Le 13 octobre 2021, Clara a neuf ans. Après une activité organisée par des intervenantes pour prévenir les abus sexuels, elle écrit une lettre décrivant le comportement de son beau-père.
Le même jour, elle et ses deux demi-sœurs sont rencontrées par les policiers, après un signalement fait à la Direction de protection de la jeunesse (DPJ).
Les trois sœurs, chacune leur tour, livrent ensuite des témoignages déchirants et bouleversants aux autorités. Elles racontent plusieurs épisodes d’abus sexuels survenus au cours des dernières années.
Le père est arrêté le lendemain par la Sûreté du Québec.
S’il a d’abord nié les faits, il a plaidé coupable aux 11 chefs d’accusation de nature sexuelle qui pesaient contre lui, jeudi, au palais de justice de Montmagny. L’homme de 33 ans est accusé d’agressions sexuelles sur trois mineures, incitation à des contacts sexuels et inceste.
Il a avoué avoir violé sa belle-fille et ses deux filles, âgées de 9 et 11 ans.
Son identité est frappée d’une ordonnance de non-publication afin de protéger les trois victimes. Les noms utilisés dans cet article sont fictifs, et le texte pourrait contenir des propos choquants pour certains lecteurs.
Jeudi, après avoir lu le résumé conjoint des faits reprochés, le procureur de la Couronne Me Jérémy Lamonde a commencé la présentation des vidéos des interrogatoires, qu’il déposera en preuves. La première victime, que nous appellerons Clara, a donc été entendue. Les deux prochaines vidéos seront présentées au tribunal lundi.
Choses « violentes »
En octobre 2021, les trois jeunes filles parlent avec les policiers pendant plus d’une heure. Elles disent être ici pour raconter des « choses violentes » qu’elles ont subies aux mains de leur père ou beau-père.
Clara a subi des abus sexuels de l’accusé entre l’âge de 7 et 9 ans. Elle décrit bien les événements, mais ne peut pas les compter. Elle raconte les choses « qui ont fait le plus mal » dans son interrogatoire.
Le beau-père a fait plusieurs cunnilingus à sa belle-fille, en plus de l’agresser sexuellement par pénétration anale. À plusieurs reprises, l’accusé a inséré son pénis dans sa bouche pour une fellation. Clara indique que ça lui donnait mal à la bouche parce que son beau-père a un piercing « prince Albert » [un piercing intime qui est inséré dans l’urètre et ressort au niveau du frein].
Clara raconte également des épisodes d’abus lorsqu’une ou ses deux demi-sœurs étaient présentes. Les trois victimes parlent d’ailleurs d’un même événement dans la salle de bain, où elles ont à tour de rôle fait une fellation à l’homme de 33 ans à sa demande.
Clara est la fille de la conjointe de son beau-père, au moment de son arrestation.
Pendant l’interrogatoire visionné en salle de cour, la jeune fille de 9 ans se rappelle des propos de son beau-père :« quand tu seras plus grande, j’ai hâte de te le rentrer dans la noune ». Elle explique que son « trou est pas assez grand de toute façon ».
« Je lui ai dit plein de fois qu’il pouvait aller en prison pour ça », dit-elle aussi aux policiers.
Inceste
Sophie* et Mathilde* sont les filles de l’accusé, âgées de 11 et 9 ans en 2021. L’une était sous la garde de son père alors que l’autre le visitait une semaine sur deux.
Sophie a vécu des sévices sexuels sur une période de cinq ans. « La nature des gestes comportait notamment des cunnilingus, des fellations, des lèchements au niveau des fesses et une pénétration anale », énumère Me Lamonde dans le résumé des faits lu jeudi. Les événements se sont déroulés dans des résidences de Beaumont, Saint-Charles-de-Bellechasse, Saint-Anselme et en vacances à Percé.
« Elle relate plusieurs événements où elle est dans sa chambre et que l’accusé se présente afin de se faire sucer le pénis. À ses occasions, [Sophie] fermait les yeux et attendait que l’accusé se retire », explique Me Lamonde.
Dernière agression
La sœur cadette de Sophie, Mathilde, a vécu les mêmes sévices sexuels sur une période de quatre ans, dès l’âge de 5 ans. Elle indique aux enquêteurs qu’elle avait souvent mal au vagin et aux fesses en raison de la barbe de l’accusé. Sa belle-mère confirmera en interrogatoire que la petite a souvent eu des problèmes d’irritation au niveau vaginal et anal.
Dans son interrogatoire, Mathilde dit que la dernière agression est survenue il y a deux ou trois mois. Elle était attachée au lit au niveau des poignets et des chevilles avec des attaches spécifiquement conçues pour les activités sexuelles.
L’épisode s’est déroulé alors que tout le reste de la famille est à l’épicerie. L’accusé a inséré son doigt dans le vagin de Mathilde et elle a crié pour qu’il arrête.
Ces mêmes attaches décrites par la victime sont retrouvées chez l’accusé au moment de la perquisition à son domicile.
La conjointe du père incestueux et son ancienne conjointe, la mère de Mathilde et Sophie, ont été rencontrées par les enquêteurs les heures suivant l’arrestation.
L’ex-conjointe a raconté avoir déjà confronté l’accusé parce que sa fille lui avait dit « papa a mis du lait dans mon dos ». L’homme avait répondu qu’il s’agissait d’une éjaculation nocturne accidentelle.
Au moment de son arrestation, l’homme de 33 ans dit être « découragé ben raide » par les accusations déposées contre lui. Il insiste en disant ne pas être un pédophile.
Le procureur de la Couronne prévoit demander un rapport sexologique sur l’accusé pour déterminer la peine à lui infliger. Quiconque commet un crime d’inceste est passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans, la peine minimale est de cinq ans si l’acte criminel est commis sur une personne de moins de seize ans.
* Noms fictifs