Le visage dans les mains, habillé d’une combinaison blanche, l’ex-militaire a subi un interrogatoire policier de plus de six heures après avoir tiré sur une mère de famille en septembre 2021. L’enregistrement entier est présenté au jury pendant le procès.
« Inaudible », peut-on lire à plusieurs reprises sur la transcription de cet interrogatoire. Martin Lévesque parlait peu, répondait souvent avec des sons ou de simples mots. Il semblait fatigué, calme. Il a été amené en salle avec un policier vers 5 h du matin, alors qu’il avait été arrêté peu après 20 h à Saint-Raymond.
À l’arrivée de l’enquêteur, l’homme de 50 ans était assoupi dans sa cellule. Il venait de tirer six balles sur la femme de 35 ans pendant qu’elle était au volant de sa voiture, avec ses enfants installés à l’arrière.
Tireur et apiculteur
Près de la moitié de l’interrogatoire a été entendu lundi, au palais de justice de Québec. Grâce à cet élément de preuve, le jury a pu en apprendre plus sur l’accusé.
Lors des événements, Martin Lévesque était retraité des Forces canadiennes depuis quatre ans après 23 ans de services. Il habite Saint-Raymond depuis sept ans.
L’ex-militaire est de nature solitaire, avec peu d’amis. Il se décrit comme un bon tireur et un amateur d’apiculture.
Il explique à l’enquêteur Jonathan Haché qu’il commande des pièces pour «monter ses armes». Il a développé cette passion «à force de gosser, c’est ça. À force d’en avoir des armes», confie-t-il.
L’agent Haché lui demande alors combien d’armes il possède. Il ne peut pas répondre, mais indique qu’il aime surtout les AR-15. «J’en ai une couple de même.»
Martin Lévesque était ingénieur de combat pour l’armée. «J’enlevais les bombes sur les routes […] J’aimais ma job», dit-il.
«À la fin, j’étais magané, là, c’était pu l’fun.»
Le quinquagénaire dira ensuite qu’il ne va pas toujours bien. Il répondra par l’affirmative lorsque l’enquêteur Haché lui demande s’il a un diagnostic de syndrome de choc post-traumatique et s’il prend de la médication.
«C’est des up pis des down», souffle l’accusé, tout bas.
En plus de collectionner les armes, qu’il décrit comme «son fun», Martin Lévesque était amateur d’apiculture. Il a expliqué à l’enquêteur avoir une ruche de 30 000 abeilles pour ramasser du miel deux fois par été. Il a aussi des poules sur son terrain, un chien et trois chats.
Quand vient le temps d’aborder le meurtre de Patricia Sirois, Martin Lévesque se ferme. «C’est flou. C’est vraiment flou.»
Angoissé
Martin Lévesque explique ensuite avoir été victime de deux tentatives de vol et d’un incendie criminel sur son terrain. Toutefois, il n’avait rien signalé à la police.
Ces événements l’auraient rendu «sur les nerfs». Il gardait donc ses armes à proximité et avait placardé ses fenêtres par peur de se faire «défoncer».
Le visionnement de l’interrogatoire se poursuit mardi au palais de justice. Lévesque subit son procès devant jury pour meurtre au second degré. Il plaide la non-responsabilité criminelle en raison de ses troubles mentaux.
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Un autre appel 9-1-1 difficile
Priscille Carrier habite sur la rue Marlène, elle est militaire. C’est elle qui a finalement réussi à arrêter le véhicule de Patricia Sirois, le soir du 10 septembre 2021. Elle est venue témoigner, lundi.
Elle organisait une soirée entre amis autour d’un feu le soir du meurtre. Le groupe a bien entendu quelques coups de feu, mais n’a pas trouvé ça inhabituel pour le secteur. «C’est commun au mois de septembre, de la petite chasse. Ce n’est pas quelque chose qui nous a préoccupés», dit-elle.
Quelques minutes après les coups de feu, elle voit un véhicule approcher très lentement. Encore une fois, aucune raison de s’attarder, c’est normal puisqu’elle se trouve dans un quartier résidentiel avec beaucoup d’enfants.
Son chien Lucky jappait au passage du véhicule. Mme Carrier va donc le rejoindre pour le calmer et c’est à ce moment qu’elle entend des cris. «J’ai compris qu’il y avait quelque chose qui ne fonctionnait pas.»
«J’ai vu une femme, je l’entendais en fait, il faisait vraiment noir. La personne avait les bras à l’intérieur du véhicule. Je pensais que c’était une chicane de couple, avec de la boisson au travers», témoigne Mme Carrier, interrogée par le procureur Me Matthieu Rochette.
La femme décide donc de suivre le véhicule et d’interpeller la dame avec les bras dans le véhicule. Il s’agit de Guylaine Laflamme, la femme de Martin Lévesque. «Elle me dit : toi, ferme ta gueule et criss ton camp. Ho! Il y a quelque chose qui ne marchait pas.»
Mme Carrier appelle donc les services d’urgence. Sa conversation avec le répartiteur a été entendue en salle de cour.
Le répartiteur insiste auprès de Mme Carrier : il veut savoir s’il s’agit bien de la dame déjà en ligne avec le 9-1-1 au sujet d’un événement à Saint-Raymond.
La résidente de Saint-Raymond s’avance donc et elle constate que Patricia Sirois est sévèrement blessée. Rapidement, Mme Carrier plonge dans l’auto pour accéder au bras de vitesse. Elle se dirige côté conducteur, débarre les portes et constate que Patricia Sirois est morte.
Toute son attention se dirige ensuite vers les enfants, elle ne remarque plus Guylaine Laflamme.
«J’ai compris qu’il n’y avait plus rien à faire.»
Sur l’enregistrement, on l’entend s’adresser aux enfants d’une voix douce et rassurante. «Tu es correct mon amour, ça va aller OK?»
À la fin de l’enregistrement de l’appel, Mme Carrier a demandé une pause. Les souvenirs étaient douloureux, surtout quand vient le temps de penser aux enfants, témoins du meurtre de leur mère.
À son retour à la barre des témoins, elle explique avoir voulu rassurer les enfants jusqu’à l’arrivée des policiers. «Je me suis assise dans le milieu face à eux. J’ai mis la main sur eux autres. Ils ont arrêté de pleurer tout de suite.»
Priscille Carrier est restée en présence des enfants jusqu’à ce que les policiers procèdent à l’arrestation de Martin Lévesque.
«J’essayais de les réconforter. Je posais des questions banales. C’est quoi vos noms, je parlais des étoiles dans le ciel.»
Elle s’est réfugiée chez une voisine qu’elle ne connaissait pas, dans la résidence la plus proche. Elle pouvait entendre Martin Lévesque et les policiers. «J’ai ressenti du danger. C’était vraiment instinctif.»
En 2022, Priscille Carrier a reçu une médaille pour action méritoire pour son intervention le soir du 10 septembre 2021, remise par la Sûreté du Québec.