Diversification: la recette du succès de Lelièvre, Lelièvre et Lemoignan

Raphaëlle Cyr-Lelièvre, directrice, Roch Lelièvre, président-directeur général et Marc-Antoine Cyr-Lelièvre.

Le prix élevé du homard l’an dernier avait grandement ralenti l’appétit de nombreux consommateurs américains qui, en période de forte inflation de surcroît, avaient renoncé à mettre ce réputé fruit de mer dans leur assiette. Cet effondrement de la demande n’a toutefois pas trop nui aux activités de Lelièvre, Lelièvre et Lemoignan, une entreprise familiale de Sainte-Thérèse-de-Gaspé qui se spécialise dans la transformation du homard et autres produits de la mer. Et ce, parce qu’elle a su au fil des ans diversifier ses marchés géographiques.


«On a pu compter notamment sur l’Espagne où, heureusement, la demande était beaucoup plus forte. Si on avait misé seulement sur le marché américain, on aurait eu de gros problèmes», indique Roch Lelièvre, pdg de cette entreprise de la péninsule gaspésienne, fondée par son père en 1968, qui exporte aujourd’hui ses produits aux États-Unis, aux Caraïbes, en France, en Espagne, en Italie, au Japon, en Chine et en Corée du Sud. Cette stratégie de diversification «nous aide beaucoup lorsqu’il y a un ralentissement de la demande dans certains marchés», se réjouit-il.

La polyvalence au menu

Et qu’en est-il cette année, alors que la saison du homard bat son plein ? «On réussit à vendre tous nos produits de homard et un peu partout», répond sa fille Raphaëlle Cyr-Lelièvre, qui est directrice, en ajoutant que le succès de l’entreprise repose aussi sur sa polyvalence.



L’entreprise offre en effet à ses clients, parmi lesquels des grossistes, des chaînes d’alimentation et des restaurateurs, une variété de homards : entier (vivant ou cuit), chair de homard (fraîche ou congelée), ou encore les queues et les pinces. Et la demande pour ces produits varie selon les marchés.

Les consommateurs américains préfèrent ainsi la chair et les queues, tandis que les Européens en pincent davantage pour le homard vivant et les Asiatiques pour le homard cuit.

«À chaque année, on planifie en fonction de différents scénarios, mais c’est difficile de prévoir quelle sera la demande, d’une année à l’autre.»

—  Raphaëlle Cyr-Lelièvre

La clé, ajoute-t-elle, repose aussi sur la polyvalence de la production en usine. «Rapidement, au début de la saison, on peut déterminer les tendances et ajuster notre production en fonction de la demande pour tels types de produits», souligne-t-elle.

De la morue au homard

Les activités de Lelièvre, Lelièvre et Lemoignan étaient au départ principalement dédiées à la transformation de la morue salée et séchée. Au début des années 1990, craignant pour sa survie après l’annonce d’un premier moratoire sur la pêche à la morue pour préserver les stocks, l’entreprise décide alors de diversifier ses activités en se lançant dans la transformation du hareng et de poissons de fond comme le turbot.



«Il fallait soit se diversifier, soit fermer boutique», se rappelle Roch Lelièvre, en précisant qu’environ 95 % des revenus de l’entreprise provenaient alors de la transformation de la morue. L’entreprise a compensé ce manque à gagner un certain temps en important de la morue de la Russie, de l’Alaska et de la Norvège, mais les coûts élevés d’importation ne rendaient pas cette option viable à long terme.

Avec ses nouveaux produits, notamment les oeufs de hareng, elle a réussi à percer le marché japonais. «On s’est rendu au Japon à trois reprises, dans une même année, pour démontrer notre sérieux», souligne M. Lelièvre. Afin de pouvoir transformer entièrement le hareng, l’entreprise s’est associée avec d’autres transformateurs pour aménager les Fumoirs Gaspé Cured.

De foire en foire

Dix ans plus tard, en 2013, le transformateur gaspésien décidait de se concentrer sur la transformation du homard qui représente aujourd’hui plus de 85 % de ses revenus. Au fil des ans, l’entreprise a fait sa marque à l’étranger en participant notamment à d’importantes foires, comme le Seafood Expo North America à Boston qui est considéré comme le plus important salon de produits de la mer en Amérique du Nord.

Elle travaille aussi avec des représentants dans différents pays qui font du démarchage pour développer de nouveaux marchés. Elle s’assure aussi d’entretenir de bonnes relations avec sa clientèle. «Un client satisfait nous permet d’ouvrir les portes d’autres clients», constate Raphaëlle Cyr-Lelièvre.

L’entreprise, qui emploie 230 personnes, dont quelque 75 travailleurs étrangers temporaires, s’assure aussi d’offrir des produits qui répondent aux normes de qualité et de sécurité. Elle est notamment certifiée par l’Agence canadienne d’inspection des aliments et répond à la norme HACCP utilisée dans l’industrie alimentaire pour identifier les dangers potentiels en matière de sécurité alimentaire.

Enfin, elle souscrit également au concept de pêches durables et s’affaire actuellement à recevoir la certification GFSI (Global Food Safety Initiative) qui lui permettra de développer de nouveaux marchés.



+ 3 questions à Roch Lelièvre

1. Quel est le meilleur conseil que vous avez reçu ou que vous aimeriez avoir reçu?

«Il faut toujours être vigilant et bien informé. Il faut avoir le plus d’informations possible pour réussir à prendre des décisions éclairées.»

2. Qu’est-ce qui vous motive, comme entrepreneur, comme dirigeant?

«Les défis à relever. Chaque jour, chaque semaine, chaque année, amène des changements. Il faut en arriver à planifier le mieux possible et rester ouvert à ces changements, pour mieux naviguer.»

3. Si vous étiez en politique, quel enjeu économique retiendrait votre attention prioritairement - et comment le résoudre?

«La question de la pénurie de main-d’oeuvre, assurément. Il faut favoriser l’emploi des travailleurs étrangers et assouplir les règles pour pouvoir les recruter et les embaucher rapidement. Le tiers des travailleurs chez nous ont 60 ans et plus et on doit pouvoir compter sur des travailleurs étrangers pour combler nos besoins.»

En collaboration avec l’École d’Entrepreneurship de Beauce