avaient envie de jouer ensemble une histoire de sorcières. L’auteur Germain Larochelle a alors imaginé l’histoire de ce village et de cette mystérieuse commune.

L’autrice Marie-Josée Ouellet, qui a notamment travaillé sur L’Échappée, s’est jointe à lui pour élaborer le scénario. Le duo a notamment consulté une spécialiste pour tout ce qui touche aux enfants vivant en communautés fermées, Lorraine Derocher.

Myriam Verreault s’était bien juré de ne plus réaliser de série annuelle, après l’avoir fait pour 5e rang, mais le scénario l’a intéressée dès qu’elle l’a lu.

Elle ne nie pas que la facture visuelle de Sorcières peut rappeler Twin Peaks et l’œuvre de David Lynch.

«Je trouve qu’au Québec, on fait de plus en plus une télé qui s’approche du cinéma. On a des ambitions plus grandes, on voit ce qui se fait sur les plateformes chez les Américains et on veut bien se comparer», explique la cinéaste, qui coréalise avec Ian Lagarde.

Agnès (Noémie O’Farrell) n’avait que cinq ans lorsqu’elle a quitté la commune.

Sorcières n’est ni Yamaska, ni L’heure bleue, ni L’Échappée. On est ailleurs.

TVA prend-il un risque en proposant une série moins proche de la réalité à son public?

« La télé est rendue là. Le risque, ça aurait été de ne pas faire ce projet », répond le directeur des productions originales fictions, Olivier Aghaby.

Même s’il est question ici de mysticisme, les auteurs gardent en tête que l’histoire doit être vraisemblable. Myriam Verreault parle pour sa part de «réalisme magique».

Et malgré l’audace du projet, le producteur André Dupuy rappelle qu’il s’agit d’une série annuelle s’adressant au grand public.

« On pense à la famille. Le thème de Sorcières est rassembleur », croit-il.

L’équipe assure qu’on a des idées pour plusieurs saisons.

« C’est beaucoup plus qu’une enquête policière, on est dans une saga familiale où chacun a ses intrigues. C’est une réflexion sur la manipulation », confie Myriam Verreault.

Pour bien accrocher le public, on offre un cadeau aux téléspectateurs en diffusant le deuxième épisode tout de suite après, à 21h. Alertes est donc décalée d’une semaine.