
The Ghost of Peter Sellers : Le naufrage d’un film ***
Quatre décennies après ce spectaculaire naufrage causé par le comportement erratique de sa vedette, le cinéaste tente d’exorciser son souvenir en tournant un documentaire — intéressant, mais qui manque de recul. «Ce film a presque détruit ma carrière», prétend Medak.
À l’époque, Sellers est déjà considéré comme un génie de la comédie. Il surfe sur le succès des deux premiers La panthère rose et de son triple rôle dans Docteur Folamour de Kubrick. Mais ses problèmes de santé mentale et de toxicomanie le transforment en électron libre — un fait avéré que Sedak aborde de façon très pudique.
Il n’évoque d’ailleurs pas ce qu’il en sait lorsqu’il accepte de tourner Ghost in the Noonday Sun. La raison en est bien simple : il s’agit d’une «opportunité irrésistible». Tout le monde s’enthousiasme pour ce film de pirates, adapté d’un roman éponyme de Sid Sleischman. Et même si tous les voyants sont au rouge (manque de préparation, scénario bancal, etc.), les producteurs donnent le feu vert…
Dès le début, le tournage part en vrille. Le pilote grec chargé de conduire le bateau à quai est tellement saoul qu’il échoue le navire. Peter Sellers, qui vient de rompre avec Liza Minelli, est à côté de ses pompes… quand il se présente sur le plateau. À la deuxième semaine de tournage, il feint une crise cardiaque pour abandonner le projet !
Peter Medak fait témoigner des collègues, dont Piers Haggard qui a réalisé le dernier film avec Sellers avant sa mort, Le complot diabolique du docteur Fu Manchu (1980). Tous s’entendent : l’acteur était complètement imprévisible. Il va même jusqu’à organiser une mutinerie pendant le tournage de Ghost in the Noonday Sun !
C’est ce qui fascine avec ce documentaire cathartique. Voir à quel point Sellers était tellement mal dans sa peau qu’il se réfugiait dans ses personnages. Le film n’est d’ailleurs pas une vendetta. Son souvenir hante Medak, de toute évidence.
Il faut dire que le réalisateur n’a pas eu une vie facile. Son frère et son père sont morts alors qu’il était adolescent, sa première femme s’est suicidée pendant la création de Ruling Class (présenté à Cannes en 1972)… Tourner devient une façon «de s’évader de votre propre vie».
C’est ce qu’il confie à son ami, le scénariste Simon van der Borgh, qui lui sert d’interlocuteur tout au long du documentaire, même lorsqu’il réalise des entrevues avec des gens qui ont bien connu Sellers, dont sa fille, et les artisans de Ghost in the Noonday Sun (dont on voit, évidemment, plusieurs séquences, mais aussi des images inédites du tournage).
The Ghost of Peter Sellers s’avère un documentaire fascinant malgré quelques maladresses. Le film en révèle autant sur la somme de talent et de capacités requises pour être réalisateur qu’il lève le voile sur un échec cuisant (et comment lui survivre).
On peut le visionner The Ghost of Peter Sellers en version originale anglaise sur la plateforme du cinéma du Parc.
Au générique
Cote : ***
Titre : The Ghost of Peter Sellers
Genre : Documentaire
Réalisateur : Peter Medak
Durée : 1h44