Exproprier coûterait des milliers de dollars en moins, prévoit Québec

La ministre des Transports et de la Mobilité durable du Québec, Geneviève Guilbault, lors d'une conférence de presse tenue en avril à l'Assemblée nationale.

Les coûts d’expropriation pourraient baisser substantiellement au Québec, selon ce qui est prévu dans la réforme de la Loi sur l’expropriation, déposée jeudi à l’Assemblée nationale.


La ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, a donné à cette occasion quelques exemples de cas types afin d’illustrer l’impact concret de son projet de loi. Dans le nouveau régime, l’expropriation d’une maison unifamiliale coûterait par exemple 7,4 % de moins à une ville ou au gouvernement.

Dans le cas d’un immeuble commercial comme une station-service, la différence monte à 26 % et atteint même 42,4 % en moins pour une propriété comme un terrain de golf, selon les calculs de son ministère. « Chaque cas [d’expropriation] est unique », a toutefois ajouté Mme Guilbault en présentant ces scénarios, qui demeurent fictifs.

Les terrains de golfs, actifs ou non, sont souvent ciblés comme de potentiels espaces à développés au Québec.

Dans les variables qui viennent changer la donne, Mme Guilbault identifie notamment l’établissement de la valeur marchande comme base de calcul dans un dossier d’expropriation. Auparavant, le potentiel de développement d’un terrain pouvait être pris en compte dans l’indemnisation, et ce, sans limite dans le temps. Elle serait maintenant ramenée à trois ans.

Cette valeur est aussi fixée dans le temps au moment de la délivrance de l’avis d’intention d’exproprier et non au moment du transfert. Compte tenu des longs délais de ces démarches, parfois en années, ce changement vient empêcher une hausse de la valeur au fur et à mesure que le dossier s’allonge en plus de limiter la spéculation.

« C’est une notion qui tombe sous le sens », a commenté en point de presse jeudi Geneviève Guilbault en parlant du concept de valeur marchande. Elle a plusieurs fois parlé d’un «équilibre » à maintenir entre l’expropriant et l’exproprié. L’objectif de cette procédure devrait être qu’on ne peut « jamais enrichir ou appauvrir une personne qui se fait exproprier ».

Municipalités comblées

Cette réforme est un « engagement » pris l’an dernier par le premier ministre François Legault auprès du monde municipal lors des assisses de l’Union des municipalités du Québec, a-t-elle rappelé.

Le monde municipal a effectivement accueilli à bras ouvert le dépôt du projet de loi, l’Union des municipalités du Québec (UMQ) et la Fédération québécoise des municipalités (FQM) ayant toutes deux salué la démarche.

Le président de l’UMQ Martin Damphousse a même parlé d’un « point tournant majeur en aménagement du territoire » et d’un outil qui viendra aider les villes à réaliser leurs projets « notamment en matière de mobilité, d’habitation et de protection des milieux naturels ».

Le président de l’Union des municipalités du Québec et maire de Varennes, Martin Damphousse.

Lui et le président de la FQM, Jacques Demers, ont souligné qu’il s’agissait d’une refonte attendue et réclamée depuis des années par le milieu, ce dernier soulignant aussi qu’elle aura un « impact autant dans les grandes villes comme dans les plus petites municipalités », même si les premières y ont recours plus souvent.

À l’inverse, des intervenants comme l’Institut économique de Montréal a plutôt dénoncé « un grand recul pour le droit de propriété au Québec » et a exprimé sa crainte que la réforme ne « nuise à l’environnement d’affaires au Québec ».

Le groupe de réflexion de droite affirme que « chaque dollar que les villes et autres organismes gouvernementaux épargne sera soutiré à ceux et celles qu’ils ciblent de façon arbitraire », en parlant des propriétaires.

Prévisibilité

Le projet de loi actuellement sur la table prévoit aussi des dispositions visant à réduire les délais d’expropriation. Ultimement, il devrait être plus facile pour Québec ou les villes de planifier les coûts, mais aussi les délais associés à une expropriation.

En plus des villes et du ministère des Transports et de la Mobilité durable, plusieurs autres ministères et organismes peuvent également recourir à la Loi sur l’expropriation, notamment la Société québécoise des infrastructures, la Société d’habitation du Québec ou Hydro-Québec.

Autour d’un millier de dossiers liés à l’expropriation sont traités en moyenne au Québec chaque année. L’adoption de ce projet de loi est prévue à l’automne.

Avec Olivier Bossé