La dame, qui ne peut être identifiée, dit souffrir de maux de tête et de fatigue extrême depuis qu’elle a reçu le vaccin Moderna, le 29 juin 2021, rapporte la Division des affaires sociales du TAQ dans une décision rendue il y a quelques jours.
Les céphalées, précise le Tribunal, sont apparues le jour même de la vaccination contre la COVID-19.
«Ses maux de tête étaient présents à tous les jours sans répit. Ils étaient tellement importants qu’elle se demandait au coucher si elle se réveillerait le lendemain matin. Elle n’était plus capable de penser et de composer un paragraphe. Elle était envahie par une anxiété panique. Une fatigue extrême s’est également installée dès le début», détaillent les juges administratifs Christine Côté et Jacques Labrèche.
La requérante a dû cesser de travailler, mais elle a été forcée d’y retourner après six mois pour des motifs financiers, a-t-elle expliqué au Tribunal.
«Elle a été congédiée pour la première fois de sa vie, son patron invoquant qu’elle avait toujours l’air fatiguée et affectée par ses maux de tête. Elle a repris un nouveau travail par la suite», relate le TAQ.
La fatigue est telle que lors de ses journées de congé, la dame «ne peut rien faire».
Elle a peine à bouger, à faire ses tâches ménagères et les repas. Elle est convaincue qu’elle va mourir si la situation perdure.
— Le Tribunal administratif du Québec dans sa décision rendue le 12 mai dernier
Selon ce qu’elle a mentionné au Tribunal, un médecin de Québec lui aurait confirmé que ses maux de tête et sa fatigue étaient dus au vaccin.
Sa demande d’indemnisation a toutefois été jugée irrecevable par le ministère de la Santé le 19 mai 2022 pour le motif qu’elle ne satisfaisait pas au critère de préjudice corporel permanent prévu à la Loi sur la santé publique.
La dame s’est donc adressée au TAQ pour faire renverser cette décision.
«Une erreur d’interprétation»
Devant le TAQ, le ministère de la Santé a convenu que le dossier devait lui être retourné afin qu’un comité d’évaluation médicale soit formé pour examiner la demande, comme le prévoient la Loi sur la santé publique et son règlement d’application.
Il semble que la décision rendue le 19 mai 2022 résulterait d’une «interprétation erronée de la loi habilitante et des pouvoirs décisionnels qui incombent au ministre», a expliqué l’avocate du ministère.
Selon le TAQ, le ministère ne pouvait pas rendre une décision d’irrecevabilité sans avoir préalablement soumis la demande à un comité d’évaluation médicale.
La Loi, rappelle-t-il, prévoit qu’une personne vaccinée est indemnisée «en présence d’un préjudice physique ou mental, permanent et grave et d’un lien de causalité probable entre la vaccination et ce préjudice».
Indispensable preuve médicale
En rendant une décision d’irrecevabilité, «sans même obtenir les dossiers médicaux» de la requérante, le ministère a privé celle-ci d’un examen complet de sa demande d’indemnisation par le comité à la lumière de l’ensemble de la documentation médicale disponible, écrit le TAQ.
Le Tribunal souligne au passage l’importance de la preuve médicale lorsqu’une personne doit établir un préjudice permanent grave et son lien de causalité avec la vaccination dans le cadre d’une demande d’indemnisation.
«En l’espèce, force est de constater que le volet médical du dossier de la requérante est actuellement incomplet. Il lui appartiendra de s’assurer que la preuve médicale au soutien de ses prétentions soit déposée auprès de l’intimé», prévient le TAQ.
Si le ministère de la Santé donne raison à la requérante sur le fond de sa demande d’indemnité à la suite des recommandations du comité d’évaluation médicale, le calcul de l’indemnité devra se faire selon les règles prévues à la Loi sur l’assurance-automobile, avec les adaptations nécessaires.
Puisqu’elle estime ne plus être en mesure d’occuper un emploi et qu’elle ne peut accomplir ses tâches quotidiennes, la requérante réclame 1000 $ par semaine, rétroactivement au 29 juin 2021, ainsi qu’une somme de 100 000 $.
Plus de déclarations d’effets secondaires
Selon un rapport de l’Institut national de santé publique du Québec publié en mars dernier, les vaccins contre la COVID-19 ont entraîné de deux à trois fois plus de déclarations d’effets secondaires que les autres vaccins administrés au Québec.
Les taux de déclaration de manifestations cliniques indésirables (MCI) ont ainsi été de 66,9 cas par 100 000 doses, contre une moyenne de 31,9 cas pour les autres vaccins administrés entre 2015 et 2019.
La grande majorité des quelque 12 400 MCI rapportées entre décembre 2020 et mai 2022 ont été d’intensité légère à modérée, les MCI graves représentant environ 8 % des déclarations soumises.
C’est le vaccin d’AstraZeneca qui a causé le plus de cas de MCI, avec 204 par 100 000 doses. Pour les vaccins à ARNm, le taux de déclaration de MCI a été plus élevé avec le vaccin Moderna qu’avec celui de Pfizer après la première dose.
Le programme d’indemnisation en chiffres
Depuis 1988 et jusqu’au 31 mars 2022, 410 demandes ont été soumises au Programme d’indemnisation des victimes d’une vaccination, qui englobe tous les vaccins prévus au Programme québécois d’immunisation. De ce nombre, seulement 56 ont été acceptées, pour un total de 7,9 millions $ d’indemnités versées.
Les demandes d’indemnisation sont plus nombreuses à la suite de campagnes de vaccination massives comme celles contre la grippe H1N1 en 2009-2010 et la COVID-19 plus récemment, observe-t-on sur le site internet du ministère de la Santé.
Ainsi, en 2021 et en 2022, ce sont respectivement 95 et 30 demandes d’indemnisation qui ont été acheminées au Programme. Seulement trois personnes ont été indemnisées ces années-là.