Les opposants y voient une « technique malicieuse pour renflouer les coffres des actionnaires du Golf tout en se payant un clubhouse sur le dos d’un promoteur, qui est le groupe Tanguay », résume Jean-François Bégin, résident du secteur.
Depuis les débuts du projet en 2020, plusieurs citoyens se montrent réticents. Un comité citoyen a été mis sur pied pour « faire entendre [leurs] voix et [leurs] préoccupations, et veiller à la diffusion d’informations », est-il écrit dans la description du groupe Facebook du Comité citoyen du Projet golf de Cap-Rouge, comptant près de 600 membres.
Mercredi, trois versions du projet (de 150 unités, 179 unités ou 190 unités) ont été présentées par le groupe immobilier Tanguay lors d’une consultation publique. Quelque 200 citoyens, majoritairement contre le projet, se sont présentés. Ils étaient invités à se prononcer sur le scénario qu’ils préféraient.
Jean-François Bégin y était. « Ça a été une rencontre qui était très unilatérale. On n’avait pas le droit de poser de questions, il n’y avait pas d’échange », raconte-t-il en entrevue avec Le Soleil.
Le résident de Cap-Rouge aurait aimé pouvoir voter contre le projet, mais ce n’était pas une possibilité, déplore-t-il.
« Ça a été reçu avec énormément d’amertume, la façon avec laquelle ça a été présenté. Tout le monde avait l’impression que le projet était déjà canné, que la Ville avait accepté ce projet-là, que le promoteur avait déjà choisi son projet, mais il nous faisait voter sur deux plans inacceptables pour pousser le troisième », avance M. Bégin.
Les principales critiques
Le Soleil a discuté avec plusieurs citoyens préférant garder l’anonymat. Ceux-ci ont partagé leurs inquiétudes par rapport à trois principaux aspects du projet.
La circulation
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/BTNVSFG7NNGQDD53R3UFDB3EWI.jpg)
En 2021, Québec a dévoilé une Analyse d’impact sur la circulation, basée sur certaines données recueillies en 2018. Selon les conclusions de cette étude, le projet n’aurait pas une grande incidence sur le trafic.
Toutefois, Jean-François Bégin remet en question la crédibilité de l’étude. « De 2018 à 2023, il s’est développé beaucoup d’unités de condos dans notre secteur. Les chiffres sur lesquels s’appuie l’étude ne sont clairement pas à jour », dit-il.
« L’étude a été menée en juillet 2018, en plein mois d’été, alors que bon nombre de citoyens sont déjà en vacances, ajoute-t-il. Des heures de pointe en juillet, il n’y en a pas. »
Selon lui, une étude conduite en janvier ou en septembre n’aurait pas donné les mêmes résultats.
Jérôme Jolicoeur, associé et vice-président du groupe immobilier Tanguay, ne pense pas que le projet aura un effet néfaste sur la circulation dans le secteur.
« La Ville de Québec a partagé une étude claire et objective à l’effet que l’impact serait négligeable. On doit se fier à l’expertise des ingénieurs de la Ville de Québec qui ont piloté cette étude »
— Jérôme Jolicoeur
L’harmonie visuelle
Certains citoyens s’inquiètent également pour l’esthétique de leur quartier, composé majoritairement de maisons unifamiliales. « Qu’on le veuille ou non, c’est un quartier résidentiel. Il n’y a pas de tours à condos. D’un côté esthétique, ça gâche le paysage », mentionne Jean-François Bégin.
Jérôme Jolicoeur, du groupe immobilier Tanguay, pense qu’il est possible de « faire un projet de qualité dans cet environnement, qui sera magnifique au coup d’œil. »
« Nous croyons que la majorité de la population saura apprécier la qualité du bâtiment proposé. Par ailleurs, plusieurs bâtiments de même gabarit ou de gabarit supérieur furent construits récemment dans les environs », poursuit le représentant du promoteur.
Conserver l’espace vert
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/XKIG24VW2BDTDNI2QUU46CT5YQ.jpg)
Les opposants craignent que les condos construits créent un précédent dangereux pour le futur de l’espace vert. Jean-François Bégin pense que, si le projet va de l’avant, le golf pourrait être racheté ou éradiqué « pour en faire une rue avec une centaine de terrains et une belle tour à condos de huit étages en plein milieu ».
Jérôme Jolicoeur comprend cette crainte, mais assure que le projet sera accompagné d’une servitude de conservation « qui garantira le maintien de la vocation du club de golf à très long terme ou, dans l’éventualité où le golf devait mettre un terme à ses opérations, le maintien de l’aire du club de golf en espace vert ».
M. Bégin n’est pas convaincu par cette promesse. « Cette servitude-là, actuellement, elle n’est pas définie, elle n’est pas signée. On nous en parle du bout des lèvres », dénonce-t-il.
Le silence d’un élu dénoncé
Louis Martin, conseiller municipal de Cap-Rouge, était présent lors de la consultation mercredi. Jean-François Bégin est insatisfait de l’implication de l’élu, qui n’a toujours pas pris position dans le dossier.
Contacté par écrit, Louis Martin laisse entendre qu’il n’a rien à se reprocher. « Le projet de développement immobilier au golf de Cap-Rouge est encore à l’étape d’un projet que le propriétaire / promoteur est en train de bonifier. J’attends qu’il termine son travail et soumette un projet à la Ville avant de juger celui-ci. »
Le conseiller dit désirer « une solution qui assure la pérennité du club de Golf et son espace vert, mais qui obtient l’acceptabilité sociale des citoyens ».
Pas que des opposants
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/D4ZTEBB2YRBVNFNHYS7J3QQHY4.jpg)
Même si les voix opposantes sont plus fortes, certains citoyens approuvent ce projet de condominiums sur le golf de Cap-Rouge.
David Drouin, un résident de Saint-Augustin à la limite de Cap-Rouge, salue l’idée de construire des condos sur un espace vert déjà existant, plutôt que déboiser des forêts. Pour lui, le projet contribuerait à limiter l’étalement urbain.
« Les spécialistes en urbanisme, les scientifiques du climat le rappellent haut et fort. Pour faire la densification, il faut arrêter de s’étaler partout », dit-il.
Jérôme Jolicoeur, vice-président du groupe immobilier Tanguay, est du même avis. « Si on veut continuer de développer la ville de Québec en densifiant, tout en conservant nos espaces verts dans une logique de développement durable en cette ère de changements climatiques, il faut que des projets comme celui-ci puissent se réaliser. »
Le promoteur considère que le projet est nécessaire à la survie du Club de golf de Cap-Rouge. « Selon nous, sa fermeture ne devrait être souhaitée par personne, le club de golf représente un actif pour le secteur, un citoyen corporatif exemplaire et le superviseur d’un milieu naturel exceptionnel, tant en été qu’en hiver », affirme M. Jolicoeur.
La direction du Club de golf de Cap-Rouge n’a pas accepté les demandes d’entrevue du Soleil avant de publier cet article.