Les deux artistes se sont croisées à la Maison des métiers d’art de Québec, où Amélie Proulx enseigne la céramique et Alissa Bilodeau a terminé la formation en sculpture en 2020. Cette dernière se préparait pour l’exposition des finissants lorsque les écoles ont fermé et s’est retrouvée chez elle à tricoter.
« Ça m’a permis de développer une pratique que je peux faire de chez moi, sur mon divan », note la jeune femme. Ses pièces légères, molles et pliables ont pris de l’envergure jusqu’à devenir des objets, voire d’immenses blobs qui peuvent recouvrir son salon en entier.
En galerie, ces formes organiques, ludiques et vaguement inquiétantes s’agrippent aux murs grâce à un système d’accrochage en velcro, sont suspendues telles des méduses aériennes ou rampent sur les murets. Une photographie de Stéphane Bourgeois montre même un spécimen orangé en milieu naturel, parmi les plantes verdoyantes.
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Les couleurs fantasmagoriques rappellent les grenouilles venimeuses, les poissons des profondeurs et les plumages flamboyants. En tricotant avec des aiguilles et faisant des points au crochet, Alissa Bilodeau élabore ses compositions à la manière de courtepointes, en assemblant des parties et en y insérant de nouvelles matières, comme des fourrures et des paillettes luisantes.
« Je crois que ça vient compenser pour quand je fais de la sculpture en métal : c’est très long, très gris, il y a beaucoup d’étapes, alors qu’en textile je choisis la couleur et je suis déjà enivrée. Ça me donne envie de mélanger les textures et d’explorer les formes », expose-t-elle.
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Pour trouver comment elle pouvait transposer sa pratique textile en projet d’art public, elle a travaillé avec l’Atelier du Bronze à Inverness. En trempant ses tricots dans la cire, elle les moule en entier et en tire des clones métalliques et pérennes. La première incarnation est détruite par le procédé, mais l’artiste entend explorer d’autres manières d’activer puis d’immortaliser ses sculptures molles, par la performance et la photo.
Alissa Bilodeau fait partie des artistes d’Artroduction, à voir au artroduction.com.
Son impressionnante pièce LANDE : Le jardin merveilleux, créée dans le cadre de Jardin d’hiver de Manif d’art, poursuit une tournée dans les bibliothèques, après avoir été exposée à Place Ste-Foy.
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Cueillette et cuisson minérales
Lorsqu’il est devenu difficile de se procurer des minéraux pendant la pandémie, Amélie Proulx a cherché une manière d’être plus autosuffisante, en allant extraire elle-même sa matière première.
Elle a sillonné la Chaudière-Appalaches, où elle habite, et les régions où elle se pose en résidence munie d’un marteau de géologue, de lunettes de protection et d’un maillet. Elle a cuit sa récolte dans un four à céramique, ce qui a donné lieu à des découvertes surprenantes : vitrification, changement de couleur.
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Une roche trouvée au sommet du mont Radar, à Saint-Sylvestre, était d’un beau vert doux, en galets tout écrasés. À la cuisson, elle a gonflé et a viré au rouge sombre, comme un gâteau Red Velvet.
« Quand je travaillais sur ce projet-là, j’avais plein de métaphores de pâtisserie. »
— Amélie Proulx
Une glaçure qui a coulé et figé évoque une goutte de miel.
Ses manipulations lui ont fait réaliser que certaines roches composées de calcium s’autopulvérisaient quelques jours après la cuisson. On peut observer le phénomène en accéléré dans une vidéo poétique et de cinq minutes présentée dans l’exposition.
Les plus belles pierres cuites d’Amélie Proulx sont présentées sur de fines mains blanches, fixées au mur de la galerie. « C’était des matières qui étaient déjà belles telles quelles, en morceaux », note l’artiste, qui a cuit mains et roches ensemble, si bien que celles-ci épousent la forme de l’objet et semblent réagir à leur poids.
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Des feuilles de mica, l’ancêtre du miroir, qu’on trouve dans le coin de Baie-Saint-Paul, est translucide à l’état brut, mais devient brillant et pailleté sous l’effet de la chaleur. Du sable noir de la Côte-Nord, ajouté à de la porcelaine, a permis à la céramiste de fabriquer de fausses roches lisses et mouchetées.
Pour sa série Paragénèse, elle a aussi moulé en plâtre des formes créées à partir de modélisations 3D de cristaux, puis les a combinées pour créer de nouveaux amalgames, disposés entre de vrais minéraux, non altérés.
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« C’est une incarnation du paysage, avec du fabriqué et du vrai qui s’entremêlent. Comme mon travail est souvent à propos de la nature, j’oscille entre la représentation et l’utilisation de morceaux de territoire. »
Les expositions d’Amélie Proulx et Alissa Bilodeau sont présentées jusqu’au 25 juin à la Galerie Chiguer (auparavant la Galerie 3) au 247, rue Saint-Vallier Est, Québec. Info : chiguerartcontemporain.com