Dans une rencontre inhabituelle d’une durée de deux heures qui avait lieu dans les bureaux du gouvernement à Ottawa, la ministre des Finances Chrystia Freeland et le ministre de l’Industrie François-Philippe Champagne ont voulu convaincre les dirigeants des épiciers Loblaws, Sobeys (IGA), Metro, Costco et Walmart de faire leur part pour soulager les consommateurs.
«[C’était] des discussions difficiles, mais des discussions qui avaient besoin d’avoir lieu parce qu’on sait que les Canadiens à travers le pays font face à des prix de la nourriture qui grimpent et on sait que ça touche toutes les familles», a déclaré le ministre Champagne en point de presse.
Ce dernier a parlé d’une rencontre au «ton constructif» et s’est réjoui que les dirigeants se soient engagés à appuyer le gouvernement fédéral dans ses efforts pour stabiliser les prix au Canada.
Le fédéral s’attend à un plan détaillé d’ici l’Action de grâce, mais le ministre Champagne n’a pas été en mesure de dire quand les Canadiens observeront des changements sur leur facture. Le ministre doit aussi s’entretenir avec des géants du secteur manufacturier à ce sujet.
Un «objectif commun»
Qui plus est, M. Champagne soutient que la «nature compétitive» de la situation actuelle fait en sorte que chaque géant devra prendre ses décisions.
«Ce qu’on leur a demandé, c’est de s’entendre sur un objectif commun. L’objectif commun, c’est de travailler avec le gouvernement pour stabiliser les prix au Canada. Maintenant, la façon dans lesquelles Metro va faire ça ou Loblaws va faire ça ou Sobeys, évidemment ça, ça va être développé individuellement parce qu’il faut maintenir la compétition», a-t-il dit.
Quelques minutes plus tard, durant la période des questions, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré que «si les PDG des grandes épiceries ne rendent pas le panier plus abordable, nous le rendrons».
C’est qu’Ottawa jongle avec l’idée d’imposer de nouvelles mesures fiscales aux grands joueurs de l’industrie pour stabiliser les prix de produits d’épicerie s’ils ne prennent pas eux-mêmes le taureau par les cornes.
«Les Canadiens ont besoin de pouvoir acheter leurs épiceries sans s’endetter pendant que les grandes compagnies font des profits records», a dit M. Trudeau.
À la sortie de cette rencontre privée, le PDG d’Empire Co, qui regroupe les bannières Sobeys et IGA notamment, a reconnu que l’objectif d’Ottawa était louable.
«Nous devons stabiliser les prix», s’est limité à dire Michael Medline alors que les patrons de Loblaw’s, Costco et Walmart se sont abstenus de rencontrer les médias présents.
Mais le PDG du Groupe Metro, Éric La Flèche, a réitéré ce que les géants disent depuis des mois: leurs marges de profits n’ont pas augmenté.
« Les prix montent pour les fournisseurs, les fermiers, tout le monde. Tout le monde subit l’inflation. Nous, on est au bout de la chaîne, et c’est pour ça qu’il y a des prix de détail qui ont augmenté», a-t-il dit.
Depuis près de deux ans, le prix des aliments est en croissance et malgré une inflation de moins en moins galopante au pays, la facture du panier d’épicerie, elle, était toujours en hausse de 8,5% en juillet par rapport à l’année dernière.
Cette rencontre annoncée la semaine dernière par le fédéral n’a pas semblé impressionner la présidente-directrice générale du Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ), Sylvie Cloutier, qui a jugé dans les derniers jours qu’elle était nettement insuffisante pour corriger la situation.
«L’industrie alimentaire, c’est beaucoup plus que les supermarchés. Le milieu agricole et le secteur de la transformation alimentaire ont des défis qui leur sont propres, comme l’augmentation importante des coûts de main-d’œuvre en période de pénurie, et doivent absolument faire partie de la discussion», a-t-elle déclaré par communiqué.
Le NPD attaque les libéraux
À Ottawa, le Parti conservateur a martelé que le gouvernement Trudeau devait éliminer la taxe sur le carbone pour aider l’industrie à baisser ses prix.
Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD) Jagmeet Singh a pour sa part déposé un projet de loi d’initiative parlementaire visant à augmenter les peines pour les fixations de prix et aider les petites épiceries en les protégeant «contre les tactiques anticoncurrentielles des grandes chaînes».
Le NPD veut également donner des pouvoirs additionnels au Bureau de la concurrence pour qu’il sévisse contre les prix abusifs et mettre fin aux fusions qui diminuent la concurrence.
«Je n’ai pas confiance que les libéraux vont légiférer alors nous allons le faire», a dit M. Singh. Les libéraux n’ont pas encore annoncé leur intention par rapport à ce projet de loi.
«Dans le meilleur des scénarios, les libéraux leur demandent de stabiliser leurs prix. Stabiliser des prix records, ce n’est pas une action ça! C’est moins que rien!»
— Jagmeet Singh, chef du Nouveau Parti démocratique
Questionné en mêlée de presse au sujet de ce projet de loi, le ministre Champagne a semblé balayer du revers de la main -«avec respect»- l’initiative du chef néo-démocrate. M. Champagne n’avait pas encore pris connaissance de ce projet de loi.
N’empêche, les libéraux n’écartent pas l’idée de légiférer dans ce dossier. Le ministre a d’ailleurs été clair que «tout est sur la table».