Les jours heureux : vertiges de musique et d’émotions

Sophie Desmarais incarne une cheffe d'orchestre prometteuse dans <em>Les jours heureux</em> de Chloé Robichaud.

CRITIQUE / Chloé Robichaud offre avec Les jours heureux un magnifique contraste entre une musique classique qui élève, et qui émeut, et une relation familiale toxique. En cultivant les nuances, la cinéaste met surtout en scène un fabuleux duo d’acteurs formé par Sophie Desmarais et Sylvain Marcel.


Dans ce long métrage à la fois intimiste et grandiose dévoilé au Festival du film de Toronto, la charismatique Desmarais incarne une chef d’orchestre prometteuse, sous l’emprise de son père et gérant (Marcel), un homme manipulateur et narcissique.

Alors que la musicienne plus connectée à son intellect qu’à ses émotions arrive à un moment charnière de sa carrière, elle navigue difficilement dans une relation encore fraîche avec une violoncelliste, jeune maman qui souhaite prendre son temps.

Elle doit surtout composer avec les constantes agressions verbales de son père, qui n’a que très rarement un bon mot pour elle. Mais il est aussi celui qui l’a poussée jusqu’où elle est arrivée.

On comprend vite qu’il y a un historique de violence dans la famille. Mais on n’est pas dans un portrait tout noir ou tout blanc. Pas de victime qui encaisse sans rien dire ni de bourreau sans cœur.

Plutôt une situation et des sentiments complexes entre des gens qui ne savent pas se parler ni s’aimer.

À l’inverse, la relation amoureuse entre Emma et sa copine (Nour Belkhiria) n’est pas nécessairement simple, mais le dialogue y semble plus sain.

Sophie Desmarais et Sylvain Marcel campent un toxique duo père-fille dans <em>Les jours heureux</em> de Chloé Robichaud.

Dans ce duel père-fille, Sylvain Marcel et Sophie Desmarais offrent de magnifiques prestations, parfois explosives, mais surtout faites de 1000 nuances.

Les personnages évoluent dans un milieu compétitif et avec une grande pression de performance. On a un peu l’impression d’assister à un drame sportif : des entraîneurs tyrans qui mènent à des médailles d’or, ça s’est vu à plus d’une reprise.

Mais la musique s’impose vraiment comme un personnage central dans Les jours heureux. Le chef Yannick Nézet-Séguin a été consultant tout au long de la production. L’Orchestre métropolitain qu’il dirige figure dans le film.

De longs segments en concerts laissent les morceaux se déployer et prendre de l’amplitude, surtout qu’ils sont vécus à travers la chef, qui gère beaucoup à l’intérieur comme à l’extérieur.

Avec ses yeux immenses et sa présence envoûtante, Sophie Desmarais captive dans le rôle d’une Emma qui souhaiterait être en contrôle et qui apprend à apprivoiser son passé et ses sentiments.

L’actrice se montre complètement investie physiquement dans sa direction d’orchestre et émotionnellement dans les aspects sombres du film, mais aussi dans de beaux côtés lumineux.

Ce sont eux que nous retenons au final, après un bouleversant crescendo sur une symphonie de Mahler.

Les jours heureux est présenté au cinéma.

Au générique

  • Cote : 8/10
  • Titre : Les jours heureux
  • Genre : Drame
  • Réalisation : Chloé Robichaud
  • Distribution : Sophie Desmarais, Sylvain Marcel, Nour Belkhiria
  • Durée : 1h58