Doit-on abolir le poste de caissier?

David Trudeau-Fournier est copropriétaire des comptoirs de restauration rapide Ogari San et Gaijin Ramen.

MILIEU DE TRAVAIL – Les caisses en libre-service et bornes interactives sont omniprésentes dans le commerce de détail et en restauration rapide. Doit-on abolir le poste de caissier? Un restaurateur de Québec l’a fait.


Depuis quelques mois, l’utilisation de la borne interactive est la seule option offerte à la clientèle des comptoirs Ogari San et Gaijin Ramen situés dans la pyramide de Sainte-Foy. Aucun employé ne prend les commandes et aucun caissier n’effectue les transactions.

Selon le restaurateur, cette façon de faire comporte de nombreux avantages.



Le premier est de valoriser les employés et d’améliorer l’expérience de travail en favorisant les tâches qui leur plaisent. « Avec la pénurie de main-d’œuvre, il devenait difficile, voire impossible de trouver des caissiers. On préfère mettre nos employés à des postes de production », dit le copropriétaire des deux comptoirs, David Trudeau-Fournier.

Selon lui, l’expérience client en est également bonifiée puisque les clients peuvent personnaliser les plats commandés.

« Avec la borne, c’est plus facile de choisir les ingrédients de son chirashi ou son ramen », ajoute-t-il.

Pendant ce temps, l’employé s’occupe à préparer les commandes, gagnant ainsi du temps. « On est en restauration rapide, avec des aliments frais. Le temps de préparation, c’est une donnée importante du service à la clientèle », estime le restaurateur. Ce qui n’empêche pas ses employés de répondre aux clients. « Il y a toujours des interactions, mais elles sont de meilleure qualité », soutient-il.



Pendant qu'un client commande sur la borne interactive, l'employé prépare la commande précédente.

Un emploi peu attrayant

C’est à la demande de ses employés que le restaurateur a complètement supprimé le poste de caissier. « On a réalisé que le service à la caisse était un irritant pour plusieurs personnes en raison du caractère répétitif des tâches. » Même en haussant le salaire, le poste ne semblait pas plus attrayant.

Avec son associée Alexandra Joly, David Trudeau-Fournier a donc préféré prioriser d’autres postes de travail liés à la production pour leur vingtaine d’employés. « On préfère qu’ils prennent plus de temps à préparer les commandes et à répondre à des réelles préoccupations des clients. »

En contrepartie, l’utilisation de la borne doit aussi satisfaire la clientèle. Il a donc opté pour une plateforme intuitive qui a fait ses preuves. « Contrairement aux grandes chaînes qui développent leur plateforme à l’interne, on n’a pas beaucoup de choix. On sait que ces technologies évoluent vite. »

Face à la réponse positive de la clientèle, les propriétaires songent à implanter ce système dans l’autre succursale, sur la rue Saint-Joseph. À la différence que le poste de caissier sera maintenu.

Une tendance en progression

Ce n’est pas d’hier que les bornes interactives de commande et les caisses en libre-service remplacent les caissiers. Que ce soit au supermarché, à la pharmacie, au dépanneur ou à la quincaillerie, elles sont de plus en plus présentes dans le commerce au détail.

Or, la plupart du temps, elles demeurent un choix alternatif. Une caisse régulière est habituellement disponible.



« On voit que des clients ont encore des réticences face au libre-service. Ça dépend aussi du type de commerce et de l’importance qu’il accorde aux interactions humaines », indique l’experte en RH et en recrutement, Annie Boilard.

Dans le rapport du Forum économique mondial, publié en mai 2023, le poste de caissier fait partie des métiers en voie de disparition d’ici 2027 puisqu’il se heurte à l’intelligence artificielle.

« C’est plutôt un métier en voie de transformation », juge Mme Boilard.

« C’est la combinaison de la technologie et de l’humain qui remplace l’humain. »

—  Annie Boilard, présidente de Réseau Annie RH

Sans oublier que les technologies utilisées changent d’une enseigne à l’autre et dans le temps. « Il y a quand même de moins en moins d’irritants et d’obstacles qu’avant la pandémie. Ça s’améliore », remarque l’experte en RH.

L’un de ces modèles est l’intégration de puces dans les articles. Le géant français Décathlon utilise cette technologie depuis 2014. Couche-Tard est aussi à déployer sa technologie de caisses intelligentes sans contact dans ses dépanneurs.

« On s’en va vers ce type de technologies plus pointues. Le client ne veut plus faire le travail du caissier et scanner lui-même tous les articles », avance Mme Boilard.


La rubrique Milieu de travail a été créée pour aborder les thèmes des relations entre employeurs et employés, pour dévoiler des initiatives originales afin de contrer la pénurie de main-d’œuvre, pour parler d’un univers en constant changement, en particulier par les temps qui courent… Vous avez des idées? Écrivez-nous à affaires@lesoleil.com.