« Le camping Le Genévrier qui a été lourdement endommagé, c’est un site d’envergure. Et on sait que d’autres campings ont aussi eu des dommages », s’inquiète le directeur général de Tourisme Charlevoix, Mitchell Dion.
En quelques heures, Baie-Saint-Paul a vu une bonne partie de sa capacité d’accueil emportée par les eaux. Des centaines de places, déjà réservées pour l’été, complètement lessivées. « On a une offre d’hébergement assez variée, mais, déjà quand tout le monde était à pleine capacité, les campings affichaient des taux d’occupation très élevés. »
L’intervenant touristique craint que des visiteurs se retrouvent le bec à l’eau, se butant à des sites affichant complet.
« C’est certain que ça va déstructurer les entreprises touristiques, surtout dans l’hébergement »
— Mitchell Dion, directeur général de Tourisme Charlevoix
Malgré le contexte inflationniste, l’organisation était confiante pour la saison touristique qui doit débuter dans quelques semaines. « On sentait que ça allait bien, qu’on s’enligne vers une bonne saison, explique M. Dion. Mais ça, c’est vraiment une dalle qui nous tombe sur la tête. Et on ne l’avait pas vue venir. »
Tout comme le directeur général de Tourisme Charlevoix, le maire de Baie-Saint-Paul, Michaël Pilote, se veut rassurant. « C’est sûr qu’il va y avoir une saison touristique cet été, a-t-il confirmé. Mais il est trop tôt pour s’y projeter. »
Un événement majeur sur la glace
La cour arrière du camping Le Genévrier, ravagée, devait accueillir dans les prochaines semaines un important événement cycliste. Plus de 500 participants y étaient attendus pour les coupes Québec / Canada de vélo de montagne, en plus de membres de leur équipe et de centaines d’amateurs.
La coordinatrice générale de Vélo Charlevoix, Marie-Claude Laurendeau-Desmarais, refuse d’abdiquer, mais convient que des moments difficiles se dressent à l’horizon.
L’organisation statuera sur le maintien, ou non, de l’événement dans les prochains jours. « Mais c’est clair qu’il va falloir se revirer de bord, parce que ça ne se passera pas au Genévrier », convient-elle.
Si les courses devaient être annulées, l’impact serait « majeur » à Baie-Saint-Paul, croit la porte-parole de Vélo Charlevoix.
« On prend d’assaut beaucoup d’hébergement dans la région, juste avant le début de la saison touristique. Si on n’est pas là, ça risque de faire un trou dans les livres. »
— Marie-Claude Laurendeau-Desmarais
Une analyse partagée par la députée bloquiste du coin, Caroline Desbiens. « On attendait 2000 personnes. C’est une catastrophe », lance-t-elle sans détours.
Elle craint un effet domino sur les acteurs économiques de la région, particulièrement en début de saison, alors qu’on s’efforce d’attirer les visiteurs pour « étirer » la période touristique.
« Les gens de Charlevoix sont créatifs, mais à première vue, c’est une lourde tâche qui se dresse, et c’est un défi de taille pour l’industrie. »
Un camping comme un quartier
Les mauvaises nouvelles dans les campings de Baie-Saint-Paul laissent aussi entrevoir un début d’été difficile pour plusieurs commerces qui en dépendent.
« Vous savez, le Genévrier, c’est comme un quartier en été. En termes de capacité, c’est plus gros que le manoir Richelieu », illustre le directeur général de la Laiterie de Charlevoix, Bruno Labbé. «C’était», corrige-t-il.
Celui dont la famille est aussi propriétaire du camping qui a été ravagé par la rivière des Mares peut bien témoigner de l’importance de ces « 500 nouveaux voisins » qui arrivent tous les ans. Son commerce, de l’autre côté du pont déchiré, peut tirer sa part de gâteau de la clientèle du camping.
« Pour la vente en boutique, c’est majeur. On parle de 500 familles de l’extérieur, souvent en vacances, qui s’installent. Ils passent au dépanneur, vont à l’épicerie, dans les restaurants locaux. »
Le maire de Baie-Saint-Paul est bien conscient de l’importance des entreprises comme Le Genévrier dans le tissu économique de son milieu. « Ça fait partie de notre carte de visite », a répété Michaël Pilote, mardi, promettant aux propriétaires l’aide de l’équipe municipale.
La 138 à refaire au plus vite
L’effondrement d’une importante partie de la route 138 rend la tâche difficile aux acteurs touristiques et économiques de Charlevoix.
En plus de compliquer le déplacement de marchandises – les camions devant passer par le Saguenay pour joindre la Côte-Nord – le bris d’infrastructure risque de modifier le parcours de bien des visiteurs dans les prochaines semaines.
En temps normal, la grande part des touristes longent la route 138, arrêtant aux divers commerces au fil des kilomètres. La famille du Migneron de Charlevoix, situé à quelques centaines de mètres de là où la route s’est affaissée, en fait partie.
« On a la chance d’être un commerce de destination, qui attire les visiteurs, se console Madeleine Dufour, au nom de l’entreprise. Mais même si les gens peuvent se rendre, sans la 138, ce n’est vraiment pas le même achalandage. »
« On peut juste espérer très très fort que tout soit réparé rapidement, avant la saison touristique »
— Madeleine Dufour de la famille du Migneron de Charlevoix
Si la fromagerie peut compter sur son réseau de distribution malgré la route brisée, « une part importante » de ses ventes fromagères et viticoles dépend des passants, explique Mme Dufour. « Ça fait partie de notre ADN, de nos croyances en tant qu’entreprise. »
Le maire espère, lui aussi, une reconstruction rapide du pont de la route 138 qui traverse la rivière des Mares. Michaël Potvin estime qu’il s’agit de l’infrastructure abimée « qui nécessite les correctifs les plus importants ».
« Il ne faut pas s’attendre à ce que le pont soit rouvert cette semaine, [mais] on aimerait ça qu’elle puisse être rouverte aujourd’hui », a finalement illustré l’élu, sans pouvoir s’avancer sur les travaux nécessaires et les délais associés.