Dans les derniers jours, plus de 2000 adresses du quartier Saint-Sauveur, dans la basse-ville de Québec, ont reçu un dépliant les invitant à contester le projet Le Kali, promis sur le site du défunt restaurant à déjeuner Kalimera.
« Est-ce vraiment ce que l’on veut dans notre quartier ? » questionne le document, avant d’étayer les arguments contre le projet. Loyers trop chers, menace au patrimoine et atteinte à la démocratie : le Comité des citoyens et citoyennes du quartier Saint-Sauveur (CCCQSS) tire à boulets rouges sur la proposition immobilière.
En novembre, Le Soleil dévoilait que le groupe Medway prévoyait investir 15 M$ pour transformer le restaurant – et son grand stationnement – en un immeuble résidentiel et commercial. Au fil des mois, le projet s’est précisé.
On souhaite finalement construire 55 logements, en plus d’un espace pour une garderie et de locaux commerciaux à l’angle de la rue de l’Aqueduc et du boulevard Charest.
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Pour ce faire, les promoteurs auraient besoin de quatre dérogations du conseil d’arrondissement, dont une pour la hauteur de l’immeuble, plus haut que permis, et une autre pour son nombre d’unités, de loin supérieur à la limite autorisée.
Le CCCQSS espère réussir à mobiliser la population du quartier pour faire changer d’avis le conseil de quartier, qui a salué le projet, et le conseiller de Saint-Roch-Saint-Sauveur, Pierre-Luc Lachance, qui aura à approuver ou non les dérogations lors d’un conseil d’arrondissement.
S’ils ne réussissent pas à faire bloquer le projet politiquement, les administrateurs du comité citoyen envisagent d’entreprendre les démarches pour forcer l’organisation d’un référendum. Les résidents du quartier pourraient ainsi retourner les promoteurs à la planche à dessin.
« Dynamisation » VS « Embourgeoisement »
Dans les documents déposés à la Ville, les promoteurs du groupe Medway promettent que leur projet « dynamisera sans contredit le quartier » Saint-Sauveur et participerait à atténuer la crise du logement qui sévit.
Pour Guillaume Béliveau Côté, animateur et coordonnateur au CCCQS, c’est tout le contraire qui risque d’arriver avec l’érection du bâtiment proposé.
Tandis que les promoteurs parlent de « dynamisation », le groupe citoyen parle de « gentrification ».
« Dans le contexte de la crise du logement et de l’embourgeoisement de notre quartier, ce n’est certainement pas ce dont le quartier a besoin, assure M. Béliveau Côté. On a pas besoin d’un projet qui va accélérer la hausse des loyers dans le quartier. »
Il cite en exemple le site de l’ancienne église Saint-Joseph, au bas de la Pente-Douce, détruite pour laisser place à un important complexe résidentiel. « En cinq ans, le coût moyen des loyers autours a augmenté de 38% ! » s’alarme-t-il.
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Surtout que les habitants du secteur où on veut développer le Kali, à l’ouest du quartier Saint-Sauveur, sont témoins d’un embourgeoisement rapide, souligne M. Béliveau Côté. Seulement dans la dernière année, trois dérogations majeures ont été accordées pour des projets immobiliers dans le quadrilatère autour du Kalimera.
Pendant ce temps, les projets communautaires tels que celui sur le site du bar Kirouac stagnent, et les terrains disponibles se font de plus en plus rares, insiste le porte-parole du comité.
« Il faut du logement social, et on pense que le terrain du Kalimera pourrait servir à ça. »
— Guillaume Béliveau Côté, animateur et coordonnateur au Comité des citoyens et citoyennes du quartier Saint-Sauveur (CCCQSS)
Même si les promoteurs du Kali promettent des loyers « abordables », les baux les plus bas seraient fixés à un minimum de 1025$ par mois. « 60% des locataires du quartier ne pourraient pas se le payer sans y passer plus que 30% de leur salaire », calcule M. Béliveau Côté.
Il précise aussi qu’il ne faut pas voir dans la construction de nombreux logements une solution à la crise qui frappe le monde locatif. « Ce n’est pas ce qu’on observe. Ça fait une pression à la hausse sur le coût des loyers, et ça force des gens à quitter leur quartier. »
Patrimoine et précédent
Les détracteurs du projet en ont également contre son allure, craignent une rupture avec la trame urbaine de Saint-Sauveur. Les cinq étages de hauteur du Kali jureraient avec la limite historique de quatre étage établie dans le quartier, affirme le CCCSSQ.
On s’inquiète aussi de créer un précédent en autorisant aux promoteurs de dépasser la limite établie lors de consultations publiques. « Comment est-ce qu’on pourrait dire non aux prochains qui le demandent », s’interroge Guillaume Béliveau Côté.
Dans un billet publié en mars dernier, le comité écrivait qu’« accepter qu’un autre projet de ce genre s’érige dans le quartier ouvre la porte, déjà entrouverte, pour que la construction de ce type de bâtiment devienne une habitude, sans que cela fasse l’objet d’une réflexion plus globale ».
La firme d’architecte qui signe la proposition de Medway, elle, promet « une gradation des hauteurs » et un choix de matériaux qui rendra l’intégration du Kali réussie.