L’état d’urgence décrété à Sept-Îles en raison des feux de forêt; l’armée en renfort

Un avion-citerne en opération sopfeu feu de foret incendie de foret Service aérien gouvernemental (SAG)

Devant l’avancée inattendue et l’ampleur des feux de forêt qui menacent son territoire, la Ville de Sept-Îles a décrété vendredi matin l’état d’urgence. La communauté innue voisine d’Uashat mak Mani-Utrenam a fait de même. Face à la situation, autour de 10 000 citoyens de la municipalité et de la communauté autochtone devront quitter leur domicile dans les prochaines heures. Dans le Nord-du-Québec, un nouvel avis d’évacuation a été lancé pour la municipalité de Lebel-sur-Quévillon, qui compte environ 2000 habitants.


Une dizaine de patients nécessitant des soins plus aigus ont été transférés vers le CHU de Québec, selon le Centre intégré de santé et de services sociaux de la Côte-Nord. D’autres évacuations pourraient être organisées dans les prochaines heures, sur la Côte-Nord et ailleurs au besoin, si nécessaire. Évidemment, personne ne sera évacué sans que la famille en soit informée.

Les services de l’hôpital de Sept-Îles demeurent offerts à l’exception de certaines activités électives (non urgentes), soit les cliniques externes, l’endoscopie et l’imagerie médicale.



Le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, a annoncé avoir demandé du renfort à l’armée canadienne.

« Je viens de communiquer avec le gouvernement fédéral afin d’obtenir de l’aide des forces armées canadiennes pour la situation des feux de forêt. On a une très belle collaboration et on fait tout en notre pouvoir pour aider les gens de la Côte-Nord », a écrit M. Bonnardel dans une publication sur Twitter vendredi après-midi.

Le premier ministre François Legault a pour sa part affirmé « suivre la situation de très près ». « Pas besoin de vous dire que je recommande et je demande à tous les Québécois de ne pas aller en forêt, et quand on vous demande d’évacuer, d’accepter de suivre les consignes », a soutenu M. Legault.

Le ministre fédéral de la Protection civile, Bill Blair, a indiqué sur le réseau social avoir reçu la demande d’aide fédérale et a affirmé que le gouvernement travaillait « à identifier les ressources fédérales appropriées ».



En point de presse vendredi matin, le maire Steeve Beaupré a indiqué avoir pris la décision de décréter l’état d’urgence en raison d’un des deux feux, nommé feu 172, qui «a progressé de manière importante vers le sud durant la nuit». Au moment d’écrire ces lignes, ce brasier aurait détruit 40 000 hectares de forêt.

Un ordre d’évacuation obligatoire vient avec cet état d’urgence. Cet ordre vise les résidents du secteur du lac Daigle, ainsi que les citoyens à l’est du centre-ville de Sept-Îles, soit ceux du secteur des Plages et de Moisie. Au total, entre 3 000 et 4 000 personnes seront évacuées. L’évacuation doit être complétée avant 16 h ce vendredi. « Le feu du lac Nipissis (172) a pris une ampleur inattendue et c’est ce qui justifie les évacuations. Hier soir (jeudi), les informations qu’on avait n’allaient pas dans ce sens-là », a ajouté le maire.

Des centres d’hébergement temporaire ont été ouverts à Port-Cartier, à 45 minutes à l’ouest de Sept-Îles, à Baie-Comeau et à Forestville pour accueillir les personnes qui ne pourront s’installer chez des amis ou des membres de la famille. Les citoyens qui désirent s’informer sur l’ensemble de la situation peuvent consulter le site web ou la page Facebook de Sept-Îles, ou encore utiliser la ligne info-citoyens, au 418 964-3371.

« On parle de 2000 (à) 3000 personnes qui auraient besoin d’hébergement actuellement », a affirmé le ministre de la Sécurité publique François Bonnardel, disant que les équipes de la sécurité civile sont en contact avec la Croix-Rouge

Les autorités de Sept-Îles ont tenu un second point de presse en fin de journée vendredi. Elles ont annoncé que le quartier de Sainte-Famille serait le prochain à être évacué « si la situation l’impose ».

« Il n’y a pas lieu de paniquer, la situation est loin d’être sous contrôle total, mais les équipes d’intervention sont bien en selle », a affirmé le maire de Sept-Iles, disant qu’il n’est pas question d’évacuer l’ensemble de la ville, qui compte près de 30 000 résidents.



Si le secteur de Sainte-Famille devait être évacué, 3000 personnes devraient quitter leur domicile.

« On a un peu de temps en avant de nous pour l’instant, donc on demande aux gens de se préparer », a dit Denis Clements, coordonnateur des mesures d’urgence à Sept-Îles. Il a invité la population qui pourrait être évacuée à préparer une «trousse 72 heures» qui contient leurs biens essentiels pour trois jours s’ils devaient quitter leur résidence.

