Québec a démoli le 45, Sainte-Geneviève sans permission

Il y a une semaine, dans la nuit de vendredi à samedi, la Ville de Québec dépêchait ses équipes devant l’adresse du 45, avenue Sainte-Geneviève.

La Ville de Québec n’avait pas la permission du ministère de la Culture au moment de démolir le bâtiment patrimonial du 45, avenue Sainte-Geneviève, a appris Le Soleil.


« Le Ministère n’a reçu aucune demande d’autorisation de démolition pour ce bâtiment et n’était pas au courant de son état structurel », confirme dans une déclaration écrite au Soleil le ministère de la Culture.

Il y a un peu plus d’une semaine, dans la soirée de vendredi, la Ville de Québec dépêchait ses équipes devant l’adresse du 45, avenue Sainte-Geneviève. Situé dans le Vieux-Québec depuis 1896, le bâtiment se trouvait dans une zone reconnue parmi le patrimoine mondial par l’UNESCO.



Un ventre-de-boeuf, une sorte de gonflement, était apparu sur la façade. Plaidant l’urgence, la sécurité civile et le service incendie ont pris, sous recommandation d’un ingénieur municipal en structure, la décision concertée de raser le vieil édifice menaçant de s’effondrer. Dix-sept résidents voisins ont dû être évacués.

Pas sans l’autorisation du ministre

Situé dans le Vieux-Québec depuis 1896, le bâtiment se trouvait dans une zone patrimoniale reconnue par le patrimoine mondial de l’UNESCO.

L’état du bâtiment en question n’était pas connu des autorités du ministère de la Culture. Il faut dire que le gouvernement du Québec n’était pas directement impliqué dans sa sauvegarde.

La Loi sur le patrimoine culturel prévoit qu’il revient à la Ville d’exercer les pouvoirs du ministre dans un site patrimonial déclaré et classé sur son propre territoire. Montréal dispose des mêmes droits dans une aire de protection patrimoniale.

Or, ces pouvoirs dont disposent les villes excluent « ceux relatifs à la démolition totale d’un bâtiment, à l’érection d’un nouveau bâtiment principal ou à la démolition partielle d’un bâtiment lorsqu’elle est liée à cette érection et à l’excavation du sol », dit la Loi.



La Ville de Québec n’aurait donc pas agi conformément au processus en vigueur en choisissant de démolir le bâtiment. Le ministère de la Culture souligne que le ministre doit donner son aval.

« Dans le cas spécifique du 45, avenue Sainte-Geneviève, le Ministère n’était pas au courant de cette démolition. Aucune demande d’autorisation de démolition en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel ou de notification de la Ville de Québec concernant son intention d’accorder un permis de démolition ne sont parvenues au Ministère », déclare la Direction des communications.

Elle souligne à grands traits dans sa réponse qu’en vertu de la Loi, « nul ne peut, dans un site patrimonial déclaré ni dans un site patrimonial classé, [...] démolir en tout ou en partie [un] immeuble sans l’autorisation du ministre ».

Pas plus qu’il n’est permis à quiconque de diviser, subdiviser ou morceler un immeuble, modifier l’aménagement ou l’implantation d’un immeuble, faire quelque construction, réparation ou modification relative à l’apparence d’un immeuble, ou ériger une nouvelle construction en l’absence de cette même autorisation, énumère-t-on.

La destruction rapide du 45, avenue Sainte-Geneviève était devenue inévitable, justifiait mardi l’élue municipale responsable du patrimoine, Mélissa Coulombe-Leduc. « Quand il y a une décision comme celle qui a été prise vendredi soir [...], c’est parce qu’on a des raisons de penser qu’il y a des risques très importants que le bâtiment s’affaisse. »

Les équipes gouvernementales auraient pourtant été accessibles, même en cas d’urgence pour soutenir la Ville, selon le Ministère. « Lorsque des situations se présentent impliquant des enjeux de sécurité civile, le Ministère se rend disponible afin d’appuyer les municipalités dans leur prise de décision. »



La Ville de Québec n’a pas voulu expliquer plus en détails sa décision, vendredi. « Compte tenu de la possible judiciarisation du dossier, la Ville ne commentera plus jusqu’à nouvel ordre », fait savoir le porte-parole Jean-Pascal Lavoie.

« Trop tard »

Le ministre québécois de la Culture et de la Communication, Mathieu Lacombe, répond à l'opposition lors de la période des questions, le mercredi 26 avril 2023 à l'Assemblée législative de Québec.

Tel que le révélait au Soleil le ministre de la Culture, Mathieu Lacombe, mardi, son ministère a l’intention de rencontrer l’administration municipale « afin de bien comprendre toutes les circonstances entourant cette démolition ».

« Bien qu’il soit trop tard pour cet immeuble », dit-il, le provincial se dit rassuré que le projet de loi 69, adopté au printemps 2021 et qui prévoit des « crans de sûreté » aux réglementations municipales, permette « de prévenir que de telles situations ne se reproduisent ».

Dans les derniers mois, l’administration Marchand a de son côté resserré ses règles sur l’occupation, l’entretien et la démolition des édifices patrimoniaux sur le territoire de Québec.