Brutalisme parallèle: la légèreté insoupçonnée du béton

Un morceau de la proposition de Valérie Kolakis

Brut, gris et massif sont les adjectifs qu’on associe généralement à l’architecture brutaliste. Après avoir visité l’exposition Brutalisme parallèle à Méduse, on peut ajouter audacieux, rose et idéaliste à la liste.


Le courant architectural dans lequel s’inscrivent le Grand Théâtre de Québec et l’édifice surnommé « le bunker », sur la colline Parlementaire, porte des idéaux sociaux et une audace formelle. Péio Eliceiry a voulu y rendre hommage en rassemblant des artistes qui posent un regard sensible sur cette esthétique souvent mal-aimée.

Une sculpture de contre-plaqué signée Alexandre David épouse les contours de la petite galerie de L’œil de poisson. « Un des aspects du brutalisme est que l’ornementation, ce qui est beau esthétiquement, provient de la structure elle-même », note le commissaire.

Dans la grande galerie, il a positionné avec soin des œuvres vidéo, picturales et sculpturales. Un agencement de tableaux rose vif aux formes cintrées de Nathalie Thibault domine un des murs. « La répétition des formes ovoïdales me faisait penser à des fenêtres sur certains bâtiments modernes », souligne Péio Eliceiry.

L’œuvre de Nathalie Thibault

Lui-même signe une installation sculpturale où deux poutres de métal fixent au mur un poème toscan du 14e siècle, qui fait un parallèle entre l’alouette qui s’envole et l’éternel plaisir de créer des choses.

L’installation de Péio Eliceiry, commissaire de l’exposition

Samuel Breton a pris des milliers de photos d’une maquette cartonnée inspirée du « bunker » pour créer une animation. « Grâce à son travail avec la lumière, il y a vraiment une relation qui s’établit entre le carton et le béton », relève Eliceiry.

Une vidéo de Valérie Kolakis montre un complexe d’habitations conçu par Alison et Peter Smithson, à Londres. Laissée à l’abandon, la construction symbolise aujourd’hui la faillite matérielle et idéologique du mouvement. Tuiles et tapis récupérés, élevés au rang d’œuvres d’art, portent l’idée que « les objets sont éphémères et transitoires, mais témoignent tout de même de certains changements sociaux », indique le commissaire.

Des images de stores verticaux, typiques des édifices administratifs modernes, ont servi de base à Alexanne Dunn pour créer un tableau au motif hypnotique.

Virginie Laganière et Jean-Maxime Dufresne présentent une enquête vidéo montrant une carrière, un barrage hydro-électrique et un village des Hautes-Alpes reconstruit dans une architecture brutaliste. Le tout est enveloppé d’une énergie mystique et d’une trame sonore obsédante.

Mains, murs et interventions

L’exposition se poursuit dans la grande galerie de VU, où une vidéo montre les mains de Sara A. Tremblay qui s’activent sur une surface avec de la craie, de la peinture et de la glaise. Pascale Bédard a quant à elle laissé courir sa main sur le pavillon De Koninck, à l’Université Laval, un constat tactile capté par Blaise Carrier-Chouinard.

La proposition de Sara A. Tremblay

Plutôt que de simplement concevoir le visuel de l’expo, la boîte graphique Criterium signe aussi des œuvres, imprimées sur des tuiles de plafond suspendu appuyées au mur. L’intérêt pour les textures poreuses et les répétitions de Mathieu Lévesque se manifeste dans un tableau in situ, à même le mur, et délimité par un coin de la pièce.

Les créations graphiques de Criterium

Le tricot jacquard de Mylène Michaud montrant l’hôtel de ville de Boston, sacré bâtiment le plus laid du monde selon un vote populaire, est présenté à l’envers. Des fils flottants déforment l’image et donnent l’impression de se trouver dans une réalité parallèle cauchemardesque.

Un pan du tricot jacquard de Mylène Michaud

Sur des images anciennes de paysages gravées sur des panneaux d’aluminium, François Simard est intervenu en peinture avec des taches colorées. Devant la nature vierge, l’architecte (ou le peintre) a deux possibilités : s’adapter aux formes déjà présentes ou s’imposer radicalement, résume Péio Eliceiry.

Les deux œuvres de François Simard

Brutalisme parallèle, présenté jusqu’au 25 août, montre bien que les deux approches portent leur part de beauté.