Martin Lévesque savait qu’il tirait sur sa voisine pour la tuer, dit la poursuite

Martin Lévesque, accusé du meurtre au deuxième degré de sa voisine. Il plaide être non criminellement responsable.

Loin du délire, l’ex-militaire Martin Lévesque était en mesure de distinguer le bien du mal lorsqu’il a tiré six projectiles sur sa voisine le 10 septembre 2021, affirme la poursuite. «Monsieur Lévesque n’était pas suffisamment perturbé par une psychopathie majeure pour l’empêcher de comprendre la nature des gestes», conclut le Dr Sylvain Faucher.


Le témoignage du docteur Sylvain Faucher s’oppose à celui fourni par la défense. D’emblée, le témoin-expert ne retient pas que l’accusé souffre d’un trouble délirant. «Cette pathologie n’a pas eu d’effet sur son état mental», soutient-il.

Martin Lévesque subit son procès pour le meurtre au deuxième degré de Patricia Sirois. Il plaide être non criminellement responsable en raison de ses troubles mentaux.

La poursuite ne nie pas la présence d’un trouble de stress post-traumatique chez l’accusé ni qu’il soit susceptible de vivre des épisodes dissociatifs. «Il est même évident», note le Dr Faucher.

Selon le psychiatre-légiste, Martin Lévesque n’a toutefois pas été victime de flashbacks ni d’une dissociation au moment de tirer sur Patricia Sirois.

«Les propos qu’on lui attribue pendant la période délictuelle et les observations des témoins qui l’ont côtoyé quelques instants avant la survenue de son geste létal démontrent qu’il percevait bien son environnement à savoir, qu’il se trouvait bien à Saint-Raymond.»

Dr Faucher a rencontré Martin Lévesque au mois d’avril dernier. Selon ses observations, il se plaint majoritairement d’une absence de souvenirs entre la matinée du 10 septembre et son réveil dans la cellule, pendant la nuit.

«Cette amnésie n’est pas suffisante pour conclure qu’il n’a pas pu apprécier la nature et la qualité des comportements qu’il a adoptés. Elle ne l’a privé que de s’en souvenir», maintient le Dr Faucher.

Le psychiatre croit même que cette absence de souvenirs «pourrait possiblement s’expliquer davantage par une utilisation excessive de l’alcool et par une surconsommation possible de Rivotril». Il souligne aussi «l’absence de déclencheur clair pour une dissociation».

Au moment de son arrestation, Martin Lévesque a répété «tirez-moi» aux policiers en plus de réciter la prière Notre-Père en espagnol. Ces deux comportements amènent le Dr Faucher à déterminer que l’ex-militaire était en mesure d’apprécier et de comprendre les gestes qu’il venait de poser.

Le psychiatre-légiste Sylvain Faucher et l'avocat de la Couronne Me Matthieu Rochette

Hypervigilance

Bien que le diagnostic du Dr Faucher est à l’opposé de celui du Dr Gilles Chamberland, entendu lundi, il admet que Martin Lévesque était habitué d’une «certaine hypervigilance». Contrairement à son collègue, le Dr Faucher ne croit pas que cette hypervigilance ait amené l’ex-militaire en plein délire.

Il rejette le trouble délirant pour plusieurs raisons. D’abord, les médecins de Martin Lévesque n’ont jamais envisagé le diagnostic. Le psychiatre maintient aussi que les craintes de Lévesque concernant les méfaits sur son terrain étaient somme toute normales. Guylaine Laflamme, conjointe de Lévesque, partageait les mêmes inquiétudes.

Surtout, Dr Faucher estime que le comportement de l’accusé en détention n’est pas compatible avec un trouble délirant. Il croit aussi que de vraies idées délirantes n’auraient pas disparu sans traitement antipsychotique approprié.

Des idées contraires

La défense estime que la consommation d’alcool et de médicament de Lévesque n’était pas assez importante pour entraîner une perte de mémoire. Le psychiatre Dr Gilles Chamberland croit également que les idées délirantes ont pu s’estomper en prison puisque l’accusé se sentait «en sécurité». Il maintient entre autres qu’elles ne sont pas disparues, simplement mises de côté.

Les deux expertises ont été longuement expliquées au jury, qui devra finalement décider si Martin Lévesque était délirant ou non au moment de tirer sur la mère de famille.

Le contre-interrogatoire du Dr Sylvain Faucher se poursuit vendredi. Les plaidoiries des deux avocats seront entendues la semaine prochaine.