Martin Lévesque, délirant ou meurtrier?

Martin Lévesque subit son procès pour le meurtre au deuxième degrés de Patricia Sirois.

Le futur de Martin Lévesque est maintenant entre les mains du jury, composé de sept femmes et sept hommes. Ces personnes devront déterminer si l’ex-militaire est coupable du meurtre au deuxième degré de sa voisine, Patricia Sirois.


La responsabilité criminelle de l’homme de 50 ans est au cœur du débat. Mardi et mercredi, les deux avocats se sont adressés une dernière fois au jury, après un long procès de quatre semaines.

Dès lundi, après avoir écouté les consignes du juge François Huot, le jury sera isolé afin de s’entendre sur le verdict. La décision doit être unanime, fondée sur la preuve, les témoignages et les faits exposés pendant le procès.



Lorsqu’une décision sera prise, le juge Huot en sera informé pour l’ultime étape de ce procès.

La poursuite est d’avis que Martin Lévesque était en mesure de différencier le bien du mal au moment de tirer six projectiles sur la mère de famille de 35 ans. Malgré un trouble du stress post-traumatique «évident», développé en raison de ses missions militaires, l’accusé était conscient lorsqu’il a posé de tels gestes, insiste Me Matthieu Rochette.

La défense croit plutôt que Martin Lévesque était atteint d’un trouble délirant au moment de commettre l’irréparable. Cette condition a entraîné une perte de connexion avec la réalité. Au moment de tirer, les réflexes militaires ont pris le contrôle de l’accusé, soutient Me Pierre Gagnon.

Montagne d’arguments

La poursuite rejette la présence d’un trouble délirant en raison du comportement de Lévesque après le meurtre et de sa consommation d’alcool, notamment. Me Rochette a fait allusion au «gros bon sens» des jurés à de multiples reprises.



Après la mort de Patricia Sirois, l’ex-militaire s’est rendu à la police en disant : «tire-moi». Après son arrestation, il a aussi demandé pardon à Dieu.

«Ce n’est pas plutôt le comportement de quelqu’un qui est fautif et qui abdique?» se demande Me Rochette.

La poursuite est d’avis que ces propos prouvent que Martin Lévesque savait ce qu’il venait de faire et en connaissait les conséquences. «Demander de se faire tirer, il faisait ça en Afghanistan? Demander pardon à Dieu après avoir éliminé des ennemis, il faisait ça en Afghanistan?» ajoute le procureur de la Couronne.

La poursuite ne croit pas l’idée de la défense, qui indique que «le militaire» avait tiré, et non Martin Lévesque lui-même.

Le quinquagénaire dit aussi ne garder aucun souvenir des événements du 10 septembre 2021. Me Rochette et le psychiatre de la poursuite croient qu’il est «sélectif» dans ses souvenirs.

«Dans son interrogatoire policier, il a dit : ‘‘J’aime mieux pas en parler’' ou ‘‘J’aime mieux garder ça’' […] Qu’est-ce que l’accusé veut garder pour lui? Posez-vous la question», soutient Me Rochette.



Les derniers mots de l’avocat ont été pour Patricia Sirois, la victime. Au moment de passer devant la maison de Martin Lévesque, elle revenait en voiture avec ses deux enfants sur la banquette arrière.

«Elle ne pourra plus les embrasser, leur dire bonne nuit, parce qu’elle a croisé le chemin de Martin Lévesque […] Je vous demande de rendre justice.»

La famille de Patricia Sirois n’a manqué aucun jour d’audience. Ils ont participé à toutes les étapes.

Victime de la guerre

Selon la défense, Martin Lévesque n’aurait jamais tiré sur sa voisine s’il n’était pas en plein délire, il n’avait «aucun mobile». Sa consommation d’alcool n’a pas déclenché ce trouble et ne peut être responsable de son amnésie, martèle Me Pierre Gagnon.

«Il n’avait aucune raison logique pour agir ainsi. Il ne comprend pas pourquoi il a agi ainsi. Il n’a aucun souvenir des événements.»

Me Pierre Gagnon souligne que l’accusé est «une victime de la guerre». Il indique au jury que Patricia Sirois, ses enfants et toute sa famille, sont aussi des victimes collatérales de la guerre.

Les souvenirs et les expériences de Martin Lévesque l’ont rendu «vulnérable à des dérapages incontrôlés». Selon Me Pierre Gagnon, l’ex-militaire était habité d’idées délirantes le 10 septembre 2021, un trouble qu’il a développé en raison de sa santé mentale fragile depuis son retour d’Afghanistan.

«Martin Lévesque a consacré la meilleure partie de sa vie à protéger son pays, notre pays, pour défendre nos valeurs […] Il les a défendues au-delà des frontières, au péril de sa vie et de sa santé mentale», conclut Me Pierre Gagnon, qui demande au jury d’opter pour un verdict «juste», celui de la non-responsabilité criminelle.