M. Clements a toutefois souligné que le feu 215 est stable, et que le feu 172 progresse «un peu moins rapidement».

En fin d’avant-midi, au tour des autorités d’Uashat mak Mani-Utenam de décréter l’état d’urgence. Les quelque 1 500 résidents du secteur Mani-Utenam, à l’est de Sept-Îles, doivent quitter leur résidence d’ici 17 h. «J’appelle la population à la solidarité et au calme», a lancé le chef Mike McKenzie. Les personnes évacuées pourront être relogées à Pessamit, à environ 300 kilomètres à l’ouest, qui a les capacités de recevoir ces gens.

La Sûreté du Québec (SQ) a tenu à rassurer la population vendredi soir par rapport aux vols et au vandalisme. Elle a affirmé dans un communiqué que « des informations erronées circulent actuellement » sur les réseaux sociaux selon lesquelles des vols auraient lieu dans le secteur est de Sept-Îles.

La SQ a souligné qu’aucun incident n’a été rapporté dans le secteur, ajoutant que de nombreux patrouilleurs surveillent les lieux tant de jour, de soir ou de nuit.

La Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) indique que ce sont les feux 172 et 215 qui menacent Sept-Îles, et que du « travail de terrain » est effectué pour limiter leur propagation. Des missions de camion-citerne seront aussi mises sur pied, a évoqué Isabelle Gariépy, de la SOPFEU.

La Société rappelle aussi à la population l’importance de ne pas faire de feux à ciel ouvert.



Des pompiers de Québec en renfort

Le service de protection contre les incendies de Québec a annoncé qu’il envoyait deux équipes de pompiers afin de prêter main forte au service de la sécurité incendie de Sept-Îles. Un chef aux opérations, un chef logistique et un conseiller à la direction se joindront aux effectifs.

Afin de faciliter la circulation des personnes, Québec a fait lever les travaux sur les routes 138 et 172. quand ce sera nécessaire, des signaleurs assureront la fluidité et la sécurité.

Présente sur place, la ministre responsable de la Côte-Nord, Kateri Champagne Jourdain, a rappelé l’importance de respecter l’arrêté ministériel qui interdit de se trouver en forêt publique jusqu’à nouvel ordre. «Le respect des consignes est obligatoire et la solidarité est nécessaire», a ajouté le maire Beaupré.

La ministre Kateri Champagne-Jourdain

Mme Champagne Jourdain a également assuré que le pont aérien pour ravitailler la Minganie ne devrait pas être affecté aujourd’hui par les feux de forêt. Depuis mercredi, plusieurs allers-retours par jour d’un avion-cargo, pour les denrées alimentaires, et d’un avion de passagers pour les évacuations médicales et autres, se poursuivent pour ravitailler la dizaine de localités de la Minganie, coupée du reste du monde depuis mardi en raison de la fermeture du pont Touzel à Rivière-au-Tonnerre, après qu’une fissure sur une poutre eut été trouvée.

La Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) s’affaire ce vendredi à réaliser du travail manuel et mécanique sur le terrain «pour essayer de calmer la montée du feu dans certains secteurs », a fait valoir la porte-parole régionale, Isabelle Gariépy. Des missions d’avions-citernes sont également au programme.

« Le feu 172 a pris plus d’intensité, de vivacité et les vents sont très variables », a enchaîné Mme Gariépy en signalant que des ressources supplémentaires avaient été demandées pour combattre avec efficacité l’élément destructeur.

En début de journée, une vingtaine de feux de forêt étaient actifs sur la Côte-Nord. L’indice d’inflammabilité varie de très élevé à extrême.

« On priorise 20 de ces feux pour protéger la population, nos infrastructures d’Hydro-Québec. On a rapatrié tous les effectifs de la SOPFEU. Ce sont près de 400 personnes qui sont sur le terrain », a déclaré le ministre François Bonnardel.

Vendredi vers 19h00, le site de la SOPFEU indiquait qu’il y avait 126 incendies en activité dans la province, dont près de 90 «hors de contrôle».

Les entreprises forestières n’effectuaient plus de travaux en forêt depuis le début de la semaine. La ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina, a annoncé vendredi qu’il est désormais interdit pour les citoyens de sept zones d’effectuer des activités en forêt.



Le gouvernement du Québec a aussi fait appel à l’aide d’autres pays, soit les États-Unis, le Portugal et le Mexique afin de contrôler les feux de forêt, a précisé Mme Blanchette Vézina.

« Pour l’instant, l’information qui nous provient de la SOPFEU (c’est) que ce n’est pas vraiment d’amélioration au niveau des conditions météo qui vont permettre de faire une très grande différence au niveau de l’intervention, a affirmé Hugo Martin, porte-parole en sécurité civile au ministère de la Sécurité publique. Donc, ça va nécessiter beaucoup de ressources autant humaines que matérielles pour venir à bout de ces feux-là. »

Avec La Presse canadienne