Dix ans après la suspension de la liaison Montréal-Gaspé par VIA Rail en raison de l’état de l’infrastructure ferroviaire, le transporteur fédéral rompt avec le service de navette offert depuis 2017 par la Régie intermunicipale de transport Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, la RéGIM. Cette décision découle du choix d’un logiciel, RéserVIA, qui ne permet plus de connexion avec d’autres transporteurs, donc la poursuite de services intermodaux fluides.
La porte-parole de la Coalition des Gaspésiens pour le retour du train de passagers, Cynthia Patterson, trouve complètement incongrue la décision de VIA Rail.
«Il est incroyable de voir qu’en 2023, un transporteur public comme VIA Rail fasse le choix d’un logiciel de réservations moins performant que le précédent!», aborde Mme Patterson.
«Nous voici donc en présence d’une société publique, VIA Rail, dirigée par des gens qui sont supposés avoir compris les enjeux environnementaux, et qui décident de couper l’efficacité d’un système de réservations permettant jusqu’à récemment de collaborer avec d’autres transporteurs. C’est ça, l’intermodalité, et VIA Rail s’en retire. C’est déplorable!», ajoute-t-elle.
VIA Rail ne s’est pas uniquement retirée de la collaboration avec la RéGIM, mais aussi de la correspondance avec la liaison par autocar entre l’Île-du-Prince-Édouard et Moncton, au Nouveau-Brunswick, de même que celles permettant un lien entre les clients de VIA Rail avec des services de banlieues tels qu’Exo à Montréal ou Go Transit, en Ontario.
«L’affaire, c’est qu’à Montréal ou à Toronto, il y a d’autres services possibles en transport en commun, l’avion, des autocars reliant régulièrement les principales villes, et VIA Rail qui offre plusieurs départs. Nos services d’autocars interurbains ont été réduits à un seul départ par jour ici, avec des villes et villages où ils n’arrêtent plus. C’est tout un handicap. L’auto solo est souvent notre seul choix, alors que nous voulons aussi réduire nos émissions de gaz à effet de serre», analyse Cynthia Patterson.
Une pétition fort populaire
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En un mois et en vertu de moyens limités, la coalition qu’elle défend se retrouve à quelques dizaines près du seuil de 15 000 signatures d’une pétition de citoyens endossant le retour du convoi de passagers de VIA Rail avant la fin de 2023 ou au début de 2024. Cela signifie un retour par étapes. La liaison serait d’abord rétablie entre Montréal, Matapédia et New Carlisle, puis vers Gaspé le plus tôt possible.
Cynthia Patterson voudrait que le gouvernement québécois, qui possède l’emprise ferroviaire entre Matapédia et Gaspé depuis le printemps 2015, accélère le pas en ce qui a trait à la réfection de l’axe Caplan-Port-Daniel et Port-Daniel-Gaspé, surtout que Transports Québec accuse un retard significatif sur l’échéancier initial.
«Les gens sont très déçus par ce retard du gouvernement provincial, mais au moins, il fait quelque chose et ça bouge un peu plus vite depuis un an. On ne peut pas en dire autant du gouvernement fédéral, où il ne se passe rien depuis quelques années. VIA Rail exige que la voie ferrée soit réparée jusqu’à Gaspé au lieu de revenir par étape. Pourtant, entre 2011 et 2013, elle a réduit son service par étapes», rappelle Mme Patterson.
Elle souhaiterait voir les trois niveaux de gouvernement, municipal, québécois et fédéral, travailler ensemble et montrer plus de vigueur en matière d’effort déployé pour ramener le train de passagers en Gaspésie au plus coupant.
«Il y a un manque de volonté politique de mener, de financer et d’implanter des services de transport dans les régions en fonction de politiques cohérentes et durables dans le temps»
— Cynthia Patterson
Des alliés
Ces paroles trouvent des échos enthousiastes chez des employeurs comme Jean-François Nellis, copropriétaire de la micro-brasserie Pit Caribou de Percé.
«Ce que je trouve plate, c’est qu’on a de la misère à voir tout le monde tirer dans le même sens. On n’est pas à l’unisson. La députée fédérale, Diane Lebouthillier, a droit à ses opinions, mais on a absolument besoin du gouvernement fédéral pour ravoir le train de passagers. La majorité du recrutement de main-d’œuvre que je fais pour l’entreprise est dirigé vers Montréal. Ce sont souvent des gens qui n’ont pas de voiture, par choix. En perdant la navette de la RéGIM, on perd un moyen de transport en commun. On ne peut recruter que difficilement dans ces conditions», aborde M. Nellis.
La députée et ministre Lebouthillier s’est fait remarquer en janvier en souhaitant «bonne chance» pour marquer son scepticisme à l’endroit des autorités pilotant la réfection du chemin de fer en Gaspésie. Pourtant, des sommes totalisant 280,8 millions $ ont déjà été approuvées pour mener cette réfection à terme, dont 45,8 millions $ annoncés par M Lebouthillier à l’aube de la campagne électorale de 2019.
«On a absolument besoin du fédéral là-dedans. Elle a été élue par des gens qui y croient, au chemin de fer. C’est une question de viabilité de transport en commun. On a presque perdu entièrement les services d’autobus d’Orléans Express il y a quelques années et ça a pris une contribution des MRC pour ramener certains services perdus. On ne peut se développer sans chemin de fer», renchérit Jean-François Nellis.
Cynthia Patterson croit aussi que certains porte-parole régionaux manquent des occasions de se servir de leur tribune pour faire avancer des causes importantes.
«Je trouve dommage que le maire de Gaspé, Daniel Côté, n’ait pas utilisé la tribune qu’il occupait jusqu’à cette semaine comme président de l’Union des municipalités du Québec pour réclamer, en plus d’une amélioration des services aériens régionaux, des services ferroviaires dignes de ce nom. On l’a essentiellement entendu parler de services aériens pendant les deux ans de son mandat», signale-t-elle.
«C’est 15 000 personnes qui ont signé notre pétition, une pétition propulsée avec de faibles moyens. C’est la moitié de la clientèle annuelle du train Montréal-Gaspé quand il desservait tout le réseau gaspésien. C’est considérable», rappelle Mme Patterson.
D’autres organismes évoluant dans divers secteurs d’activités prendront bientôt la parole, dit-elle, pour appuyer la Coalition des Gaspésiens pour le retour du train de passagers et Solidarité Gaspésie, un mouvement citoyen participant vigoureusement à cette initiative.
Transports Québec avait initialement établi que la réfection du chemin de fer gaspésien serait rendue à Port-Daniel en 2020, échéancier repoussé d’abord à 2022, puis à 2024. L’échéancier pour le parachèvement de cette réfection jusqu’à Gaspé devrait être connu à la fin du printemps ou au début de l’été.