
Mon chien Stupide: du mordant et des beaux malaises *** 1/2 [VIDÉO]
Il s’agit de la cinquième fois qu’Attal dirige Charlotte Gainsbourg. Mais Mon chien Stupide s’inscrit plus logiquement comme le prolongement de Ma femme est une actrice (2001) et Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants (2003), qu’il avait scénarisés en fiction autobiographique.
Or, ce film mesure justement l’usure d’un couple qui, à la mi-cinquantaine et quatre enfants plus tard, acceptent mal d’être passés à côté de leur vie (croient-ils).
Problèmes de bourgeois, certes, d’autant que leurs caractéristiques, lui l’auteur en panne d’inspiration qui blâme les siens pour ses insuccès, elle en femme qui a renoncé à sa carrière et picole, relèvent du cliché. Sans parler des adulescents beaucoup trop unidimensionnels. Bref, le modèle usé de la famille dysfonctionnelle.
N’empêche. Le refus du politiquement correct et une justesse dans le ton permettent de saisir ce malaise existentiel par l’entremise de Stupide — c’est le nom qu’Henri Mohen (Attal) donne au chien qu’il a trouvé dans son jardin. La bête est énorme, baveuse, «pédé, obsédée et insatiable». Elle symbolise surtout le mal de vivre de l’auteur, qui va chercher à faire le vide autour de lui.
Parce qu’Henri, après l’immense succès de son premier roman, n’a plus rien publié de valable. Ce «paresseux, arrogant et égocentrique» en rejette la faute sur les autres, écrasant au passage ses enfants avec son statut d’auteur (qui, en retour, lui siphonne de l’argent sans remords). Surtout, il porte peu attention aux désirs de sa femme Cécile (Gainsbourg). D’où le goût immodéré pour la bouteille de celle-ci.

«Quand un écrivain vient à naître dans une famille, toute la famille est foutue», fait-il dire à un auteur. Ce qui ne l’empêche pas de reconnaître qu’il s’avère un «piètre mari et mauvais père».
Ajouter à ça une attitude de désabusé cynique… Alors qu’il aurait tout pour nous tomber sur les nerfs, Attal réussit pourtant à laisser transparaître son humanité et ses sentiments.
Car ce qui commence comme une comédie grinçante va, peu à peu, glisser dans le drame psychologique puis sentimental. Or, cette transition s’effectue en douceur, d’une loupe grossissante à une vision beaucoup plus réaliste des failles de l’homme.
Attal sait y faire, comme en témoignent plusieurs plans-séquences parfaitement maîtrisés. Vrai qu’il peut compter sur leur brio respectif d’acteurs — ils sont d’un naturel fou.
Le réalisateur a aussi marqué le coup en confiant pour une troisième fois la trame sonore à Brad Mehldau (après Ma femme… et Ils se marièrent...). Le virtuose met ici son talent de façon discrète au service du récit. Sa réinterprétation pour piano de Paranoid Android de Radiohead s’avère remarquable, tout comme sa version avec orchestre à cordes. Sans parler de son travail sur And I Love Her des Beatles.
Belle attention, Mon chien Stupide est dédié au regretté Claude Berri (Jean de Florette / Manon des sources) qui a voulu, il y a 20 ans, adapter le roman.
Mon chien stupide est présenté en vidéo sur demande.
Au générique
Cote : *** 1/2
Titre : Mon chien Stupide
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Yvan Attal
Acteurs : Yvan Attal, Charlotte Gainsbourg, Eric Ruf
Durée : 1h46