Possible interruption complète du service d’autobus à Québec

Le Tribunal administratif du travail (TAT) a tranché : les chauffeurs ne sont pas obligés de maintenir des services essentiels en cas de grève.

Les moyens de pression se font sentir dans les autobus de Québec, à l’aube d’une menace de grève en juillet. Les chauffeurs syndiqués du Réseau de transport de la Capitale (RTC) signent même une victoire devant le tribunal, vendredi.


Le Tribunal administratif du travail (TAT) a tranché : les chauffeurs ne sont pas obligés de maintenir des services essentiels en cas de grève. Selon le juge Pierre-Étienne Morand, l’absence de service d’autobus n’aurait « pas de conséquence de mettre en danger la santé ou la sécurité de la population ».

Cette règle était inchangée depuis 1994.



La ville de Québec pourrait donc se retrouver sans transports en commun pendant plus de deux semaines cet été, si les parties ne s’entendent pas.

Le Syndicat des employés du transport public du Québec métropolitain (SETPQM) a déposé lundi dernier un avis pour exercer son droit de grève du 1er au 16 juillet 2023... pendant le Festival d’été de Québec (FEQ), un des plus gros festival de musique au Québec.

Les négociations sont entamées depuis le début de la semaine entre l’employeur et ses chauffeurs. Un médiateur est assigné au dossier et s’impliquera dès la semaine prochaine.

Dans sa décision de plus de 70 pages, le TAT souligne « que l’augmentation de la circulation » causée par la grève ne causerait pas de danger même si on considère « la dégradation des temps d’intervention des services d’urgence ». Le juge estime également que le nombre d’habitants de la ville ne peut pas être un critère déterminant pour obliger le maintien des services en cas de grève.



Depuis quelques jours, le RTC connait quelques pertes de services. À la place des numéros de parcours à l’avant des bus, on peut lire « Bienvenu à Québec » ou « Go équipe RTC go ». Les écrans interactifs ne sont plus en fonction et il est impossible de suivre en direct les autobus sur l’application mobile Nomade.

Tous ces changements, qui nuisent essentiellement à la clientèle, sont des conséquences directes des négociations entre le syndicat des chauffeurs et son employeur.

Le FEQ inquiet

Ce revirement n’est pas sans inquiéter les organisateurs du Festival d’été de Québec, qui doit se déployer du 6 au 16 juillet.

«Nous avons pris connaissance des derniers développements et suivons le dossier avec préoccupation. Nous espérons évidemment que les partis s’entendront le plus rapidement possible», exprime Samantha McKinley, vice-présidente Communications, Marketing et Affaires publiques dans une déclaration acheminée au Soleil.

Avec des titres spéciaux pendant l’événement, le RTC est un mode de déplacement prisé des festivaliers. L’an dernier, près de 300 000 passages ont été enregistrés dans les différents services pendant les 11 jours de festival.

Mauvaise nouvelle pour le RTC

« Le RTC était historiquement assujetti à l’obligation de maintenir des services essentiels en cas de grève, au même titre que les autres entreprises de transport par autobus desservant les grandes agglomérations urbaines de Montréal, Longueuil et Laval », réagit le RTC par voie de communiqué.



Des changements ont été apportés au Code du travail en 2019 par l’Assemblée nationale. Il appartient désormais au TAT d’émettre une ordonnance pour le maintien des services.

« Le RTC est en désaccord avec cette décision. Aux yeux de la société de transport, il est clair que le transport en commun est un service essentiel au bon fonctionnement de la société et une grève aurait des impacts importants sur la clientèle et perturberait les activités économiques, sociales et événementielles », souligne l’organisation municipale.

Devant cette manche perdue, le RTC évaluera ses prochaines actions avant d’émettre tout autre commentaire. Le jugement du TAT n’a cependant aucun impact le Service de transport adapté de la Capitale (STAC) et sur le service Flexibus.

Jusqu’à vendredi, si les chauffeurs venaient à lancer une grève, un certain niveau de services devait être obligatoire maintenu. Comme ce n’est plus le cas, l’organisation municipale doit revoir sa stratégie.

Droit à la grève

Le syndicat des chauffeurs du RTC se dit quant à lui satisfait de retrouver « son plein droit à la grève ».

« Ça change complètement la donne en termes de rapport de force », lâche la présidente des troupes, Hélène Fortin.

Le milieu syndical est bien entendu ravi de cette décision, qui lance un message plus global pour le droit de grève des travailleurs partout dans la province.

« Les chauffeurs d’autobus de Québec sont assujettis aux services essentiels depuis 1994, c’était le résultat d’une vision mur-à-mur qui visait bien plus à limiter le droit de grève des travailleuses et des travailleurs qu’à garantir la santé et la sécurité de la population», note Simon-Mathieu Malenfant, le vice-président trésorier de la Fédération des employées et employés de services publics (CSN).

Le syndicat des chauffeurs espère toutefois s’entendre avec le RTC d’ici le 30 juin afin d’éviter la grève. La présidente juge que l’affaire est « possible ». « La balle est dans le camp de l’employeur », estime Mme Fortin.