Un Chopin avec de la gueule

Le spectacle se déroulait dans la chapelle de l’ancienne sacristie de l’église Notre-Dame-de-Jacques-Cartier.

Les Rendez-vous classiques de l’École Arquemuse recevaient dimanche après-midi le pianiste montréalais Serhiy Salov dans un récital tout Chopin.


La série, qui met en valeur des pianistes québécois établis ou de la relève, a été fondée l’an passé par Jean-Michel Dubé, un pianiste de la capitale. Elle contribue heureusement à atténuer une certaine rareté en matière de récitals pour piano à Québec.

La salle de l’école, établie dans la chapelle de l’ancienne sacristie de l’église Notre-Dame-de-Jacques-Cartier (l’église au clocher penché!), permet de surcroît d’accueillir une centaine de personnes dans des conditions de visibilité et d’acoustique assez idéales, le tout à prix d’ami.

Ayant apprécié Serhiy Salov en d’autres occasions, nous étions curieux de l’entendre dans ces circonstances. Le pianiste, originaire d’Ukraine, réside à Montréal depuis une vingtaine d’années. Ancien élève de Michel Béroff, il compte parmi ses principaux faits d’armes d’avoir remporté le Concours musical international de Montréal en 2004.

Le  pianiste Serhiy Salov a proposé une conception forte, très personnelle des œuvres de Chopin.

Le pianiste est arrivé à Québec avec un programme musclé : les douze Études, op. 10, et les quatre Ballades de Chopin. Il a choisi de jouer les Études en trois groupes de quatre, ce qui lui a permis de se livrer à quelques explications pendant chaque bloc.

Les deux premières études, particulièrement ardues, ont été prises à une vitesse échevelée, ce qui a nui à la clarté et à l’assise rythmique. Le pianiste a sans doute cherché à suivre les indications métronomiques de Chopin, mais il ne faut peut-être pas les prendre au pied de la lettre et chercher plutôt à établir un climat cohérent. Les deux morceaux ne sont après tout « que » des allegros à 4/4. Au contraire, les études no 7 et no 11, n’était peut-être pas aussi « vivace » que possible.

Il reste que le pianiste nous propose une conception forte, très personnelle de ces œuvres, allant jusqu’à ajouter à l’occasion des ornements de son cru, une pratique inhabituelle dans ce répertoire. Bien qu’improvisateur exceptionnel, Chopin notait très précisément ce qu’il voulait dans ses partitions éditées.

Sinon, l’idée d’enchaîner directement la plupart des études à l’intérieur de chaque bloc est pertinente, étant donné les parentés harmoniques voulues par le compositeur.

La deuxième partie – les Ballades – était encore plus intéressante, même si elles n’ont pas été pensées par Chopin comme un recueil à jouer en entier. Mais cela fonctionne : c’est un peu comme assister à un mini-festival de courts-métrages tous aussi fascinants les uns que les autres.

En bon « réalisateur », Serhiy Salov sait comment ménager tension et détente et peindre des atmosphères. Le piano Boston (une division d’instruments bon marché de Steinway) se plie à ses intentions, malgré des extrêmes-graves quelque peu revêches.

Le rappel donné, la Fantaisie-Impromptu en do dièse mineur, op. 66, était un complément bienvenu au programme.

Le prochain concert des Rendez-vous classiques aura lieu le 25 février avec Isabelle David.