« Le Québec tarde à donner signe de vie pour finaliser la négociation », se désole le chef de la communauté de Mashteuiatsh, Gilbert Dominique, l’une des trois communautés membres du Regroupement Petapan, les deux autres étant Essipit et Nutashkuan, sur la Côte-Nord. « On est très déçus de la situation et ça nous amène à nous interroger sur les réelles intentions de Québec », a-t-il enchaîné.
Les enjeux entourant cette négociation sont connus depuis plusieurs années. Ils concernent le respect du territoire revendiqué, la confirmation des droits ancestraux, l’autonomie gouvernementale, les activités traditionnelles, le développement socio-économique, le financement, la fiscalité et bien d’autres sujets, dont notamment la hauteur des compensations à verser pour le développement économique du passé, réalisé sans consultation avec les communautés visées.
Selon les échos des couloirs de l’Assemblée nationale qui parviennent jusqu’aux oreilles du chef Dominique, il y aurait des points du projet de traité qui font débat au Conseil des ministres et dans les officines de certains ministères. «On ne connaît pas la nature exacte de ces préoccupations, mais on sent bien que c’est suffisamment important pour empêcher le gouvernement de cheminer. On est inquiets», fait-il valoir.
Une invitation à Legault
Pour tenter de dénouer l’impasse, les trois chefs de Petapan ont écrit mardi à M. Legault afin de l’inviter à une rencontre avec eux. « On a constaté que le premier ministre, avec ses déclarations de la dernière semaine, n’est malheureusement pas trop au courant de l’ampleur et de la compréhension du projet de texte de traité jusqu’à maintenant. Donc, on pense qu’avec une rencontre, on va être capable d’amener une meilleure compréhension pour que les acteurs de premier plan puissent mettre en œuvre le mandat de finaliser cette négociation dans les plus brefs délais », lance Gilbert Dominique.
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Pour qui est des enjeux « connus » qui bloqueraient jusqu’ici, le chef de Mashteuiatsh évoque les offres monétaires de Québec. M. Dominique soutient que ce point pourrait se régler rapidement, car il existe des principes sur cette question établies lors de la signature en 2004 de l’Entente de principe d’ordre général, conclue entre les trois communautés formant Petapan, Pessamit, Québec et Ottawa.
« La base est établie, on veut actualiser ça avec les chiffres d’aujourd’hui parce que le développement s’est poursuivi sur le territoire. Il n’est assurément pas au même niveau qu’à l’époque, clame le chef. On a proposé des scénarios sur cette question à Québec il y a quatre mois et il tarde d’avoir une réponse. »
Une entente avec le fédéral
Rappelons qu’au début mai, le regroupement a confirmé l’entente conclue à l’échéance du 31 mars avec le gouvernement fédéral. Le ministre des Relations Couronne-Autochtones, Marc Miller, s’est officiellement engagé. « Ottawa a livré la marchandise, malgré que ce ne soit pas plus facile de faire bouger un gros appareil comme le gouvernement fédéral. »
Question de continuer à mettre de la pression sur le gouvernement Legault, Petapan amorcera dans les prochains jours un processus d’information et de consultation des membres des trois communautés.
« Il faut s’assurer de la bonne compréhension de tous, car c’est la population qui va ultimement décider par référendum de l’avenir de l’éventuel traité, soutient le chef. Notre job va être de bien les informer sur le contenu du traité et de leur faire part de diverses analyses, comme par exemple ça représente quoi, vivre dans un contexte de traité comme proposé et vivre dans le contexte de la loi sur les Indiens. On va être bien transparent. »
Toutefois, comme Québec n’a toujours pas apposé sa signature, les chefs sont liés par le sceau de la confidentialité pour rendre disponibles l’intégralité des textes. « Mais pour notre population, on va se permettre de bien expliquer la nature des textes. C’est hautement juridique et ce n’est pas évident à bien saisir. On fera donc un exercice de vulgarisation et de traduction », indique Gilbert Dominique.
En parallèle, la plupart des autres Premières Nations observent d’un œil intéressé l’avancement du dossier. Selon le chef Dominique, elles ont encore frais en mémoire «les impacts dévastateurs» de la Convention de la Baie James, « qui ont porté atteinte aux droits » de plusieurs communautés.
Le dirigeant de Mashteuiatsh estime cependant que ses collègues des Premières Nations devraient être «confortés» lorsqu’ils pourront prendre connaissance de ce traité à venir. « Il y a quelque chose dans ce traité qui nous rassure, c’est qu’il est évolutif. Si, ailleurs, au pays, il y a des ententes qui sont encore meilleures que les nôtres, auxquelles on peut appliquer certaines propositions dans notre traité, le Canada et le Québec ont l’obligation d’en discuter les modalités. Ça, c’est rassurant pour le futur », conclut M. Dominique.