Le réseau de la santé « ne met pas les efforts » pour lutter contre l’itinérance, blâment les villes

Commandé par l’UMQ, le rapport de la firme AppEco intitulé État de situation et analyse d’impact des programmes de prévention et de lutte contre l’itinérance au Québec sur les municipalités est particulièrement sévère envers les CISSS et les CIUSSS régionaux.

Le réseau de la santé se traîne les pieds dans le dossier de l’itinérance, accusent les villes dans un rapport commandé par l’Union des municipalités du Québec, qui presse les différents CISSS et CIUSSS de jouer leur rôle pour lutter contre le phénomène grandissant.


Tandis que les municipalités font face aux « conséquences directes » de l’itinérance, le gouvernement du Québec « trop souvent, ne met pas les efforts, les ressources et le temps requis pour faire une vraie différence », blâme l’Union des municipalités du Québec dans une étude qui doit être rendue publique jeudi et dont Le Soleil a obtenu copie.

Commandé par l’UMQ, le rapport de la firme AppEco intitulé État de situation et analyse d’impact des programmes de prévention et de lutte contre l’itinérance au Québec sur les municipalités est particulièrement sévère envers les CISSS et les CIUSSS régionaux.

Écorchés à plusieurs reprises, le réseau de la santé et ses branches régionales sont accusés d’être peu engagés pour intervenir en itinérance, eux qui disposent pourtant des principales responsabilités et ressources financières.

« Bien que cela varie d’un endroit à l’autre, autant des municipalités que des organismes rencontrés témoignent d’un faible engagement de la part des CI (U) SSS. Ces derniers devraient techniquement avoir la charge de la concertation dans leur région, mais elle est généralement faite par les municipalités et à l’occasion par les groupes communautaires », peut-on lire dans le document détaillé de 87 pages.

« Les CI (U) SSS se doivent d’en faire davantage et les municipalités doivent être parties prenantes des efforts de réduction de l’itinérance. »

—  Extrait de l’État de situation et analyse d’impact des programmes de prévention et de lutte contre l’itinérance au Québec sur les municipalités

À l’issue de rencontres avec plusieurs intervenants municipaux et communautaires, les signataires du rapport constatent que « les actions des CI (U) SSS sont parfois réduites au minimum, réalisées en vase clos ou uniquement dirigées vers certains éléments paramétrés par la structure et les processus propres au réseau de la Santé et des Services sociaux ». Le manque de personnel pour agir auprès des personnes en situation d’itinérance est notamment relevé parmi les principales lacunes.

« Les CI (U) SSS jouent trop peu leur rôle de coordonnateur des efforts en matière de réduction de l’itinérance. Bref, les consultations ont été claires sur ce point, il faut plus de proactivité et une plus grande agilité du réseau de la santé et des services sociaux », tranche l’Union des municipalités du Québec.

Les villes paient le prix

Disant vouloir faire leur part, les villes constatent surtout qu’en attendant, elles paient le prix des « conséquences directes » de l’explosion de l’itinérance sur leurs territoires respectifs. Québec évalue que le phénomène est en hausse partout dans la province, selon les résultats de son dénombrement de 2022 parus jeudi.

« On a des CIUSSS très bons, on a des CIUSSS pourris et entre deux, tout un spectre de CIUSSS [...] Pendant que vous discutez de vos rôles, il y a quelqu’un dehors qui gèle, qui se meurt », presse le maire de Québec.

La « forte augmentation » du nombre de personnes itinérantes cause « une pression accrue sur les services offerts, sans compter les ressources limitées » des municipalités.

Dans un bras de fer avec le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, les maires et mairesses demandent à Québec d’être dédommagés pour leurs dépenses en hausse, notamment en lien avec des efforts en sécurité publique et en salubrité de plus en plus accrus.

À titre de président d’un comité municipal sur l’itinérance, le maire Bruno Marchand estime que jusqu’ici, les millions annoncés qui pleuvent reviendront à « mettre un plaster quand ça saigne ». Il insiste qu’il préconise les « résultats » au-delà des « moyens », mais qu’il ne revient pas aux villes de prendre à leur charge la responsabilité de la gestion de l’itinérance.

L’itinérance zéro partout

L’itinérance zéro, dont le maire Marchand a maintes fois fait la promotion en campagne électorale, est d’ailleurs toujours la cible qu’il poursuit et qu’il aimerait voir faire du chemin ailleurs, assure-t-il. Et ce, même si le ministre Carmant n’y adhère pas.

Bruno Marchand n'entend pas renoncer à son objectif d'atteindre l'itinérance zéro à Québec. Et il aimerait qu'il en soit de même dans les autres villes.

« Je ne suis pas ministre des Services sociaux, je ne suis pas premier ministre, je ne peux pas atteindre ça tout seul. [...] Si comme villes, on ne travaille pas bien, on n’y arrivera pas. Si les groupes communautaires ne travaillent pas bien, on n’y arrivera pas. Si les CISSS et les CIUSSS ne sont pas meilleurs, on n’y arrivera pas. C’est pour ça que je dis : cette cible, elle devrait être une ambition nationale. Une cible québécoise à laquelle on s’engage tous et pour laquelle on rend des comptes », a-t-il affirmé jeudi, lors d’un point de presse, tenu en fin de journée.

« Le maire de Québec, la mairesse de Montréal, de Granby, de Nicolet ne peuvent pas agir seuls », a-t-il poursuivi, avant d’en appeler à être « audacieux ».

« Ça ne nous empêche pas de dire à voix haute au ministre, au premier ministre et à d’autres : embarquez donc dans ce Québec ambitieux, pour lequel ça prendra 10, 15 et 20 ans, mais pour lequel on va commencer tout de suite à avoir des résultats », invite M. Marchand.