Sur le sentier de la réconciliation

Deborah Jourdain et sa fille de onze ans Anne-Marie Lessard soulignent la Journée nationale de vérité et réconciliation.

« Je vais essayer de ne pas pleurer ». La sénatrice canadienne et militante innue Michèle Audette a ouvert sombrement la Journée nationale de vérité et réconciliation, à l’Université Laval.


Une marée de chandails oranges était rassemblée sur le campus universitaire samedi matin afin de souligner les victimes et survivants des pensionnats autochtones, ainsi que l’ensemble des violences envers les premiers peuples.

Deborah Jourdain était au rassemblement avec sa mère et sa fille de onze ans. Marquée au visage par l’empreinte d’une main rouge, Deborah commémore surtout sa grand-mère, qui a connu les pensionnats.

En collaboration avec la Fondation Nouveaux Sentiers, le Comité justice et enjeux autochtones de la Faculté de droit de l’Université Laval a organisé une Marche de la vérité, où plus de 200 autochtones et allochtones ont parcouru 2km dans le boisé de l’Université Laval.

Jenny Hervieux, co-directrice du centre MAMUK, chante un chant d'offrande traditionnel en compagnie de Manon Massé. (Caroline Grégoire )

Le cœur était à la fête, mais aussi à l’émotion. « Aujourd’hui, c’est un hommage qu’on rend à nos enfants disparus, à tous les survivants des pensionnats et aussi à leurs communautés », a déclaré la vice-présidente du conseil d’administration de la Fondation Nouveaux Sentiers, Marjolaine Sioui.

« Moi aussi, j’ai déjà été une enfant touchée par les pensionnats », a conclu avec émotion Michèle Audette.

Célébrer l’avenir

En plus des hommages aux victimes des pensionnats, la communauté s’est rassemblée pour célébrer la culture des peuples autochtones et regarder vers l’avant. C’est précisément l’inspiration du nom de la Fondation Nouveaux Sentiers, explique sa directrice générale Marie-Claude Cleary. La Fondation, entièrement mise sur pied par et pour les peuples autochtones, se dédie à améliorer l’avenir des jeunes autochtones.

Marie Claude Cleary, DG de la Fondation Nouveaux Sentiers, en compagnie de Maude ka Miskwisit Prud’homme.

Cette mission passe par les campus universitaires, souligne la directrice générale. Compléter ses études post-secondaires exige de quitter sa communauté. Une étape très difficile, assure Mme Cleary. C’est pourquoi elle se réjouit de savoir que l’Université Laval, comme plusieurs autres établissements, dédie une équipe au bien-être autochtone.

À Québec, cela se fera notamment grâce à une cuisine collective pour les étudiants des Premières nations. Un geste qui touche profondément Marie-Claude Cleary. La cuisine est un moyen pour la communauté de se rassembler et de partager les valeurs communes. Les participants à la Marche de la vérité ont d’ailleurs pu goûter à la sagamité, un plat traditionnel autochtone.

Le cœur était aussi à la fête familiale, samedi avant-midi.

La célébration de la culture prend aussi la forme de mocassins, avec Bastien Industries. L’entreprise de fabrication de mocassins selon le savoir-faire ancestral a créé un mocassin spécialement à la mémoire de Joyce Echaquan, dont les profits sont destinés à la Fondation Nouveaux Sentiers. Le propriétaire Jason Picard a lancé cent paires exclusives, dont plus de la moitié est déjà vendue.

3 ans plus tard

La Marche de la vérité prend place trois ans, presque jour pour jour, après le tragique décès de Joyce Echaquan. Le 28 septembre 2020, Joyce Echaquan est décédée à l’hôpital de Joliette, sous les insultes d’employés. La mère de famille atikamekw de 37 ans s’était filmée peu avant sa mort, à l’hôpital, en appelant à l’aide.

« La journée du 30 septembre, de plus en plus, elle résonne. Être là, c’est reconnaître notre bout de l’histoire. »

—  Manon Massé

Trois ans plus tard, trop peu a changé, déplore Manon Massé, seule députée sur place. « Je me retrouve à la même place où j’étais il y a trois ans. Dans une non-reconnaissance des dirigeants de ce que vivent les Premières nations. »

Les gestes symboliques sont nécessaires, souligne Manon Massé, mais pas suffisants. « Le gouvernement parle des deux côtés de la bouche : on veut se réconcilier avec les Premières nations, mais quand il s’agit le temps de poser des gestes concrets d’égalité de nation à nation, il n’est jamais au rendez-vous. »

Après un long arrêt pour sa santé, Manon Massé retrouvait avec émotion plusieurs « frères et sœurs » autochtones, dont Michèle Audette.

Sur le plan personnel, Manon Massé était très émue de l’événement. « Je sais comment mes frères et sœurs souffrent, c’est une journée très difficile pour eux. Ça me fait du bien de savoir que je suis là, à leurs côtés ».

La marche de la vérité amorce la troisième et dernière journée d’activités de réconciliation avec les peuples autochtones à l’Université Laval. Jeudi et vendredi, le campus a accueilli des prestations musicales, allocutions et artisans autochtones.