Dans son livre Tout ce qui nous empêche d’être heureux et ce qu’il faut savoir pour l’être, le philosophe et auteur français Fabrice Midal analyse cette notion de félicité qui a fait l’objet de tant et tant de publications. Il propose de changer notre point de vue sur l’idée voulant que le bonheur se résume « à des intermèdes merveilleux et magiques, que l’on savoure dans l’instant présent et dont la répétition est le thermomètre ».
En entrevue téléphonique depuis Paris, l’écrivain explique qu’il faut se libérer des recettes promettant le bonheur. « Mon propos n’est pas d’en donner, mais plutôt d’aider les gens à voir les mécanismes qui nous empêchent d’être heureux. »
Ces obstacles sont au nombre de 28, avance-t-il. Ils vont de la recherche du prince charmant à notre volonté de tout gérer, en passant par l’obsession des objectifs et le fardeau de la culpabilité.
Pour beaucoup, le bonheur serait un état, un moment de grâce où tout est parfait. Grossière erreur, dit-il. « Ce qui nous empêche d’être heureux, ce n’est pas que tout aille bien, mais cette image complètement illusoire d’un monde idéal qui n’existe pas. Il faut se libérer de cette image fausse et statique du bonheur. »
« Les gens se mettent de plus en plus de pression pour correspondre à des modèles, poursuit l’un des principaux maîtres de l’enseignement de la méditation en France. Il faut qu’on soit parfait, toujours souriant. Tout cela a un prix énorme. On se sent coupable de vivre des difficultés. »
Illusion néfaste
Mais à notre époque où il est de plus en plus difficile pour le commun des mortels de joindre les deux bouts et de composer avec les mille et un stress du quotidien, n’est-il pas difficile d’atteindre le bonheur? « Rien n’est plus faux, répond l’auteur du tac au tac. C’est ce que mon livre veut dénoncer. »
« Depuis la préhistoire, il y a toujours eu des difficultés, la guerre, la violence, la misère, la pauvreté, explique-t-il. Ce n’est pas parce que le monde va mal qu’il faut être malheureux. C’est l’illusion la plus néfaste et idiote du bonheur.
« Au contraire, c’est en étant heureux qu’on va pouvoir s’ouvrir aux autres et agir de manière juste. Le bonheur c’est d’essayer de faire des choses qui ont du sens, de s’engager dans le monde. »
Dans ce contexte, les réseaux sociaux, où chacun peut comparer sa vie à celle des autres, nuisent certainement à cette quête du bonheur en raison de l’insatisfaction chronique qu’ils procurent. Le dicton voulant que l’herbe soit toujours plus verte chez le voisin est tenace. L’injonction de performance s’invite aussi dans le décor.
« La normalité devient de plus en plus forte. Il faut rentrer dans le moule, être comme ceci, être comme cela, alors que le bonheur c’est d’inventer sa vie, c’est le contraire de quelque chose de normatif. »
Connais-toi toi-même
Dans son livre, Fabrice Midal rappelle que chez les Grecs anciens le bonheur signifiait « être en accord avec sa voix intérieure ». « Connais-toi toi-même », disait Socrate. En cela, pour trouver la félicité, il faut savoir réfléchir sur soi.
« Qu’est-ce qui me rend heureux? C’est une question qu’on devrait tous se poser au moins une fois dans sa vie. Et aussi qu’est-ce qui m’empêche de l’être? C’est ce qui nous permet de changer quelque chose. »
Et vous, monsieur Midal, qu’est-ce qui vous rend heureux?
« Comprendre qu’il ne faut pas se décourager parce qu’il y a des obstacles. Même les difficultés font partie de ce qui rend heureux. Quand j’écris un livre ou que je prépare un cours, il m’arrive de ne pas y arriver tout de suite. Il faut que je me reprenne. Je prends ça comme un défi.
« J’essaie de m’amuser, de voir comment je peux faire pour que ce livre ou ce cours soit mieux. Le bonheur n’est pas opposé au fait de relever des défis, d’aller de l’avant, de se remettre en question.
« Je suis aussi très sensible à la nature, à la musique et aux relations avec les gens. Ce sont trois éléments qui me rendent profondément heureux. »
Tout ce qui nous empêche d’être heureux et ce qu’il faut savoir pour l’être. Fabrice Midal. Édito. 247 pages.