Rien ne va plus à l’urgence de l’hôpital Brome-Missisquoi-Perkins (BMP). La population de la région n’a pas les soins dans les délais raisonnables auxquels elle est en droit de s’attendre, déplore le Dr Jean-Philippe Garant.
«Ce n’est pas un milieu sécuritaire. C’est un milieu de travail toxique, surtout pour le personnel infirmier, a fait valoir l’urgentologue. Un patient pourrait mourir dans une salle et on s’en rendrait compte une heure plus tard.»
Le Dr Garant qualifie la situation à l’urgence de BMP de «triste et déplorable». «Pour une région touristique en plein essor économique, les gens qui ont besoin de soins de santé, ça fait pitié.»
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Un avis partagé par une infirmière de l’établissement, préférant taire son identité pour éviter des représailles de l’employeur.
« C’est de berner la population de leur dire qu’ils ont accès à tous les soins de santé à BMP. C’est utopique. On n’a pas le personnel pour donner les soins dans des délais acceptables. Si ma mère était hospitalisée à l’urgence, je ne suis vraiment pas certaine que tout aurait été fait pour elle dans un milieu sécuritaire», a-t-elle dit, mentionnant à titre d’exemple que seulement deux infirmières travaillent sur le quart de nuit, alors que le nombre minimal requis est de sept.
L’urgence de BMP est sur le «respirateur artificiel», illustre une collègue infirmière.
«Ça fait des années qu’on porte l’urgence à bout de bras, sans avoir le personnel requis. Les dirigeants du CIUSSS font de belles sorties publiques pour faire croire à la population et au ministère de la Santé qu’ils ont le contrôle de la situation. Mais, il n’y a rien de plus faux. C’est de l’improvisation. On joue avec la vie des patients, qui est clairement menacée.»
«C’est comme si le CIUSSS ne tient pas compte de notre réalité, a confié en entrevue une autre infirmière. Même si on lance des cris d’alarme, rien ne bouge. On a beau gratter des fonds de tiroirs, il y a des limites. La situation est lourde. C’est très dangereux. On ne se demande plus si on va perdre des patients, c’est certain que ça va arriver. Le CIUSSS doit arrêter de jouer à l’autruche et le ministre de la Santé doit agir.»
Le «jour de la marmotte»
La présidente intérimaire du Syndicat des professionnelles en soins des Cantons-de-l’Est (FIQ-SPSCE), Stéphanie Goulet, déplore l’immobilisme du CIUSSS, notamment en ce qui concerne la situation à l’urgence de BMP.
«C’est pathétique. Ça fait deux ans qu’on a un comité de travail et qu’on alerte l’employeur parce qu’il manque énormément de personnel, principalement sur les quarts de soir et de nuit. Mais, c’est le jour de la marmotte.»
Selon la représentante de la FIQ, «à peu près n’importe qui» est envoyé à l’urgence de BMP pour combler les besoins.
«On prend des gens sans expérience et on les garroche là. On ne peut plus tolérer ça. Même des infirmières d’expérience qui sont venues aider à BMP nous disent que ça n’a pas d’allure.»
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La FIQ en Estrie aurait interpellé directement le président-directeur général du CIUSSS, Stéphane Tremblay, à propos du dossier, a spécifié la présidente par intérim.
«La situation est dangereuse pour les patients et nos membres. Les infirmières font le travail de deux à trois personnes. Elles sont épuisées, a-t-elle souligné. Il faut arrêter de se mettre la tête dans le sable. L’employeur doit faire quelque chose. On ne peut pas continuer de regarder ça aller en espérant passer l’été comme ça. »
Travailler constamment sur la corde raide met une telle pression sur les équipes que les départs se multiplient.
« Travailler en manque de personnel avec des taux d’occupation à l’urgence de 130%, et même plus, ça use, a dit Mme Goulet. Tout le monde est à bout. C’est un climat de travail malsain qui s’installe. Les gens en ont assez et ils s’en vont. On est dans un cercle vicieux.»
Coupures
Malgré les nombreuses «stratégies» du CIUSSS, la situation est «précaire» à l’urgence de BMP concernant la main-d’oeuvre infirmière, a concédé en entrevue la directrice générale adjointe pour le programme santé physique générale et spécialisée, Annie Boisvert.
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On veut donc adopter une nouvelle approche pour diminuer la pression sur les équipes du centre hospitalier en situation critique.
«Au cours des prochaines heures», le CIUSSS prévoit que toutes les personnes qui seront évaluées par l’infirmière au triage avec un problème de santé jugé mineur ou non urgent (P4-P5) ne seront pas vues par le médecin. Ces personnes seront redirigées vers d’autres ressources, a mentionné Mme Boisvert.
Le nombre de civières disponibles à l’urgence sera également restreint de moitié, passant de 16 à 8. En cas de débordement, les patients pourraient être envoyés dans d’autres centres hospitaliers en Estrie. De plus, le nombre d’infirmières «requis» de nuit sera désormais de cinq au lieu de sept.
Ces mesures drastiques seront en vigueur jusqu’à lundi prochain. La situation sera réévaluée à ce moment, a dit la représentante du CIUSSS, mettant en relief que «les trois prochaines semaines seront particulièrement difficiles.»
Et qu’adviendra-t-il si le nombre d’infirmières minimal n’est pas atteint? «On veut éviter au maximum le recours au TSO (heures supplémentaires obligatoires), a dit Annie Boisvert. On ne veut pas épuiser nos ressources et les perdre. Ce sera une solution de dernier recours, d’exception.»